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Haïti-Agression sexuelle : La justice au Plateau central preoccupée par les ententes entre agresseurs et agressées

Au lieu de porter plainte, les victimes de viols ou leurs familles préféreraient négocier avec les présumés agresseurs...

Correspondance Ronel Odatte

Hinche, 5 juillet 2012 [AlterPresse] --- Les ententes, passées entre les présumés agresseurs et les familles des femmes et filles violées, inquiète les autorités judiciaires dans le Plateau Central, apprend AlterPresse.

Du 1er janvier au 1er juillet 2012, plus de 50 cas ont été signalés.

Ce qui représente, sans doute, une mince estimation, puisque les victimes ou leurs familles préfèrent négocier avec les présumés agresseurs au lieu de porter plainte.

La police locale n’a déjà procédé qu’à dix arrestations qui ont abouti à deux condamnations pour des peines de 3 à 7ans de prison, confirme un responsable de la prison civile de Hinche.

Passer l’éponge…

A Hinche, la situation est très préoccupante. Même les fillettes de 3 à 5 ans ne sont pas épargnées, déclare, pour sa part, le substitut du commissaire du gouvernement près le parquet de Hinche, Moléon Richard.

Les actes d’agressions sexuelles et de viols sur les femmes et les filles font souvent l’objet d’intenses négociations, comme sur une place de marché de produits alimentaires.

« On aurait pu avoir beaucoup plus de violeurs ou de délinquants en prison si les personnes victimes coopéraient avec la justice. Nombre de parents préfèrent négocier avec les agresseurs, au lieu de porter plainte », déplore Richard.

Le juge titulaire près le tribunal de paix de Thomassique, Demoncier Désarmes, qui confirme l’existence des cas de viols dans sa juridiction, qualifie de farfelues certaines déclarations, faisant croire qu’il se serait toujours comporté en véritable médiateur entre les victimes et les présumés agresseurs.

« J’ai entendu plus de 25 cas, dont plusieurs n’avaient rien à voir avec la vérité. Nous avions affaires avec des gens qui voulaient utiliser leurs filles à des fins commerciales. Je ne suis pas expert en la matière. C’est pourquoi tous les cas jugés importants ont été acheminés au parquet de Hinche. Il y a plein de cas de viols, dit-on, mais il y a très peu de gens qui veulent dénoncer et témoigner contre les délinquants », conclut le juge.

Crime et châtiment balayés

Le substitut du commissaire du gouvernement de Hinche, Moléon Richard, se montre très critique vis-à-vis de certains juges de paix, dont il s’est gardé de citer les noms, et qui auraient choisi délibérément de se prononcer sur des cas de viols et d’abus sexuels, alors que cela n’a rien à voir avec leurs attributions.

Richard en profite pour rappeler aux victimes leur droit de porter plainte et de se faire examiner par un médecin qui leur délivrera un certificat médical, document qui pourrait servir de preuve pour les suites légales.

Tout le monde ne met pas la même énergie à traquer et punir les violeurs, selon des informations fournies à AlterPresse sous couvert de l’anonymat.

Souvent absents au bureau, des magistrats arguent que le ministère de la justice ne leur donne pas suffisamment de moyens pour travailler. Entre-temps les coupables peuvent dormir tranquillement et les justiciables résoudre leurs problèmes à leur guise.

« Pour l’heure la situation est fragile. Des hommes, dont on ignore les intentions et la provenance, ont déjà violé plusieurs jeunes filles. Il n y a personne pour nous protéger », réagit, pour sa part, une habitante de Savanne Mulate, deuxième section de Locianne.

Pour elle, comme pour une de ses voisines, la solution serait d’interdire à leurs filles de sortir seules.

De ‘’Cadet Jacques’’ (violeurs) à prédateurs sexuels ?

Le directeur départemental de la police du Centre, Ernst Dumont, fait état d’une situation particulière.

Selon lui, les agresseurs n’agissent pas toujours de manière isolée, mais surveillent et traquent les jeunes femmes revenant de soirées.

« Je ne peux pas comprendre ce qui leur prend. Ces jeunes garçons… se donnent comme mission de traquer toutes les filles qu’ils trouvent sur leur passage. Nous avons déjà procédé à des arrestations, mais c’est à la justice de faire son travail », souligne Dumont.

Tout en espérant une participation pleine et entière des mères et pères de famille des victimes, la police departementale est déterminée à faire échec à ces cas, ajoute-t-il.

Les personnes, jusqu’ici reconnues coupables de viols dans le département du Plateau central, sont, pour la plupart, de jeunes hommes de 16 à 20 ans, indique un responsable de la prison civile de Hinche. [ro kft rc apr 5/07/2012 10:10]