par Milo Milfort
P-au-P, 25 juil. 2012 --- Le Lac Azuei appelé aussi Étang Saumâtre, principal lac naturel d’Haïti, d’une surface de plus de 110 km2, est beau à voir. Des plantes aquatiques parsèment son étendue, des caïmans y vivent, les anguilles et tilapias cohabitent. Mais aussi, un lieu de fébriles activités de trafiquants.
Le lac représente une zone stratégique non contrôlée et non protégée, un danger binational pour la stabilité des relations entre les deux pays.
« Le Lac est utilisé par des réseaux de trafiquants haïtiano-dominicains pour faire passer les enfants haïtiens en république voisine », souligne le Père Lissaint Antoine, directeur du Service jésuite aux réfugiés et migrants lors d’un atelier à Fond Parisien réunissant des journalistes haïtiens et dominicains.
« La majorité ou du moins tous les enfants trafiqués ne passent pas par le point frontalier. Nous avons observé que les enfants passent surtout sur le lac, dans des canots », insiste-t-il.
Antoine révèle que les proies privilégiées des trafiquants sont des enfants allant de huit à seize ans et des femmes. Il ajoute d’autres problèmes frontaliers alarmants qui concernent notamment la violence et la tension permanente entre les habitants des deux côtés de l’ile.
Lac Azuei : autre frontière, frontière sauvage
Sur le Lac Azuei, des petits bateaux passent et repassent, des canots vont et viennent. En temps de pluie, les eaux montent et envahissent la route frontalière reliant les deux pays. Mais, l’État haïtien est absent.
« L’État haïtien ne contrôle pas le trafic sur le lac où passent des mineurs trafiqués », souligne Antoine, ajoutant qu’il ignore la quantité exacte de victimes de trafic et de traite à la frontière.
De son côté, l’inspecteur de Migration haïtienne, Edwidge Laguerre, dit être au courant des actes de trafic et de traite, mais admet être incapable d’agir puisque ces opérations se réalisent sur le lac, un lieu non contrôlé par l’immigration.
« Nous ne contrôlons pas jusqu’à présent toute la frontière haitiano-dominicaine. Ce n’est pas un problème uniquement lié à l’immigration, c’est un problème complexe que l’État haïtien doit pouvoir résoudre », ajoute-t-il. « Certains axes frontaliers haïtiens n’ont même pas de point de controle de l’immigration. Cela profite aux trafiquants de personnes ».
De l’autre coté du Lac Azuei, de plus en plus de nouvelles communautés s’installent sous les yeux irresponsables des autorités binationales.
Selon les déclarations des riverains de la zone, des connivences existeraient entre les habitants des deux cotés de l’Ile, et des Dominicains seraient chargés de poursuivre la route avec les personnes trafiquées une fois la frontière maritime franchie.
Par ailleurs, le lac Azuei serait responsable de tous les maux du marché binational, soutient Marie Michèle Polynice, vice-présidente de l’association des commerçants de Malpasse lors de cette rencontre.
« Le Lac constitue un grand problème. Quand il est en crue, il envahit le marché frontalier. On est obligé de remblayer tout le temps le marché pour le rendre praticable », affirme-t-elle. « Un travail visant à empêcher la montée du Lac est un impératif ».
Des responsables et acteurs haïtiens concernés par les questions frontalieres sont intervenus lors de l’atelier binational réalisé les 19, 20, 21 et 22 juillet 2012 à Barahona en République Dominicaine, réunissant des journalistes haïtiens et dominicains. [mm kft gp apr 25/07/2012 10:30]