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Haïti-Agriculture : Production locale hypothéquée, paysans furieux

P-au-P, 18 oct. 2012[AlterPresse] --- Plusieurs mouvements paysans regroupés au sein de « La Via Campesina International » rejettent la politique agricole du gouvernement actuel qui vise à favoriser l’importation du riz au détriment de la production locale.

« Le gouvernement haïtien, au lieu de mettre une politique publique en place pour la souveraineté alimentaire, préconise l’importation de riz pour donner le coup de grâce à la production nationale de riz », critiquent le Mouvement paysan national du congrès de Papaye (Mpnkp), le Mouvement paysan de papaye (Mpp) et « Tèt kole ti peyizan ayisyen » (l’Union des petits paysans haïtiens / Tktpa).

60% des produits alimentaires consommés dans le pays sont importés sans aucun contrôle réel, dénoncent-elles.

Pour ramener les prix des produits alimentaires partis en flèche au cours de ces derniers mois (août, septembre 2012), le premier ministre Laurent Lamothe a annoncé la venue sur le marché haïtien de 300,000 sacs de riz en provenance de l’étranger.

Ce riz cultivé aux États-Unis est arrivé à Port-au- Prince le 2 octobre 2012, sur la base de la coopération existante entre les gouvernements japonais et haïtien, dans le cadre de l’aide alimentaire à Haiti.

Cette opération suscite des inquiétudes dans les esprits suite à la décision prise par la Corée du Sud, à la fin du mois de septembre 2012, de suspendre toute importation et vente du riz produit aux États-Unis d’Amérique, après la découverte d’arsenic inorganique dans ce produit.

L’arsenic inorganique, qui se retrouve notamment dans les pesticides, est cancérigène lorsqu’il est consommé à une certaine fréquence.

Le gouvernement achète des engrais et des pesticides chimiques pour distribuer à sa clientèle politique, transforme des terres agricoles en zone franche et en accapare pour produire des agro carburants, dénoncent ces organisations.

Elles s’insurgent contre la politique agricole du gouvernement et le programme dénommé « Aba Grangou » mis en place par l’équipe au pouvoir pour officiellement réduire de moitié la part de la population souffrant de la faim d’ici fin 2012.

Ce programme lancé le 24 Janvier 2012 est géré par l’épouse du chef de l’Etat, Sophia Martelly, accusée, à ce propos, de dilapider les fonds publics.

La stratégie utilisée par ce programme pour lutter contre la faim en donnant quelques gourdes à des familles vivant dans des bidonvilles est inefficace pour combattre l’insécurité alimentaire dans le pays, soulignent les dirigeants paysans.

En raison de la hausse des prix alimentaires au niveau national, « l’année 2013 sera une année de la faim en Haïti », avertissent ces organisations, évoquant, entre autres, plusieurs causes notamment les retombées néfastes de la tempête tropicale Isaac sur l’agriculture.

« La faim fait déjà rage dans la paysannerie », alertent-elles.

Pour contrer les problèmes auxquels font face les paysannes et paysans, ces organisations préconisent la mise en œuvre de plusieurs programmes visant la conservation des sols et le reboisement.

Procéder à une reforme agraire intégrale qui permet aux familles paysannes d’avoir le contrôle des terres agricoles, leur donner accès au crédit avec un taux d’intérêt de 0% ou presque et mettre à leur disposition des infrastructures d’irrigation et des intrants agricoles sont les recommandations faites par ces organisations au gouvernement actuel.

Elles souhaitent une meilleure assistance technique pour les paysannes et paysans, la protection pour les produits locaux contre le dumping et l’assurance santé et de vie pour les familles paysannes.[emb gp apr 18/10/2012 16 : 00]