Par Francesca Theosmy
P-au-P, 8 juin 2012 [AlterPresse] --- Michel Martelly, plus d’un an après son arrivée au pouvoir, se contredit de la manière la plus controversée qui soit en annonçant par le biais de son porte-parole sa décision de publier en juin le texte amendé de la Constitution de 1987.
L’annonce faite le 31 mai arrive comme un raz de marée et n’a pas fini d’éclabousser les humeurs au niveau de la classe politique, notamment au parlement. Un couperet bien affuté attendrait le chef de l’Etat s’il promulguait effectivement le texte constitutionnel considéré comme illégal et truffé d’irrégularités.
Michel Martelly avait pourtant réussi à redresser la barre au niveau de l’exécutif qu’il dirige depuis déjà un an. S’il n’a pas fait fort en agitant son maigre bilan de réalisations, il a toutefois réussi à obtenir un nouveau gouvernement. Il est même parvenu à grossir son équipe avec des transfuges du Sénat, en ralliant au rang de ses conseillers d’anciens sénateurs à l’image de Joseph Lambert.
La vie en rose…
C’est le 14 mai, un an jour pour jour depuis qu’il est président, que son premier ministre Laurent Lamothe, son ami dit-on, boucle le processus de sa ratification au parlement.
Laurent Lamothe affiche la posture d’un homme qui va foncer droit vers des résultats capables de relever le pays et faire atterrir le changement promis par Martelly. Il annonce aussi sa volonté d’autoriser l’exploitation des richesses aurifères dans le nord du pays. Ces richesses sont estimées à 20 milliards de dollars.
Pour s’illustrer en tant qu’homme de changement, il ne manque pas de signaler que pour la première fois, un gouvernement en Haïti compte plus de 30% de femmes, le quota minimum prescrit par la loi. Des féministes en doutent cependant.
Mais alors que tous les officiels célèbrent la fête du drapeau à l’Arcahaie le 18 mai, la police s’en prend à de présumés anciens militaires. Une cinquantaine de personnes sont appréhendées. Le 19 mai, les hommes armés, dont l’aisance et l’insolence à réclamer un haut état major commençaient à inquiéter, ont été proprement délogés. Certains ont fui devant les agents de la police et les soldats de l’Onu.
La nouvelle administration, sur un petit nuage, met en branle durant le mois de mai une cohorte de programmes et multiplie les décisions.
Le 29 mai, Michel Martelly signe 5 nouveaux arrêtés dont un qui révoque l’arrêté déclarant d’utilité publique le centre ville de Port-au-Prince pris par le président René Préval. Dans la foulée, « Ti manman cheri », « carte rose », des programmes aux noms rocambolesques et qui créent l’expectative quant à leurs effets à venir sont lancés.
Plus significatif encore, le carnaval des fleurs annoncé depuis février est confirmé pour les 27, 28 et 29 juillet .
C’est dans ce contexte d’enthousiasme politique, que Michel Martelly annonce sa décision de se contredire en ignorant l’arrêté qu’il avait pris pour surseoir à la publication de l’amendement constitutionnel. Une décision qui arrive peu après la publication d’un rapport de Washington sur les droits humains en Haïti, venu gentiment taper sur les doigts du locataire du palais national.
Coup de froid
Le rapport du département d’Etat qui prend en compte l’année 2011, en cherchant à faire une certaine part des choses, vient pointer ce que Martelly n’a pas pu faire de mieux que ses prédécesseurs. Il dénonce entre autres les abus de pouvoir des forces de sécurité du gouvernement, les exécutions sommaires par les fonctionnaires de l’administration Martelly et des policiers.
Selon le département d’Etat américain, le gouvernement haïtien est corrompu dans toutes ses branches. De ce point de vue là, il rejoint une étude, menée par l’Institut de Bâle (Suisse), sur la gouvernance en 2012, qui place Haïti en quatrième position parmi 32 pays, où le risque de blanchiment d’argent est le plus élevé. Haïti se retrouve aux côtés de l’Iran, du Cambodge et du Kenya.
Le rapport pointe aussi les exploitations et crimes sexuels commis par des membres de la Mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah) sur des jeunes Haïtiens. Johnny Jean, l’une des ces nombreuses victimes, a d’ailleurs dû aller en Uruguay pour témoigner contre ses agresseurs, des casques bleus uruguayens. Durant l’audition tenue le 10 mai, le jeune homme les a formellement identifiés.
Par ailleurs, pareil qu’avant Martelly, les menaces, intimidations à l’encontre des sinistrés, et les évictions forcées dans les camps n’ont pas changé. Le choléra, maladie importée en douce, favorisée par des conditions sanitaires exécrables, fait une remontée inquiétante. Depuis le début de l’année 2012, 13 mille cas et 132 morts ont été enregistrés par les autorités.
Autre menace permanente : l’insécurité alimentaire. Durant les cinq prochains mois, avertit la Coordination nationale pour la sécurité alimentaire(Cnsa), il faudra être vigilant.
La vigilance c’est aussi ce que prescrivent les autorités de la protection civile. Car bien que la saison cyclonique débute le 1er juin, les tempêtes n’ont pas attendu pour venir se balader dans la mer des Caraïbes, dont Alberto et Beryl, qui n’ont toutefois pas inquiété le pays. 45 mille personnes pourraient en être affectées par la saison cyclonique en Haiti.
Plus de vigilance également autour du Marron inconnu, statue emblématique située en face du palais présidentiel, que le chef de l’Etat a voulu requinquer. Il a ainsi rallumé la « flamme éternelle » le 14 mai et cette dernière a été éteinte 24 heures plus tard ! La machette du Marron inconnu a aussi été rompue. Problème d’énergie ? Vandalisme ?
La mort...
Un peu plus tôt en mai, un fait divers a dominé toutes les actualités. Celui de l’assassinat d’un homme, Jean Wilbert Elma, à la morgue où il était placé, après avoir été déclaré mort dans un hôpital. Cinq membres du personnel de la morgue sont arrêtés. Le commissaire du gouvernement de la capitale, Jean Renel Sénatus, déclarera que ce n’est pas le premier forfait de ce genre recensé.
Sénatus a eut également à trancher le 15 mai, en autorisant l’ensevelissement de plusieurs centaines de cadavres, cas de mort violente, déposés à la morgue de l’Hôpital de l’université d’Etat d’Haïti (Hueh) depuis deux ans en attente d’autopsie. Une morgue devenue plus un charnier qu’autre chose, empestant le voisinage.
Le mois de mai a de plus débuté avec la poursuite de la série macabre d’attaques contre les agents de la Police nationale d’Haïti(Pnh). Un policier, Jean H. René, affecté au commissariat de la Croix-des-bouquets a été tué le lundi 7 mai 2012 à Brochette 95 dans la commune de Carrefour. Son décès vient allonger une liste d’au moins huit policiers tués et deux autres blessés depuis janvier 2012. [kft gp apr 8/06/2012 10 :00]