Vingt-cinq (25) ans après que la Constitution haïtienne l’eut consacré, une tentative de mise sur pied d’un conseil électoral permanent est enclenchée. Complexe, convulsif, le processus - cher au chef de l’État Michel Martelly - est décrié. Au-delà des irrégularités qui pointent, l’absence des femmes...
par Emmanuel Marino Bruno
P-au-P, 14 sept. 2012 [AlterPresse] --- Le quota de 30% de femmes - exigé au sein de tous les espaces de décision politique par la version controversée, dite amendée et "reproduite", de la Constitution du 29 mars 1987 - risque de ne pas être respecté dans la mise sur pied de l’organisme électoral, observe l’agence en ligne AlterPresse.
Jusqu’ici, six (6) hommes ont été nommés (par arrêté présidentiel du mercredi 15 août 2012) sur les 9 membres qui devraient composer le conseil électoral permanent (Cep).
Ceci va à l’encontre de la Constitution, dénonce la directrice exécutive de l’organisation féministe Fanm yo la (« les femmes sont là »), Lisa François dans une interview accordée à AlterPresse.
Fanm yo la déplore le fait que le judiciaire et l’exécutif n’ont désigné aucune femme pour diriger l’institution électorale.
L’exécutif a bien nommé une directrice générale, Gabrielle Yacinthe, mais cela reste l’une des multiples décisions du président, objet de controverses.
Contesté sur plusieurs fronts
« Ce Cep est illégal et inconstitutionnel », critique Lisa François.
Plusieurs parlementaires et personnalités de la classe politique ont sévèrement critiqué l’installation, par Martelly, de six (6) membres de "conseil électoral permanent", soit les 3 représentants de l’exécutif et ceux du conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj), dont la procédure de désignation - par le juge Anel Alexis Joseph - reste controversée.
Le parlement, qui n’a pas encore désigné ses trois membres, demeure réfractaire sur la question de la création d’un conseil électoral permanent.
Dans le cas, où un organisme électoral doit être constitué, en définitive, plusieurs organisations de femmes, à l’instar de Fanm yo la, entendent bien mettre la balle dans le camp des sénateurs et députés.
Au-delà des controverses entourant le mode de désignation et de formation de cette entité électorale, l’organisation de promotion des droits politiques des femmes réitère sa détermination de faire respecter le quota de 30% des femmes dans tous les espaces de décisions politiques, y compris le conseil électoral qui devra organiser les prochains scrutins législatifs et municipaux, lesquels permettront d’élire 10 sénateurs et 140 conseils communaux.
Faute de renverser la vapeur, un sursaut du parlement
« Dans le cas précis du Cep, il y a eu une erreur concernant le respect du quota de 30% de femmes. Le pouvoir judiciaire et l’exécutif auraient dû prendre au moins une femme », estime le député d’Anse-à-Pitres (département du Sud-Est), Patrick Robasson, évoquant les intérêts politiques comme principale source de blocage.
Le processus d’inclusion des femmes aux postes politiques est dans une phase de démarrage, reconnaît, toutefois, Robasson ajoutant : « ce sera un peu difficile de respecter le quota de 30% des femmes dans toutes les institutions politiques ».
« Je pense que des efforts ont été accomplis », avance t-il.
« Si aucune femme ne postule pour représenter le parlement au Cep, il sera très difficile de les choisir », signale encore le député comme obstacle au respect de ce quota.
Dans la mesure du possible, le parlement choisira au moins une femme pour le représenter au Cep, reste convaincu le député qui croit que la compétence, la capacité et l’honnêteté seront des éléments prioritaires dans ce choix.
De leur côté, les femmes députées entendent sensibiliser leurs collègues au parlement pour qu’il y ait au moins une femme représentée au conseil, annonce, pour sa part, la députée de Thomonde, Marie Denise Bernado.
« Nous continuons de faire du lobbying », indique également la militante Lisa François.
« Au niveau du parlement, nous ne voyons aucun blocage. Nous savons que sur les trois personnes qui vont être désignées, il y aura au moins une femme », affirme t-elle, confiante.
L’exécutif, le Cep et les femmes : la curieuse contradiction
Depuis l’arrivée de Laurent Salvador Lamothe au poste de premier ministre, le gouvernement ne cesse pas de claironner sa volonté d’inclure les femmes dans le pouvoir.
Aussi, n’est pas passé inaperçue la décision de l’exécutif de désigner trois hommes au Cep.
L’application des lois haïtiennes exige le rejet de toute demi-mesure et désinvolture, rappelle Lisa François.
Le nouveau cabinet ministériel du gouvernement de Laurent Salvador Lamothe, qui a pris fonction officiellement le mercredi 16 mai 2012, était, dès le départ, formé de 22 ministres, dont 15 hommes et 7 femmes (soit environ 32%).
Le premier ministre, Laurent Salvador Lamothe, avait fait valoir que c’est pour la première fois qu’un gouvernement en Haïti compte plus de 30% de femmes, le quota minimum prescrit par la loi.
Cependant plusieurs féministes n’avaient pas été dupes.
Elles avaient notamment signalé la perspective d’une « visibilité », attachée à cette démarche et surtout la nécessité de « conscience politique » chez ces femmes installées à des postes de décision. [emb kft rc apr 14/09/2012 12:25]