par Jérémie Postel
P-au-P, 06 sept. 2012 [AlterPresse] --- 258 nouveaux techniciens, dont 72 nouvelles techniciennes (soit environ 28%), en eau potable et en assainissement pour les communes (Tepac) ont achevé, le mercredi 5 septembre 2012, une formation, dans le cadre de la réforme du secteur de l’eau potable et de l’assainissement, mise en œuvre par la direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (Dinepa), selon les informations obtenues par l’agence en ligne AlterPresse.
La prise de fonction de ces jeunes professionnels, dans leurs communes respectives, siffle le coup d’envoi de la grande entreprise de décentralisation du secteur de l’eau potable et de l’assainissement, pour plus d’efficacité et de contrôle.
Aujourd’hui, la situation est grave, mais le chemin emprunté semble convaincant.
Les techniciennes et techniciens en eau potable et assainissement pour les communes (Tepac), sont les yeux et les relais experts de la Dinepa au niveau local.
Ces 72 professionnelles femmes et 186 professionnels hommes, dont la formation a débuté, le mardi 4 septembre, seront répartis sur les 140 communes du territoire national. Ils assureront le contrôle de qualité des services ainsi que la communication visant à éliminer les comportements à risques chez les communautés.
La politique de l’eau potable en Haïti est du ressort exclusif de l’État, lequel exerce ce privilège par l’intermédiaire d’un organe public : la direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (Dinepa).
Cet organe public est, en 2012, essentiellement financé par la banque interaméricaine de développement (Bid), l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (Aecid), le centre (étasunien) pour le contrôle et la prévention des maladies (Cdc en anglais), la banque mondiale (BM) et le fonds (haitien) d’assistance économique et sociale (Faes).
En formant ces 72 techniciennes et 186 techniciens, la Dinepa espère surtout atteindre l’autonomie financière, explique Lesly Dumont, coordinateur général de la Dinepa.
« Le service public que vous offrez, la qualité de l’eau, a un coût. Il doit être payant. Tout comme chaque usagère ou chaque usager ne doit payer que pour ce qu’elle / il consomme » martèle Dumont, convaincu qu’un service payant (comme partout ailleurs) contribue à sensibiliser les gens sur sa valeur et à éviter les gaspillages.
Le secteur de l’eau potable et de l’assainissement en Haïti constitue un secteur-clé dans l’attraction de capitaux étrangers et le développement du tourisme, mais surtout dans la lutte contre la morbidité dans le milieu rural.
« Il y a trois ans [en 2009], 6 millions de gourdes [US $ 1.00 = 43.00 gourdes ; 1 euro = 58.00 gourdes aujourd’hui] étaient allouées annuellement, par le trésor public, au secteur de l’eau potable et de l’assainissement, soit 60 centimes par personne et par an. Aujourd’hui, nous sommes passés à 125 millions de gourdes par an, soit 12.5 gourdes par personne », soit un budget multiplié par 20, signale Dumont.
Outre un budget, par une session de rodage de ces 258 techniciennes et techniciens, qui accélèreront la transformation des comités locaux en comités d’approvisionnement en eau potable et assainissement (Caepa) et comités de point d’eau (Cpe) opérationnels, la réforme institutionnelle s’est dotée de toute la matière grise et des bras nécessaires à son succès.
Une réforme à ses débuts
La réforme institutionnelle du secteur de l’eau potable et de l’assainissement, par le biais de la pénétration de la Dinepa dans les localités, est encore à ses débuts.
Environ 10% seulement des systèmes d’approvisionnement en eau potable et assainissement (Saep) sont aujourd’hui indirectement contrôlés et gérés par la Dinepa.
La Dinepa a pour vocation de décentraliser la gestion de tous les Saep, que compte le pays, à des comités locaux reconnus par les autorités, afin d’allier lucidité communale et expertise nationale. Ces Saep sont au nombre approximatif de 600.
Aujourd’hui, ils sont encore gérés, en majorité, par des comités locaux qui n’entretiennent pas encore de lien légal optimal avec la direction centrale de la Dinepa.
L’objectif de la Dinepa est, donc, de faire en sorte que l’ensemble de ces comités soit intégré au processus national.
Ces systèmes d’approvisionnement et d’assainissement pourront ainsi être contrôlés, de façon homogène et rigoureuse, par les autorités.
Environ 60 comités d’approvisionnement en eau potable et assainissement (Caepa) ont été créés.
A terme, ce sont environ 600 comités qui devront entrer dans le « système Dinepa », devenant ainsi Caepa ou Cpe.
Caepa, Cpe et Tepac : fonctionnement et défis
Les Caepa sont définis par l’existence d’une infrastructure hydraulique et d’une population bénéficiant de cette infrastructure. Ils ne sont, par conséquent, pas rattachés à une entité territoriale ou administrative définie.
Les Cpe, pour leur part, sont mis en place pour contrôler et assurer le fonctionnement d’un point d’eau (Pe) à usage collectif, desservant en eau une population résidente dans un rayon maximum de 500 mètres.
Si la politique de l’eau en Haïti est du ressort exclusif de l’Etat, qui exerce ce privilège par l’intermédiaire de la Dinepa, au niveau national, la maitrise des ouvrages est déléguée aux Caepa et aux Cpe au niveau local.
Tout ceci ne se fait toutefois pas sans relever certains défis.
En effet, des comités locaux, chargés des questions de l’eau, existaient bien avant la réforme mise en œuvre par la Dinepa.
Ainsi, afin qu’ait lieu cette délégation, les comités locaux doivent-ils consentir à signer les statuts de la Dinepa, se plaçant ainsi sous la tutelle de l’État.
Parfois, les négociations sont difficiles.
Les antennes régionales de la Dinepa, les offices régionaux de l’eau potable et de l’assainissement (Orepa), soulignent la méfiance des comités lors des premiers contacts.
« Les comités se sentent un peu mal à l’aise, à l’idée de se placer sous l’égide d’une institution », souligne Romeo Des Cars, responsable de communication de la direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement / et de l’unité rurale départementale (Dinepa/Urd) dans l’Artibonite.
A cela, s’ajoutent les craintes de dissolution des comités, ou de mise à l’écart.
Ces inquiétudes seraient souvent dépassées, grâce au dialogue instauré par les responsables de la Dinepa, insistant sur un partenariat, une coopération d’égal à égal.
Dans les faits : l’exemple de la commune de Verrettes
Le 20 juin 2012, le processus de réforme institutionnelle, dans le secteur de l’eau potable et de l’assainissement, s’était accéléré pour la commune de Verrettes (Artibonite).
La Dinepa avait, en effet, obtenu, de trois comités locaux, la signature des statuts proposés par la Dinepa, devenant ainsi trois Caepa.
D’après Transparence, le magazine d’information trimestriel de l’Orepa* Centre (août —octobre 2012, No 0002), cette légalisation des statuts a permis à la Dinepa d’enclencher son projet de réhabilitation de 3 systèmes d’alimentation en eau potable, touchant près de 30,000 bénéficiaires aux alentours de Verrettes.
La branche en Haïti du fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) a financé ces rénovations à Verettes, à hauteur de 800,000 dollars américains. [jp kft rc apr 06/09/2012 1:20]
* = Nomenclature de la Dinepa divisant le territoire national en quatre Offices régionales pour l’eau potable et l’assainissement (Orepa) : Orepa Nord (en bleu sur la carte), Orepa Centre (en orange), Orepa Ouest (en vert), Orepa Sud (en rose).