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Batay Ouvriye : " Devant le vide existant, nous devons proposer nos propres alternatives "

Prise de position de l’organisation Batay Ouvriye (Lutte Ouvrière) sur la situation d’Haiti durant les mois de mars et avril 2004

Soumis à AlterPresse le 3 mai 2004

Déjà avant le départ d’Aristide, la crise politique était montée d’un cran.
Dès janvier 2004, le mandat de nombre de responsables au niveau de l’Etat était
terminé. Ce qui créait un vide important. Avec l’offensive anti-Aristide,
anti-Lavalas, de l’Opposition, la situation s’aggravait de plus belle : plusieurs
de ceux qui étaient toujours en poste avaient dû abandonner leur zone. Le
vide s’amplifiait. Avec le départ du président, il s’agit bien d’une explosion :
L’ETAT CONFIRMAIT UNE CRISE OUVERTE, ECLATEE MAINTENANT à€ LA FACE DE TOUS.

Partout, nul responsable légitime à qui s’adresser. Toute une série d’usurpateurs
profitèrent de la sorte pour s’ériger qui en autorité déclarée, qui en chef
naturel, ne manquant pas de réitérer les pires exactions aux dépens du peuple.
CETTE SITUATION NE PEUT DURER !

Nous sommes tout à fait conscients que durant toute sa gestion, Lavalas n’a
rien réalisé de bon. Au contraire ! Ce ne fut que corruption, vols, viols et
trafics illicites de tous genres. Nous avons toujours combattu cet état de
choses. Les Casecs et Asecs en place ne firent que violer les droits des citoyens.
Nous nous y sommes opposés également. Quant à la répression, elle représenta
la monnaie la plus courante de ce sinistre régime. Là encore, nous y fîmes face
dans la mesure de nos capacités. Celle-ci doit continuer d’augmenter.

Mais, rien ne sert d’évincer Lavalas pour tomber dans cette ordure actuelle !
En ’86, l’expérience nous montra que nous savions quelque peu ce que nous ne
voulions pas mais nous n’avions jamais réellement précisé ce que nous
voulions, comment nous battre pour l’obtenir. De telle sorte qu’aujourd’hui nous nous
retrouvons dans cette situation macabre et confuse de surcroît. Pour avoir été
malades nous devons connaître les remèdes !

Aujourd’hui, à la suite de ce coup d’Etat nouveau format, LE PAYS SE RETROUVE
OCCUPE ! Nous pouvons affirmer que les classes dominantes, politiciens de
tous bords -Lavalas comme Opposition - compris, nous y ont emmené. La répression,
toujours accompagnée de la terreur correspondante, de plus belle nous hante
jour et nuit. Tous nos droits démocratiques, s’ils ne sont pas encore foulés au
sol, le seront immanquablement. La zone franche de Ouanaminthe en est la
preuve la plus flagrante. Là , les bourgeois dominicains, profitant du vide au
niveau de l’Etat, ne font qu’augmenter leur taux d’exploitation. Pour ce faire,
comme toujours, la négation de nos droits et la répression conséquente
sévissent. Idem aux usines des capitalistes locaux où ces sanguinaires " nationaux ",
profitant également du vide institutionnel, essaient violemment de repousser au
maximum le peu de droits dont nous jouissions dans cette société si
inégalitaire : révocations massives au moindre soupçon syndical, répression
systématique, intimidation permanenteÂ… terreur ! Le tout dans le but d’une augmentation
encore plus accélérée de leur exploitation. Dans le cadre de cette offensive,
ils arrivent même, dans certaines villes - au Cap par exemple - à chercher à 
prendre les commandes de la chose publique.

En milieu rural, les grands dons ou autres duvaliéristes longtemps exilés,
appuyés par les " rebelles " auto proclamés, membres de l’ancienne armée
tortionnaire, retournent semer la terreur sur le peuple travailleur, essayant
carrément de voler les terres des petits paysans, comme au bon vieux temps.

Partout, donc, en ville comme en milieu rural, il se dessine une offensive
caractérisée des classes dominantes, déjà " réconciliées " sous Lavalas,
aujourd’hui confortées par l’occupation qui, ils le savent, n’est là que pour
soutenir leur réaction. LA LUTTE NE FAIT DONC QUE COMMENCER ! ET ELLE EST TRàˆS SERREE
 !

La TERREUR dont nous pâtissions sous le régime Lavalas et qui nous hante
encore, DOIT TROUVER SOLUTION ! Personne ne viendra nous la résoudre. Autant que
le sont les classes dominantes, soyons, nous aussi, clairs : l’occupant ne
vient que solutionner les problèmes des dominants, internationaux et locaux ! Nos
responsabilités pour nous défendre dans cette nouvelle situation, NE DOIT
DEPENDRE QUE DE NOUS ! Dans toute ville, dans tout quartier, dans tout bourg,
section, commune ou zone rurale, NOUS DEVONS METTRE SUR PIED NOS ORGANISATIONS DE
DEFENSE DES INTERàŠTS DES TRAVAILLEURS !

La dite " Opposition ", conjointement avec l’impérialiste, croient pouvoir
re-bâtir à notre insu le même Etat pourri. C’est en effet le même appareil
qu’ils comptent remettre sur pied, sans aucun changement substantiel, sans aucune
transformation profonde, dépourvu à nouveau de tout mécanisme de contrôle
véritablement populaire. IL NOUS EST IMPERATIF DE BLOQUER OU FOUARER CE PROJET ! Et
ce n’est que par nos luttes autonomes, nos organisations basées uniquement
sur nos propres intérêts de peuple dominé, de masse, de travailleurs, que nous
arriverons à faire face à ces deux problèmes qui se présentent aujourd’hui
devant nous et nos responsabilités historiques, à savoir : l’offensive dominante
caractérisée par la terreur et la répression qui toujours l’accompagnent ; leur
tentative de re-bâtir le même Etat pourri de toujours. Aujourd’hui, le temps
est certainement à la délimitation claire et nette : aucun gouvernement de
technocrates bourgeois ne doit parvenir à nous faire rêver, encore moins nous
dévier !

Les masses populaires doivent continuer de s’organiser et poursuivre leur
lutte de revendications démocratiques. Les plateformes doivent être reprécisées,
selon les nouvelles possibilités qu’offriraient chaque lieu, chaque nouveau
rapport de forces, à chaque moment, même quand nos revendications demeureraient
identiques. Electricité, eau potable, routes, nettoyage de nos quartiers,
appui aux ateliers d’artisans, irrigation en campagneÂ… problèmes de santé,
d’éducation, de justice !... mais, également : baisse du coût de la vie ! blocage des
taxes aux marchés qui ne servent qu’à enrichir les autorités, exigence à 
l’Etat de reconnaître notre droit à la terre que nous travaillons, avant tout
autre usurpateur ou déclaré " responsable " ! Mettre un frein aux exactions des
Magistrats, Casecs et Asecs. Combattre l’exploitation ! en ville comme à la
campagne. Ce sont tous là des axes pour lesquels nous nous sommes toujours battus.
Nous devons encore continuer de les attaquer. Et, en même temps, continuer
également de nous organiser pour faire face nous-mêmes à des situations qui nous
affectent grandement et que l’Etat ne cherchera jamais à résoudre pour nous.
QUE VIVENT LES LUTTES DEMOCRATIQUES POPULAIRES !

Devant le vide existant, nous devons proposer nos propres alternatives. Le
combat contre la réinstallation de l’Etat pourri est actuellement d’importance
vitale. Les responsables doivent être à tous les niveaux choisis par nous et
non pas par l’Etat central, encore moins les partis politiques. De plus, aux
personnalités de notre choix, nous devons exiger non seulement l’acceptation d’un
mandat clair et explicite, non seulement nous devons exiger l’exécution
parfaite de ces mandats, mais encore nous devons mettre sur pied des mécanismes
pour les contrôler et les révoquer chaque fois qu’il s’avèrera nécessaire. QUE
VIVE UN AUTRE ETAT, NOUVEAU, DIFFERENT !

Le moment est certes difficile. Mais si, à partir de nos propres intérêts et
nos plateformes ainsi actualisées, nous nous organisons résolument, nous
pouvons opérer une avancée franche.

PRENONS NOS RESPONSABILITE à€ DEUX MAINS !

VIVE LA LUTTE AUTONOME DES TRAVAILLEURS !

ET, PAR CE MOYEN, OEUVRONS à€ NOTRE UNITE SUR TOUT LE TERRITOIRE !

RESOLUMENT ORGANISES POUR CETTE Tà‚CHE, CE MOMENT PEUT àŠTRE Nà”TRE !

FAISONS DE CELA NOTRE OBJECTIF !

VIVE LA LUTTE DES TRAVAILLEURS HAà TIENS !