Communiqué du Centre Oeucuménique des Droits Humains
Soumis à AlterPresse le 1er avril 2004
Le Département de la justice est une des branches de l’administration haitienne qui, depuis 1986, a été maintes fois ausculté et analysé et qui a reçu des secours massifs, financiers ou techniques venant de l’aide internationale ou bilatérale. Dix-huit ans plus tard, la légendaire lenteur de cette administration et surtout, le blocage des dossiers, tout au long de la chaine pénale, fait que pour la justice criminelle, on peut compter sur les doigts les cas d’assassinats, de disparitions, de kidnappings, qui, depuis plus de cinquante ans, auraient été résolus et sanctionnés par un verdict.
Or, des statistiques récentes montrent que de 1995 à l’an 2000, il y a eu plus de 120 à 150 cas de morts violentes par an. Il est hors de doute que cette montagne de cadavres représente pour le système de justice un défi impossible à surmonter. C’est pourquoi la Commission Citoyenne pour l’Application de la Justice (CCAJ), récemment formée, voudrait mobiliser les énergies de la société civile pour aider le système de justice à se réveiller et à se mettre en marche.
Ceci est fondamental. Car il ne suffit pas de crier et de gémir pour l’avènement de la justice dans ce pays. Il faut faire la justice, il faut qu’elle exerce ses pouvoirs pour connaitre, décider, juger et sanctionner, sans quoi, le crime, de plus en plus banalisé, ne connaitra plus aucune limite. Faute de pouvoir tout juger, il faudra exercer un choix mais il faudra aussi mener ces choix jusqu’à leur terme, du début à la fin du procès pénal, dans des limites de temps acceptables. La justice reste toujours désirée et promise, mais c’est une promesse qui n’arrive jamais, en matière criminelle, à se réaliser. Tout se passe comme si le Département de la Justice était un département qui jouirait du droit de laisser les dossiers pourrir indéfiniment, laissant les familles et le pays attendre indéfiniment.
Ainsi le cas de Jean L. Dominique et Jean-Claude Louissaint.
Voici, devant nous, le quatrième anniversaire de l’exécution de Jean Léopold Dominique.
Le 3 avril 2000, à cinq heures et demi du matin, les exécuteurs attendaient Jean Dominique dans la cour de Radio Haiti Inter et l’ont immédiatement assassiné ainsi que le gardien, Jean-Claude Louissaint
Cela fait quatre ans. Il est temps que la justice se réveille, enfin. Il est temps que l’appel déposé devant la Cour de Cassation par trois des personnes inculpées par l’ordonnance du juge d’instruction soit examiné par la Cour. Il est temps qu’un nouveau juge d’instruction soit nommé.
Il est temps que la vraie enquête commence si l’on veut que la Justice existe. Il est temps enfin que le pays connaisse l’ordre de la LOI. Dans ce sens, le cas Jean Dominique est devenu incon-tournable, face à l’opinion nationale et internationale, pour signifier que la justice haitienne existe.
Jean-Claude Bajeux
Directeur Exécutif, 31 mars 2004