Par Edner Fils Décime
P-au-P, 17 oct. 2012 [AlterPresse] --- La confédération nationale des vodouisantes et vodouisants haïtiens (konfederasyon nasyonal vodouyizan ayisyen / Knva) projette de procéder, ce 17 octobre 2012, aux funérailles symboliques et officielles du principal fondateur de la nation haïtienne, l’empereur Jean-Jacques Dessalines, assassiné au Pont Rouge (entrée nord de la capitale Port-au-Prince) le 17 octobre 1806.
La cérémonie aura lieu au Champ de Mars (principal espace public de la capitale) sur la place Dessalines sous le thème « Desalin di Otan, pitit li reponn Ayibobo (Dessalines dit Assez, ces enfants répondent ainsi soit-il !).
« C’est un devoir pour nous les vodouisantes et vodouisants. Il faut calmer le « nanm » (l’âme ou l’esprit) de l’empereur, car un « nanm abandonné » peut être très méchant. Chanter les funérailles du fondateur apportera la paix, l’harmonie dans le pays », considère L’Ati national (chef suprême du vodou haitien), Max Gesner Beauvoir.
Les vodouisants reconnaissent en Dessalines un houngan. D’ailleurs, des chansons religieuses vodoues en parlent.
« Loko Dewaze, asagon Loko Dewaze lanperè Desalin, Loko Dewaze » dit une chanson. Ce qui signifie que Dessalines est assimilé par les voudouisantes et vodouisants à un houngan (prêtre initié du vodou).
Le titre d’Empereur, attribué et consenti à Dessalines, n’a rien à voir avec le « pompeux titre occidental » : c’est plutôt « empereur dans une société chanpwèl » (une organisation secrète très hiérarchisée dans la religion vodou), indique Beauvoir,
Empereur, dans ce sens, signifie « celui qui porte la lance, qui lance l’assaut, celui qui se trouve à la tête des troupes ».
L’année 2012 ramène le 206e anniversaire de l’assassinat de l’empereur le 17 octobre 1806 au Pont Rouge, anciennement Pont Larnage à l’entrée Nord de Port-au-Prince, selon la version officielle de l’histoire rapportée par Thomas Madiou.
Cependant, la véracité du lieu et des circonstances de l’assassinat de Dessalines fait encore débat.
Très peu de recherches sont consacrées, en réalité, à la vie de l’empereur.
Le nom de Jean-Jacques Dessalines a été interdit, de fait, sur tout le territoire de la république, suivant différetnes thèses historiques qui évoquent la mort de l’empereur comme un éventuel retour aux réalités esclavagistes.
Ce n’est que 40 ans après son assassinat, en 1845, que le général-président Jean-Louis Pierrot réhabilite « Jean-Jacques Dessalines le Grand » en exigeant, par décret, un devoir de mémoire patriotique à l’endroit de l’empereur assassiné.
206 ans après, la confédération nationale des vodouisantes et vodouisantes haïtiens (Knva, en Créole) ambitionne de faire reposer, finalement, en paix les mânes de l’empereur.
Aucun officiel de l’administration politique [du président Joseph Michel] Martelly / [du premier ministre Laurent Salvador] Lamothe n’est sur la liste des invités.
Déclarant, lors d’une conférence de presse, « n’avoir plus besoin de l’appui de ce gouvernement anti-vodou », avait et la Knva a alerté l’opinion, le 22 août 2012, sur « l’état de dégradation des rapports entre le pouvoir et les vodouisants ». (cf. http://www.alterpresse.org/spip.php?article13284)
L’abrogation (dans une version dite amendée) de l’article 297 de la Constitution haïtienne du 29 mars 1987, qui fait du Vodou « une pratique superstitieuse à détruire » est une déclaration de guerre des dirigeants politiques à « la culture de résistance du peuple haïtien », signale Max Beauvoir,
Dans une pétition titrée « amendement constitutionnel et persécutions religieuses » (cf. http://www.alterpresse.org/spip.php?article13514), le Knva a exigé « le retrait pur et simple de cette abrogation infâme ».
Quand un pouvoir n’est même pas estimé « digne » d’être invité aux funérailles symboliques du fondateur de la patrie, n’a-t-elle pas lieu de questionner les relations entre ce pouvoir et la culture nationale populaire ? [efd rc apr 17/10/2012 0:00]