Par Batay Ouvriye
Soumis à AlterPresse le 21 avril 2004
Titre original : Victoire dans la lutte pour la réintégration des ouvriers du sokowa ! Mais vigilence et mobilisation sont toujours à l’ordre du jour.
Mobilisation des ouvriers encore présents à l’usine Codevi ; interventions (vers les ouvriers de la fabrique en général, ceux en difficulté, le syndicat et son comité, la population de Ouanaminthe, la presse nationale et internationale, les groupes solidaires et le public en général, le gouvernement haïtienÂ…) ; orientation permanente de Batay Ouvriye ; solidarité agissante (lettres, présence sur le terrain et parfois dans les négociations mêmes, débats, appui financierÂ…), tant de centrales ouvrières locales (OGITH) ou étrangères (ACILS, FEDOTRAZONAÂ…) que d’organisations d’appui (Batay Ouvriye Solidarity Network, Haïti Support Group, Réseau-Solidarité - Peuples Solidaires, WRC, Maquila Solidarity Network, Clean Clothes CampaignÂ… ) ont permis, enfin, la réintégration des ouvriers que la direction de la compagnie Codevi de la zone franche de Ouanaminthe, au Nord-Est d’Haïti, essayait de révoquer illégalement.
Après d’âpres négociations finales le mardi 13 avril 2004, en présence non seulement de toutes les parties directement concernées (Sokowa et Batay Ouvriye, d’une part et Codevi, Banque Mondiale et Levi-Strauss d’autre part) accompagnées de celles qui avaient fait acte de participation concrète durant le processus de lutte (WRC,Â…), mais aussi d’une délégation tripartite (Ministère des Affaires Sociales, Secteur Syndical, ADIH), la direction de l’usine a donc finalement accepté de réintégrer dès le lendemain 14 avril, tous les ouvriers en litige, de pourvoir à la continuation des soins médicaux pour celui d’entre eux qui avait été le plus sévèrement frappé et souffre encore de maux divers, de payer à tous le temps passé à l’extérieur selon le tarif du salaire minimum en vigueur, de reconnaître concrètement le droit syndical à l’intérieur de la fabrique et, enfin, de rentrer immédiatement en négociation avec une délégation du syndicat pour discuter des revendications générales des ouvriers.
C’est sous des cris de joie de la part de tous leurs camarades de travail, des applaudisseÂments soutenus, des embrassades ferventes que les ouvriers ont pénétré dans l’enceinte de la fabrique tout de suite après les négociations. Devant ces effusions et craignant un débordement, la direction de l’usine a cru même nécessaire de faire lire au micro leur respect du droit syndical. Ce qui provoqua encore plus d’effervescence dans la salle !
Il s’agit donc vraiment d’une victoire. Non seulement pour les ouvriers en litige, mais aussi pour tous ceux de l’usine ; non seulement pour eux mais aussi pour tous ceux qui seront appelés à y travailler ; non seulement pour ce futur groupe, mais encore pour tous ceux qui devront défendre leurs droits en territoire de zone franche, en Haïti, comme dans le reste des pays dominés et du monde entier. Cette première victoire dans la première confrontation à cette première zone franche d’Haïti, marque donc un point important dans la lutte de la classe ouvrière internationalement, surtout quand on pense que la solidarité internationale a été aussi d’un apport important. C’est donc notre victoire à tous. Mais celle-ci devient encore plus fondamentale quand on sait que la détermination des ouvriers sur le terrain et leur lutte propre, autonome, fut le véritable moteur de toute la mobilisation.
Rien n’est encore garanti totalement cependant, la direction cherchant dès le lendemain à éviter de réaliser tous les accords établis la veille. En effet, des magouilles commençaient immédiatement concernant les badges de travailleurs (on voulait leur donner de nouveaux - perdant ainsi leur ancienneté - et restreindre par un nouveau statut, celui de temporaires, non seulement leurs mouvements à l’intérieur de l’enceinte mais aussi mettant en péril la sécurité de l’emploi). Puis, certains ouvriers furent placés en attente de manière inexpliquée, d’autres casés à des postes différentsÂ… Jusqu’à présent huit ouvriers passent leur journée assis au Centre de Formation, à attendre un poste de travail. Seront-ils rémunérés pour ces retards de la direction ?
Mais il y a pire : des menaces ouvertes ont été clairement et délibérément proférées à l’encontre non seulement de certains membres de Batay Ouvriye responsables de la coordination et de l’orientation de la mobilisation et des négociations mais encore contre des représentants d’organisations de soutien. De plus, il est important de noter, dès l’entame du conflit et jusqu’à présent, la présence de l’un des responsables de sécurité les plus répressif de la compagnie, il s’agit d’Alex Corona. Rappelons que selon des rapports récents de la CISL, ce chef de sécurité avait personnellement frappé divers ouvriers syndiqués avec colt 45 en République Dominicaine ! Comme l’indiquait fort bien ce rapport, « Â…la compagnie paie pour ce type d’agissementÂ… il y a un groupe de 20 personnes, dans la zone franche mêmeÂ… »
La mobilisation est donc toujours sur pied et la lutte ne fait que commencer !
18 avril 2004
Batay Ouvriye