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Haïti - RD / Droits humains : En République Dominicaine, un « défenseur du peuple » fantôme depuis 11 ans !

Un véritable "défenseur du peuple" en R.D. changerait-il la donne pour les Haïtiens immigrés ?

par Jeremie Serge Paul Postel

P-au-P, 7 sept. 2012 [AlterPresse] --- Le gouvernement dominicain rechigne depuis 11 ans à nommer son « Defensor del pueblo », apprend l’agence AlterPresse par un communiqué d’Amnesty International Puerto Rico.

« En février 2001 […] le Congrès de la République dominicaine votait la création de l’institution du Défenseur du Peuple […]. Onze ans après, aucun Défenseur du Peuple n’a jamais été nommé », martèle le service de communication d’Amnesty.

En conséquence, l’organisation non-gouvernementale lance une pétition pour pousser le nouveau Président de la République, Danilo Medina Sanchez, en poste depuis le 16 août dernier, à concrétiser cette mesure dans la première année de son mandat.

La pétition en ligne , appuyée du 7 juillet à ce jour par 205 personnes, s’est fixé un objectif de 1111 signatures.

Le défenseur du peuple a pour rôle de faciliter la dénonciation des violations du droit des individus - pratiquées par des fonctionnaires dans l’exercice de leur fonctions - ainsi que de faciliter les ouvertures de procès en réparation.

Cette loi n°19-01 établissant un défenseur du peuple, indique notamment que ce dernier « est une autorité indépendante » (article 1er) et qu’il doit essentiellement « sauvegarder les prérogatives individuelles et collectives des citoyens inscrites dans notre constitution, au cas où celles-ci seraient violées par des fonctionnaires de l’administration publique ».

Quelles retombées pour les Haïtiens immigrés ?

Cette pétition intervient dans un contexte où les violences policières et les non-lieux administratifs se poursuivent à l’encontre des citoyens d’origine haïtienne, des travailleurs immigrés et des générations nées sur place de parents immigrés.

Ceux-ci peinent à s’intégrer tant socialement que légalement, face au mutisme de l’administration et aux préjugés anti-haïtiens. Ceux-ci se renforcent en temps de crise, dès que les partis les plus volages, démagogues et populistes, les désignent comme la source de tous les maux du pays.

Ils sont devenus une communauté de boucs émissaires quasi institutionnalisée.

L’animosité frontalière entre Haïti et son voisin dominicain remonte au début du XIXe siècle.

La question des immigrés haïtiens, travaillant aux cultures dominicaines, est au cœur du problème.

Tantôt appelés par un pays à la recherche de main d’œuvre bon marché, tantôt refoulés et victimes de discrimination, voire de massacres fréquents, ces migrants font les frais des relations complexes entre les deux États.

Ces derniers temps, cette ambiguïté s’était matérialisée en République Dominicaine.

D’une part, le soutien affiché à Haïti par les autorités dans les différentes crises liées aux catastrophes naturelles, et un semblant d’amitié entre chefs d’Etat, évoquent l’accalmie, voire la réconciliation.

D’autre part, un débat politique national envenimé sur la question des travailleurs haïtiens, sur fond de discours haineux de la part de partis populistes, ravivent les vieilles querelles et l’ancien mécanisme de défense.

La création d’un véritable défenseur du peuple en République Dominicaine changerait-elle la donne pour les travailleurs haïtiens en République Dominicaine ?

Rien n’est moins sûr : s’il existe la possibilité que des associations prennent leurs doléances en charge et mènent la lutte en leur faveur, les travailleurs haïtiens dans le pays se trouvent essentiellement dans les zones rurales, coupés de bien des possibilités de consulting juridique.

Malgré les torts que semblent subir les Haïtiens (citoyens ou d’origine), le gouvernement dominicain fait-il volontairement tarder le processus de création du défenseur du peuple, pour préserver l’aubaine d’une main d’œuvre malléable ?

En 2008, Amnesty International soulignait déjà, dans son rapport, que « les Haïtiens et les Dominicains d’origine haïtienne continuaient de subir des discriminations. La police aurait commis des homicides dans des circonstances controversées. La violence contre les femmes était endémique. Des expulsions forcées ont laissé des centaines de familles sans abri. » [jspp kft gp apr 7/09/2012 13 :35]