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Haïti - Justice : Le Vodou n’est pas en cause dans les récents crimes d’enfants, réagit l’Ati national

P-au-P, 10 août 2012 [AlterPresse] --- « C’est une méchanceté de la part de celles et de ceux, qui veulent diaboliser le Vodou pour précipiter sa destruction. Ceux qui ont posé ces actions n’ont rien à voir avec le Vodou ».

C’est la réaction de l’Ati national (chef suprême du vodou), Max Gesner Beauvoir, suite à plusieurs cas d’assassinat d’enfants mis en lien avec des sacrifices vodou.

Joint au téléphone par AlterPresse, l’Ati national rejette tout lien automatique entre ces actes criminels, empreints de mysticisme, et la religion qu’il professe.

Le Vodou est une religion, basée sur la « célébration de la vie », souligne Beauvoir.

« Toutes celles et tous ceux, qui cherchent, d’une façon ou d’une autre, à rapprocher ces sacrifices humains au vodou, ont 500 années de retard mental », estime-t-il.

Le 25 juillet 2012, une fillette de 6 ans a été retrouvée mutilée dans un champ de canne-à-sucre dans la localité de Montegrande (3e section communale de Hinche, dans le département du Centre).

Chrismael Jean aurait été sacrifiée aux fins de gagner au loto, affirment des parents de cette victime dans la localité de Montegrande.

Sous prétexte qu’ils étaient possédés par des esprits démoniaques, Laurana Chéry (15 mois), Sophiana Chéry (3 ans), Tony Chéry (4 ans) et Mirlanda Chéry (7 ans) ont été battus à mort par un prétendu houngan, le 1er août 2012, en présence de leur mère, Andrée Chéry, dans la localité de Marbial (Sud-Est d’Haïti).

Vodou : culte de la vie

« La vodouisante / le vodouisant apprend à célébrer la vie. Le houngan passe les 41 jours de son initiation dans le houmfort à apprendre la vie en communauté, à aimer sa vie et celle de ses semblables », précise l’Ati national haïtien du vodou.

Les crimes, commis selon la distinction établie par la religion vodouesque, semblent davantage être le fait de "bòkò" que de véritables houngans.

Un houngan est un prêtre initié du vodou, qui a appris l’art de la vie, à qui sont révélés les secrets de la médecine traditionnelle « pour donner la vie », tandis qu’un « bòkò est un charlatan du vodou, qui n’a reçu aucune initiation et qui pratique sur le tas », explique Beauvoir.

Alors que dans le rite "Rada" l’initiation dure 41 jours, dans le rite "Congo", « il n’y a qu’un laver-tête de 24 heures ». Les bòkò, eux, ne subissent ni initiation ni laver-tête.

Des crimes crapuleux, loin de toute religion ?

« Ce sont des sacrifices maléfiques, des horreurs inqualifiables », juge le prêtre catholique romain Louis Gabriel Blot, curé de la paroisse Saint-André à Dufort (Léogane, à une trentaine de km au sud de Port-au-Prince).

« C’est de la plus haute méchanceté », s’indigne l’Ati national, chef suprême du vodou, Max Gesner Beauvoir.

Pour Clément Joseph, pasteur protestant et directeur de la mission sociale des églises haïtiennes (Misseh), en plus d’être « non seulement un témoignage de non-respect pour la vie même des plus innocents, de tels actes sont aussi des crimes odieux devant être sévèrement punis par la justice haïtienne ».

Il y a une tendance, signale Joseph, à attribuer au vodou de telles pratiques, qu’il qualifie d’ « historiques ».

La religion vodouesque doit « se moderniser, et ses autorités religieuses doivent se démarquer ouvertement de ces pratiques », estime, de son côté, Édouard Paultre, très connu dans le milieu protestant.

Crimes attribués à l’exorcisme ?

Les crimes, notamment celui commis à Marbial (Sud-Est), ont aussi été rapprochés à l’exorcisme.

Cette opération apparaît comme empreinte d’une grande confusion. Si la plupart des religions en Haïti utilisent l’exorcisme, elles ne la voient pas, toutes, de la même manière.

Michel Archange Boulay, vénérable en exercice de la loge maçonnique l’Étoile d’Haïti # 5, interprète ces actes comme des cas « d’interpellations d’esprits démoniaques, en vue d’obtenir des faveurs quelconques. Ce ne sont pas des exorcismes ».

Quid de l’exorcisme ?

Beauvoir n’y va pas par quatre chemins.

« Toutes les religions font de l’exorcisme : les catholiques romains, les protestants ou les Francs-maçons », dit-il.

Boulay ne dément pas l’Ati national du vodou, en précisant combien
« tout franc-maçon n’est pas exorciste. Ce n’est pas quelque chose qu’on reçoit à son initiation. C’est un choix du frère ».

Les techniques peuvent être variées, d’un courant religieux à un autre.

Mais l’essence reste la même, précise le Vénérable Boulay en informant que le « au nom de Jésus, je te chasse démon » - que répètent souvent les protestants - est une formule d’exorcisme.

Dans le cas de l’église catholique romaine, la pratique est institutionnalisée.

« Chaque diocèse de l’église catholique romaine a son prêtre-exorciste, nommé par les autorités ecclésiastiques en fonction de la pureté de vie, de la sainteté de la personne et de son aura. C’est important pour pouvoir faire face aux esprits maléfiques », informe le prêtre Blot.

Cependant, dans le courant protestant, il existe une certaine prudence à utiliser le concept exorcisme.

Même si, sur le fond, il s’agit de la même opération, le pasteur Joseph préfère parler de « prière d’intercession » pour conjurer le mal de l’individu.

Des sectes, appelées « armées célestes », dans le courant protestant, utilisent une forme d’exorcisme, dans laquelle la personne dite « possédée » est bastonnée, forcée d’inhaler des substances, telles de l’ammoniaque (Alcali) ou du formol.

A cela, Clément Joseph rétorque qu’elles ne « répondent à aucune logique du protestantisme. Elles n’appartiennent à aucun groupe de protestants constitués. Leurs soi-disant pasteurs n’ont reçu aucune formation théologique ».

Reste que « Jésus est le plus grand des exorcistes pour le monde chrétien », argue le vénérable de l’Étoile d’Haïti #5, Michel Archange Boulay. [efd kft rc apr 10/08/2012 15:25]