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Haïti : Les femmes pour la reconstruction et contre l’occupation

Collaboration

Par Colette Lespinasse

P-au-P., 5 avr. 04 [AlterPresse] --- A l’initiative de la Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes (CONAP), plus de 500 femmes et hommes se sont réunis, le samedi 3 avril 2004, à la Place Catherine Flon au Champ de Mars, pour commémorer la journée nationale des femmes.

Dans une ambiance de fête, ponctuée de sons de tambour et de moments de réflexion, les femmes ont réaffirmé leur volonté citoyenne de reconstruire le pays déchiré par 200 ans de luttes fratricides et dix-huit ans de transition stérile (1986 - 2004).

Invoquant Catherine Flon, héroïne de l’Indépendance qui avait cousu le premier drapeau haïtien en 1803, les féministes ont demandé au peuple haïtien de s’inspirer du geste de cette femme pour recoudre le tissu social aujourd’hui en lambeaux.

« Nos mauvaises pratiques politiques nous ont conduit tout droit vers l’abîme et ont fourni à l’étranger le prétexte pour nous occuper une troisième fois(NDLR : référence à l’intervention des forces armées américaines, françaises et canadiennes sur le territoire national, le dimanche 29 février 2004, après la démission du dictateur Jean-Bertrand Aristide). Quelle gifle pour les héroïnes et héros de notre indépendanceÂ…. Nous les femmes, aujourd’hui, nous décidons de reprendre la mission que nos ancêtres nous ont laissée. Nous allons recoudre notre drapeau, c’est-à -dire, reconstruire notre pays dévasté », ont déclaré les femmes dans leur message de circonstance.

Tout au cours de cette commémoration, les cris de « A bas l’Occupation, Vive une Haïti libre ; nous voulons la coopération et non l’occupation », ont été à maintes reprises répétés par l’assistance, dont une bonne partie était composée d’étudiantes et étudiants ayant lutté pour chasser l’ex président Aristide du pouvoir.

Un des moments forts de cette journée fut la scène émouvante de la reprise du drapeau déchiré, symbolisant la patrie divisée. A l’aide de fil et d’aiguilles amenés pour la circonstance, des femmes et des hommes ont, pendant 10 minutes, raccommodé un grand drapeau bleu et rouge, déployé auparavant par la danseuse bien connue Florencia Pierre du groupe Dyakata qui venait d’exécuter une danse traditionnelle.

Trois membres du gouvernement de Gérard Latortue, dont la ministre à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme Adeline Chancy, la secrétaire d’Etat à la Culture Magalie Comeau Denis et le secrétaire d’Etat à l’Environnement Yves André Wainright), ont fait le déplacement pour venir encourager les femmes. Ces dernières en ont profité pour rappeler leurs desiderata en faveur de la reconnaissance de la participation des femmes à la lutte pour l’indépendance nationale.

« Nous profitons de la présence de Mme Chancy pour demander que soit érigé le plus tôt que possible, ici sur cette place où nous sommes au Champ de Mars, un monument en hommage à Catherine Flon », a martelé Myriam Merlet de l’organisation Enfofanm (Info femmes).

Les femmes ont également repris leurs revendications contre toutes formes de violence à l’égard du sexe féminin, en faveur de la fin de l’impunité en Haïti, des mesures économiques efficaces pour lutter contre la féminisation de la pauvreté, des services de santé efficace, des emplois (le droit à la syndicalisation doit être garanti dans les milieux de travail), la participation des femmes dans toutes les sphères de décision, etc.

La cérémonie s’est terminée à quelques mètres plus loin (de la place Catherine Flon), devant le Palais de Justice en direction duquel les participantes et participants avaient marché, le drapeau recousu sur la tête, et scandant des slogans contre la présence de militaires étrangers dans le pays.

En 2000, la date du 3 avril a été décrétée, par un groupe de féministes, journée nationale des femmes haïtiennes, en souvenir de cette première grande manifestation qu’elles avaient organisée à la même date en 1986, après la chute du dictateur Jean Claude Duvalier.

Depuis cette date, les féministes n’ont cessé d’exiger que les fondatrices de la nation soient officiellement représentées à la place des Héros de l’indépendance, où l’on ne trouve jusqu’à présent que des monuments exclusivement consacrés à des hommes, alors que beaucoup de femmes avaient joué un rôle très actif dans la lutte pour l’indépendance proclamée le 1er janvier 1804. [cl apr 05/04/2004 22:50]