Par Edner Fils Décime
P-au-P, 18 sept. 2012 [AlterPresse] --- Devant l’augmentation des prix des produits alimentaires en Haïti, plusieurs causes ont été avancées, notamment la sécheresse et la situation des prix à l’échelle internationale, tandis que, la politique mise en œuvre par l’administration de Michel Martelly ne serait pas, pour autant, innocente [cf.http://www.alterpresse.org/spip.php?article13415]
Pour l’économiste et professeur à l’université, Roland Bélizaire, il y a au moins trois facteurs explicatifs de ce « pic de la cherté de la vie ».
« La politique de deux poids deux mesures, dans la lutte contre la contrebande sur la frontière, favorise les grands commerçants à contrôler tous les produits en provenance de la république voisine. Ils ont donc le monopole et sont libres de fixer les prix », explique Bélizaire.
Comme le gouvernement s’enlise dans plusieurs crises à la fois, les business ne sont pas rassurés. Ils anticipent la crise économique en essayant de faire un maximum de profit à l’avance, selon les explications de l’économiste.
Selon lui, les choix dépendants des gouvernements, dans les domaines politique et social, ne leur permettent pas d’agir sur l’inflation importée, favorisée par les spéculations sur les produits alimentaires.
« Ce gouvernement a surtout recours à des mesures de pompiers.
C’est 1% d’action et 99% de propagande », estime Bélizaire.
Pour l’économiste, la solution durable réside dans des « choix de politiques structurelles en dehors du fonds monétaire international (Fmi) et de la Banque mondiale, l’accès démocratique aux biens et services ».
Aussi, préconise-t-il également une mobilisation citoyenne articulée à la « construction d’un véritable mouvement social haïtien ».
Importer du riz : la bonne mauvaise idée
Comme si la cherté de la vie se résumait à l’augmentation du prix du riz, le premier ministre Laurent Lamothe a annoncé, le vendredi 14 septembre 2012, l’importation de 300,000 sacs de ce produit afin d’en faire chuter le prix sur le marché haïtien.
Une commission ministérielle, constituée de représentants du bureau du premier ministre, des ministères du commerce et de l’agriculture et du bureau de monétisation des programmes d’aide au développement (Bmpad), importera le riz.
A voir les dispositions prises par l’administration Martelly-Lamothe, Bélizaire se demande si les ministres sont au courant du décret du 26 octobre 1989 créant « l’organisme autonome, à caractère commercial » dénommé services généraux d’approvisionnement (Sga) et placé sous la tutelle du ministère du commerce.
L’article 2.1. de ce décret attribue aux Sga le droit de « veiller à l’approvisionnement régulier du marché national en produits de première nécessité, afin d’éviter la rareté ou la pénurie de ces dits produits et contribuer, par ainsi, à combattre la hausse anormale des prix ».
Cet organisme se doit aussi d’harmoniser l’offre et la demande nationales en produits de première nécessité.
Quand on se rend compte que chaque commerçant vend un produit, selon le prix qui lui convient, il est à se demander si l’article 19 du décret n’a pas été lu, souligne l’économiste.
« (…) les prix de vente des produits de première nécessité seront publiés par voie de presse », stipule l’article en question.
Faut-il voir dans la mesure d’importation des 300 mille sacs de riz, pour pouvoir stabiliser le prix de ce produit sur le marché national, l’amateurisme, l’ignorance des ressources légales, ou tout simplement la création de marché pour entreprises-amies ? se demandent certains économistes. [efd kft gp apr 18/09/2012 10:40]