P-au-P, 29 nov. 2012[AlterPresse] --- « Gérard Gourgue, l’homme par qui le cours de l’histoire aurait pu changer », est le titre d’un documentaire réalisé par Arnold Antonin, relatant les événements politiques ayant conduit à l’avortement dans le sang des élections générales en Haïti, le 29 novembre 1987.
Le documentaire expose des images d’archives de jeunes hommes et femmes de l’électorat haïtien baignant dans leur sang à la suite des fusillades perpétrées par les militaires et leurs sbires à la Rue Vaillant, à Port-au-Prince.
Le massacre du 29 novembre a été un détournement de l’histoire, croit le réalisateur du film, Arnold Antonin, indiquant que « le gouffre était tellement profond qu’on n’arrive pas (aujourd’hui encore) à trouver l’élément nécessaire pour s’en sortir ».
Selon lui, ce documentaire permettra de remettre l’histoire sur les rails.
Gourgue : un conte brutalement interrompu
Le film d’Arnold Antonin explique que l’avortement des élections du 29 novembre a représenté une gifle à la gauche politique haïtienne qui supportait le candidat du Front national de concertation (Fnc), Gérard Gourgue, considéré comme le vainqueur potentiel de ces joutes électorales.
L’homme était supporté notamment par divers secteurs politiques de la gauche haïtienne, des mouvements sociaux, des organisations de droits humains et des églises.
Gérard Gourgue est présenté comme un progressiste, un être sensible aux problèmes sociaux et la question des droits humains.
Sa popularité a d’ailleurs commencé à grandir au cours du règne des Duvalier, période de violences et de terreur. Une popularité qui se manifestera lors des premières élections générales de novembre 1987, ayant suivi la chute de la dictature en février 1986.
Le film raconte que la plupart des couches défavorisées de la population ont dû braver les menaces et crimes courants à l’époque pour aller voter le candidat qui répondait le plus à leur aspiration, en l’occurrence, Gourgue.
Arnold Antonin laisse entrevoir que la tuerie à la Rue Vaillant a été l’œuvre du Conseil national de gouvernement (Cng) ayant à sa tête le général Henry Namphy, supporté par les Etats-Unis d’Amérique, qui n’appréciaient pas le scénario démocratique que le scrutin de 1987 dessinait.
Le Cng a été institué à la suite d’un mouvement populaire ayant provoqué la chute des Duvalier.
Les coupables du massacre
Après avoir dissout le Conseil électoral provisoire (Cep) chargé d’organiser les élections du 29 novembre, Henry Namphy affirme que « La bamboche démocratique est finie », rapporte le film.
La Cia et le Pentagone sont aussi pointés du doigt comme les commanditaires de cet attentat qui visait à gâcher la réalisation de ces joutes présidentielles en Haïti. On voit revenir en leitmotiv des images de requins menaçants et de vols de corbeaux suivis d’orages...
Les Etats- Unis craignaient, dit-on, l’accession au pouvoir de Gérard Gourgue qui était souvent vu comme un candidat proche du communisme.
Ruelle Vaillant, le tombeau de l’espoir
Par ailleurs, le documentaire fait revivre des moments forts de la chute des Duvalier, perçue comme un espoir de liberté pour Haïti.
Suite à l’exil des Duvalier, des scènes de liesse de la population et de dechoukaj, mais aussi de vandalisme et de violences, allaient ponctuer la marche des événements.
Au lendemain du 7 février 1986, des exilés comme les journalistes Jean Léopold Dominique, Marcus Garcia, Liliane Pierre Paul, l’historienne Suzy Castor, l’homme politique Daniel Fignolé et Arnold Antonin lui-meme reviennent au pays.
Sous la pression populaire, le Cng dissout, le 25 février 1987, le corps des tontons macoutes responsables de nombreuses atrocités dans le pays.
Des voix s’élèvent. Des paysannes et paysans plaident pour la réforme agraire et rejettent l’éventuelle occupation étrangère du territoire. Des représentants du vodou revendiquent le droit de pratiquer leur religion bafouée.
En mars 1987, la population vote par référendum la constitution haïtienne.
Un air de liberté allait s’ouvrir. Mais, fragile et temporaire, comme le prouve sans doute le massacre de la ruelle Vaillant.
La réalisation de ce documentaire qui dure 1h42mn a été produit par le Centre Pétion Bolivar et supporté par la Fondation connaissance et liberté (Fondasyon konesans ak libète/Fokal) et la Banque de la République d’Haïti (Brh). [emb kft gp apr 29/11/2012 9 : 30]