Par Colette Lespinasse, www.garrhaiti.org
P-au-P., 11 août. 02 [AlterPresse] --- Une enquête de l’Organisation Internationale de la Migration (OIM) et du Fond des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) révèle un trafic d’enfants haïtiens vers la République Dominicaine. Entre 2000 et 3000 enfants sont victimes de ce trafic chaque année, selon les estimations.
Les résultats de cette enquête ont été présentés le 9 août 2002 à Santiago de Los Caballeros, au nord de la République Dominicaine. La cérémonie s’est déroulée en présence de plusieurs personnalités et représentants d’organisations publiques et privées haïtiennes et dominicaines, dont le chargé d’affaires haïtien en République Dominicaine, Edwin Paraison, et la Procureure générale pour la Protection des enfants en République Dominicaine, Isabel Mejia de Grullon. On a noté également la présence de représentants de l’UNICEF en Haiti et en République Dominicaine, du Fond des Nations Unies pour la Population (FNUAP) et de l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID).
Selon Juan Artola, représentant de L’OIM pour Haiti et la République Dominicaine, Santiago et toute la zone du Cibao représentent un centre important d’arrivée de ces enfants haïtiens. Sans exclure d’autres régions, l’enquête a démontré qu’un nombre important des enfants est originaire de la région Nord d’Haïti, particulièrement des communes de Pilate et de Plaisance. Ils arrivent en République Dominicaine à travers un puissant réseau de trafiquants fonctionnant avec la complicité de nombreux Haitiens et Dominicains, parmi eux des policiers, des militaires et des chauffeurs.
L’enquête a révélé que ce trafic d’enfants est réalisé avec le consentement des parents qui considèrent les trafiquants comme des bienfaiteurs. Ces derniers, estimés à une vingtaine, sont souvent des membres de la famille ou des amis. En République Dominicaine ils emploient les enfants dans la mendicité, le travail agricole et la construction.
La majorité des enfants trafiqués est âgée de 5 et 13 ans et va à l’école en Haïti. Ces enfants effectuent le voyage, le plus souvent, pendant les vacances d’été. A la fin de cette période, quelques-uns retournent en Haiti, mais nombreux sont ceux qui restent en République Dominicaine. Une partie de l’argent gagné sert au paiement des frais scolaires, à l’achat de leurs uniformes et autres matériels pour la rentrée des classes. L’autre partie va au trafiquant et aux parents.
L’enquête s’est également penchée sur les conditions de vie de ces enfants en République Dominicaine. Ils vivent dans la marginalisation totale, n’ont accès à aucun service de base, sont mal logés et mal nourris. Sans documents, ils sont souvent victimes des rafles de la Direction de la Migration et rapatriés dans des conditions déplorables en Haiti.
Les participants et participantes à cette rencontre se sont montrés très préoccupés du fait que l’enquête ne mentionne pas la situation spécifique des fillettes trafiquées. Parmi les recommandations, ils ont suggéré un approfondissement de l’étude pour connaître le sort de ces fillettes qui semblent être "employées" à des travaux moins visibles que ceux des garçons.
L’assistance a également beaucoup insisté sur la nécessité d’une grande sensibilisation des parents haïtiens sur le sort de leurs enfants et plusieurs personnes ont semblé voir une relation entre le phénomène de la domesticité et ce trafic d’enfants. Elles ont suggéré la réalisation d’une réunion similaire en Haïti, à très court terme, pour présenter aux dirigeants haïtiens les résultants de l’enquête et susciter dans l’opinion publique une réflexion.
“Haiti et la République Dominicaine sont deux pays signataires des conventions internationales relatives aux droits et à la protection des enfants. Tous deux, nous avions la responsabilité d’agir pour corriger cette situation†: c’est en ces termes que s’est exprimée la Procureure générale pour la Protection des enfants en République Dominicaine, Isabel Mejia de Grullon. Elle a souhaité une étroite collaboration entre les institutions judiciaires haïtiennes et dominicaines pour freiner ce trafic.
Intervenant à la clôture de la rencontre, le représentant de l’Unicef en Haïti, M. Rodney Philips, a identifié un ensemble de droits des enfants qui est violé dans cette affaire, notamment le droit à une famille, aux soins, à l’amour et à la protection. “Nous devons approcher le problème sous l’angle des droits humains", a-t-il dit. "Nous avions identifié le sujet de droit qui est l’enfant, nous devons maintenant identifier les responsables pour la réalisation de ces droits†, a-t-il ajouté.
Insistant sur la coresponsabilité des autorités et sociétés des deux pays, M. Philips a invité les parents, les ONG, les autorités judiciaires, la Police, l’Armée, les responsables de la Migration en Haiti et en République Dominicaine et la communauté internationale à œuvrer pour que ces enfants ne soient plus victimes de tant d’exploitation et d’abus. [cl apr 11/08/02 13:15]