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Haïti-Cep : Martelly a-t-il la latitude de trancher ?

Par Edner Fils Décime

P-au-P, 13 août 2012 [AlterPresse] --- Alors que des secteurs de la vie nationale se questionnent sur la possibilité d’éventuelles élections en Haïti, vu la crise au conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj) et l’incapacité du parlement à choisir ses représentants au conseil électoral, le politologue Gracien Jean appelle au « pouvoir discrétionnaire » du chef de l’Etat pour dénouer la situation, dans des déclarations faites à l’agence en ligne AlterPresse.

« On peut toujours envisager des élections, même s’il faut tenir compte des échéances électorales. Comme dans toutes les grandes démocraties, quand une situation parait impossible, on peut faire appel au pouvoir discrétionnaire du chef de l’État », envisage le directeur de l’école supérieure des sciences politiques appliquées.

Si le gouvernement et plusieurs pays donateurs se montrent favorables à l’organisation des élections sénatoriales et locales, d’ici fin 2012 par un conseil électoral permanent(Cep), le processus ne garantit pas une telle issue.

Deux membres du Cspj ont déjà jeté l’éponge et l’indépendance du Cspj est mise à mal par le scandale.

Au parlement, plusieurs parlementaires ne jurent que par un conseil électoral provisoire.

Dans ce contexte, « il faut une médiation discrète », propose Gracien Jean.

« Si c’est la Constitution amendée qui est la source des problèmes, que le président la renvoie tout simplement après avoir fait l’évaluation des risques et conséquences d’un tel acte », martèle Jean.

Le 19 juin 2012, le chef de l’Etat, Michel Martelly a été supporté par les présidents des deux chambres du parlement, Simon Dieuseul Desras et Levaillant Louis-Jeune, ainsi que le président du Cspj, Anel Alexis Joseph, dans sa décision de "reproduire" un texte amendé de la Constitution de 1987.

En imaginant que les acteurs vont arriver à faire le dépassement nécessaire, pour finalement nommer les 9 conseillers électoraux d’ici« début septembre [2012] », Gracien Jean croit que les élections sont faisables en « décembre [2012] et le second tour peut être organisé en janvier [2013] ».

Pour le politologue, l’institution électorale existe.

« Il y a une directrice générale installée, des cadres et des employés. Les conseillers électoraux sont nommés, comme une sorte de conseil d’administration ».

En ce sens, « si des garde-fous ont été placés, la direction générale du conseil électoral pourrait démarrer la machine, en attendant que les conseillers montent à bord. La nomination des conseillers ne doit pas entraver le processus », renchérit-il.

Du côté de la présidence de la république, la détermination de monter un conseil électoral, avec ou sans le parlement qui peine à désigner ses représentants, est très palpable.

Le chef de l’Etat « a officiellement écrit, une nouvelle fois, le mercredi 8 août 2012, aux présidents des deux chambres du parlement haïtien, leur accordant un nouveau délai de huit jours pour désigner leurs représentants au conseil électoral permanent », informé un communiqué du bureau de communication de la présidence.

Le président de la chambre des députés invite Martelly à se tempérer, en privilégiant le dialogue.

Du même coup, Louis-Jeune exige la tête du président du Cspj, dont la procédure « unilatérale » du choix des représentants de cette instance au Cep est qualifiée de « vagabondage » par Gracien Jean.

Pourtant, le politologue semble ne pas s’inquiéter de la réputation de proches du pouvoir, qu’ont les trois membres désignés par le président du Cspj.

« Au moins, on sait qu’ils sont proches du président. Combien de gens qui ont été dans l’opposition au départ et qui ont fait leur glissade par la suite pour des avantages futiles de surcroit » ?, argumente Jean.

De toute façon, la réduction du Cspj à 7 membres n’est « pas un handicap pour l’institution, car la majorité à 5 est toujours trouvable ».

« Cela n’aura aucune incidence sur les [éventuelles] prochaines élections », martèle Jean.

Martelly semble bien partir de ce point de vue.

« Dans cette correspondance, le Chef de l’État précise que, conformément aux articles 136 et 192 de la Constitution amendée de 1987, les pouvoirs Exécutif et Judiciaire ont déjà désigné respectivement les noms de leurs membres devant composer ladite structure électorale », précise le communiqué de son bureau de communication.

Pour Gracien Jean, tout ce blocage pour la nomination des conseillers du « conseil électoral tout court » est « de la bêtise humaine, mue par des mobiles économiques et politiques inavoués ».

L’union européenne semble donner son petit coup de pouce à Martelly.

A la veille de son départ d’Haïti le samedi 11 août 2012, Carlo de Filippi, représentant sortant de l’Ue en Haïti, a déclaré : « Mon opinion, nous sommes totalement en faveur d’un organisme permanent, en vue d’aboutir à des processus électoraux stables ».

Entre-temps, 30 parlementaires, dont 21 députés et 9 sénateurs, ont signé une pétition, demandant l’instauration d’un conseil électoral provisoire, les conditions pour la mise en place d’un organisme permanent n’étant pas totalement réunies. [efd kft rc apr 13/08/2012 15:50]