Par Frenand Léger [1]
Soumis à AlterPresse le 30 mai 2012
Situé à seulement une heure d’avion d’Haïti, l’archipel des Bahamas est considéré, grâce à son économie florissante - basée principalement sur le tourisme - comme l’un des pays les plus prospères dans les Caraïbes. Affichant le revenu par habitant le plus élevé de la région, les Bahamas attirent naturellement un grand nombre d’immigrantes et d’immigrants, venus des pays du bassin caribéen, économiquement moins développés, notamment d’Haïti et de la Jamaïque.
La communauté haïtienne est numériquement la plus importante minorité ethnique aux Bahamas.
L’archipel des Bahamas compte un peu plus de 309,000 habitantes et habitants, dont 80,000 seraient des immigrantes et immigrants haïtiens, selon les chiffres du dernier recensement de juillet 2007.
La communauté haïtienne représente donc approximativement 25% de la population bahamienne. Ce taux élevé d’immigrantes et d’immigrants haïtiens, installés dans des conditions irrégulières dans les îles des Bahamas, est perçu comme une menace par de nombreux Bahamiens.
Dans certaines études, la « question haïtienne aux Bahamas » (Sears, 1994) est, en effet, vue comme un « problème » (Marshall, 1979).
Il s’agit ici, dans ce survol, de jeter un coup d’œil rapide sur l’immigration haïtienne aux Bahamas des origines à nos jours, en insistant surtout sur la situation socio-économique de la génération d’Haïtiennes et d’Haïtiens vivant actuellement dans ce pays qui, pour certains, est un paradis, mais, pour d’autres, un enfer.
Les origines de la migration haïtienne vers les îles des Bahamas
Pour bien cerner la question de l’immigration haïtienne aux Bahamas, il nous semble important de revenir sur les circonstances historiques, dans lesquelles les Haïtiennes et Haïtiens se sont établis sur le territoire bahamien.
La migration haïtienne vers les îles des Bahamas remonte à la période précolombienne, révèlent des recherches archéologiques.
Les Tainos, qui vivaient sur la côte Nord de l’île d’Hispaniola, seraient les ancêtres des premiers habitants des Bahamas. Pour échapper aux attaques des Caraïbes, les Tainos auraient voyagé depuis le Nord d’Haïti jusqu’aux Bahamas, en passant par les îles Turques-et-Caïques (Turks & Caicos). Au fil du temps, ils ont développé une culture distincte appelée Lucayes.
Voici comment Craton & Saunders décrivent la situation :
« Les rapports étroits, entre Haïti et les îles bahaméennes, datent d’aussi longtemps qu’il existe des hommes dans l’archipel. Cette relation, qui était source de tensions et de conflits, offrait aussi des avantages mutuels. Les autochtones des Bahamas sont originaires de la partie Nord de cette grande île, que Christophe Colomb appellera plus tard Hispaniola. Même après s’être établis dans les îles et avoir développé leur propre culture lucaye, ces migrantes et migrants Tainos entretenaient des relations de commerce avec leurs cousines et cousins en Haïti, malgré les conflits armés qui les opposaient » [...] (Craton & Saunders, 1998, p. 450).
Les Lucayes ont vécu dans l’archipel des Bahamas jusqu’à l’arrivée de Christophe Colomb en 1492.
Une fois débarqués sur l’île de San Salvador, les Espagnols ont mis les Lucayes en esclavage et les ont envoyés à Hispaniola pour travailler dans les mines d’or. Après l’extermination des Amérindiennes et Amérindiens, les colons ont importé des esclaves noirs d’Afrique qui, eux aussi, ont eu à faire de fréquents allers-retours entre les îles, selon les besoins de leurs maîtres.
Ce va-et-vient, entre Haïti et les Bahamas, qui a duré de la période coloniale à la fin du XVIIIe siècle, démontre que la migration haïtienne vers les Bahamas n’a pas toujours été un « problème », ni un mouvement migratoire illégal, comme on tend à le croire.
Ce n’est qu’à partir de la période révolutionnaire haïtienne (des années 1791-1804) que la migration haïtienne a vraiment commencé à être abordée comme un problème pour les Bahamas.
A cause des révoltes d’esclaves, répétées à Saint Domingue, de nombreux colons - propriétaires d’esclaves et de terres - se sont réfugiés aux Bahamas.
Il s’agit du premier flux migratoire important d’Haïtiennes et d’Haïtiens vers les Bahamas (p. 3), indique Ria Treco (2002),.
Grâce à leur origine sociale et au contexte socio-politique de l’époque, ces réfugiés politiques ont été probablement mieux traités que ceux qui, par la suite, allait émigrer en masse vers les Bahamas, pour des raisons politiques et socio-économiques, durant le régime des Duvalier.
La migration haïtienne vers les Bahamas à partir de 1960
Entre 1957 et 1969, il y a eu une deuxième vague d’immigration massive d’Haïtiennes et d’Haïtiens vers les Bahamas.
Le nombre d’immigrantes et d’immigrants haïtiens aux Bahamas serait rapidement passé de 1,000 à 20,000 pendant la dictature de François Duvalier (dit Papa Doc), selon les chiffres de Treco (2002).
D’autres auteurs croient qu’il y en avait deux fois plus, soit 40,000 Haïtiennes et Haïtiens aux Bahamas à l’époque de Duvalier.
« Il y avait quarante mille Haïtiens aux Bahamas en 1970 », estime Leslie-J-R Péan (Péan, 2007, p. 345).
La majeure partie de ces 40,000 immigrantes et immigrants haïtiens était des paysans illettrés et des prolétaires des villes côtières du Nord d’Haïti.
Ce département, étant le plus pauvre du pays et géographiquement le plus proche des îles bahamiennes, constitue le port idéal de départ vers l’archipel des Bahamas. Les Tontons Macoutes de Duvalier l’ont d’ailleurs bien compris, puisque ce sont eux qui organisaient les voyages.
Leslie Péan nous fournit un compte rendu assez détaillé du rôle de François Duvalier et de ses hommes dans le trafic des Haïtiennes et Haïtiens vers les Bahamas.
« Dans le Nord-Ouest, Duvalier laisse les députés Ernst Dumervé (du Môle Saint Nicolas) et Michel Auguste (de Port-de-Paix) organiser la contrebande de main-d’œuvre vers les Bahamas. Selon les services de renseignement américains, cette contrebande - orchestrée par le commandant militaire Breton Claude, alors commandant du département du Nord-Ouest au début des années 1960 - continua avec le leader des volontaires de la sécurité nationale (Vsn), Obriand Nemorin, qui fut introduit à François Duvalier par Breton Claude, quand ce dernier fut transféré en 1968 ».
« Son remplaçant Abel Jérôme continua d’assurer le départ et l’arrivée des bateaux, moyennant un pourcentage de prébendes. Chaque bateau, partant pour les Bahamas, devait obtenir l’autorisation de Nemorin et d’Abel Jérôme qui recevaient leur ordre de marche directement du président Duvalier. Les passagers payaient $US 400.00 pour le voyage et ce montant était réparti entre les membres du gang, incluant le président Duvalier lui-même qui recevait sa quote-part directement de Dumervé. Un autre associé dans la combine est Julio Bordes, le consul haïtien aux Bahamas, qui se chargeait de placer les Haïtiens auprès des employeurs ». (Péan, 2007, pp. 344-345).
La dégradation de la situation socio-économique du pays, la politique répressive de François Duvalier et l’avidité insatiable des Tontons Macoutes ont été donc les causes principales du deuxième mouvement migratoire des Haïtiennes et Haïtiens vers les Bahamas.
L’arrivée au pouvoir de Jean Claude Duvalier, en 1971, n’a fait qu’aggraver la situation économique du peuple haïtien. La répression et l’extrême pauvreté - dans laquelle le régime maintenait la population - ont provoqué le troisième exode massif d’Haïtiennes et d’Haïtiens vers les Bahamas.
Depuis lors, la sortie en masse de la population haïtienne de son pays n’a fait que progresser.
La situation socio-économique actuelle des Haïtiennes et Haïtiens aux Bahamas
Pendant ces 25 dernières années, la communauté haïtienne aux Bahamas a augmenté considérablement.
Le nombre d’immigrantes et d’immigrants haïtiens, entrés clandestinement aux Bahamas, est difficilement calculable, car ces clandestins s’arrangent, tant bien que mal, pour ne pas laisser de traces.
Toutefois, leur nombre est actuellement estimé à 40,000 sur une population totale d’environ 80,000.
Ce pourcentage élevé, d’Haïtiennes et d’Haïtiens en situation irrégulière, relève : non seulement du grand nombre d’Haïtiens entrant clandestinement aux Bahamas, mais aussi de la politique bahamienne qui les maintient dans l’illégalité.
Le droit bahamien, en matière de nationalité, prescrit le Jus Sanguini.
Les enfants, nés aux Bahamas de parents non-Bahamiens ou d’une mère bahamienne avec un père non-Bahamien, n’acquièrent pas automatiquement la citoyenneté bahamienne. Ils doivent attendre d’avoir 18 ans, avant de pouvoir commencer le processus de demande de citoyenneté au bureau de l’immigration qui, dans le cas des Haïtiennes et Haïtiens, prend une éternité avant de les traiter.
Ce système discriminatoire a été mis en place en 1973 pour, semble-t-il, freiner l’accès des enfants d’origine haïtienne, nés aux Bahamas, à la citoyenneté bahamienne.
Le gouvernement des Bahamas est signataire de la Convention des Nations unies de 1951, relative au statut des réfugiés et de son protocole de 1967.
Au lieu d’établir un système permettant d’offrir une protection aux réfugiés, il pratique une politique d’exclusion et d’intimidation envers les immigrantes et immigrants haïtiens.
« Le traitement des résidents Haïtiens aux Bahamas, par le gouvernement de ce pays, est une crise urgente en matière des droits de l’homme. Les Haïtiens, vivant aux Bahamas depuis longtemps, tout comme ceux récemment arrivés d’Haïti, souffrent autant les uns que les autres de graves violations de leurs droits humains fondamentaux », indique le rapport de la délégation des droits humains (Rddh) sur les Haïtiennes et Haïtiens aux Bahamas (2004) (article III, par. 1).
Le rapport déplore aussi le fait que « les lois des Bahamas sont conçues pour garder la population haïtienne dans un état de peur et de pauvreté, et, au moment opportun, d’expulser les Haïtiens du pays » (art. II, par. 8).
C’est ainsi que les immigrantes et immigrants haïtiens, venus aux Bahamas dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie, font plutôt face au mépris, à l’exclusion, aux rapatriements inhumains et aux humiliations répétées des agents de la police et de l’immigration bahamienne.
25.2% des domestiques travaillant aux Bahamas sont des Haïtiens, selon le rapport du département de statistiques des Bahamas (2002) sur le recensement de la population et des logements.
Le reste, soit 74.8%, s’adonne à d’autres travaux manuels pénibles, comme la construction, l’agriculture, et les services de nettoyage que les Bahamiens refusent d’exécuter.
À cause de ses conditions de migrantes et migrants économiques, venus d’Haïti pour sortir de la misère, la communauté haïtienne vivant aux Bahamas est stigmatisée et marginalisée.
« Les migrants haïtiens sont associés à la clandestinité, l’analphabétisme, et la pauvreté. » (p. 38), notent Fielding et al. (2008),
Quant à leurs conditions de vie aux Bahamas, les mêmes auteurs affirment qu’« il est clair que la communauté haïtienne vit dans des conditions plus difficiles que celles des autres résidents du pays » (p. 47).
Pour travailler aux Bahamas, tous les étrangers ont besoin d’un permis de travail délivré par le gouvernement. Cependant, un grand nombre d’Haïtiennes et d’Haïtiens ne possèdent pas ce permis, dont le processus d’acquisition est long, coûteux et fastidieux.
Il s’agit, en fait, d’un système féodal, conçu de façon à garder la travailleuse / le travailleur ou l’employée / l’employé à la merci de son employeuse / employeur. L’employeuse / l’employeur est celle ou celui qui doit faire la demande des documents de travail au gouvernement pour son employée / employé. Du coup, le nom de l’employeuse / l’employeur est toujours inscrit sur le permis de travail, empêchant ainsi l’employée / l’employé de chercher du travail ailleurs si elle / s’il est renvoyé.
Étant donné que le permis de travail sert aussi de permis de séjour, les Haïtiennes et Haïtiens, surpris sur le territoire bahamien sans ce document, sont considérés illégaux et sont donc souvent rapatriés dans les conditions les plus humiliantes et déshumanisantes.
Le système de permis de travail bahamien met, en fait, l’employée / l’employé dans une position de totale dépendance par rapport à son employeuse / employeur pour tout ce qui est question de travail et de statut légal aux Bahamas.
« Le système de permis de travail est à l’origine du contrôle oppressif des Haïtiens aux Bahamas. Il fonctionne, en effet, comme un système de servitude soutenu par la menace d’emprisonnement et, en dernier recours, de rapatriement » (Art. IV C, par. 1), affirme le rapport Rddh (2004).
Il est d’ailleurs très courant d’entendre la plupart des Bahamiennes et Bahamiens parler de « leur haïtien », c’est-à-dire de leur domestique haïtien.
Comme à l’époque féodale, la plupart des Bahamiennes et Bahamiens possèdent littéralement un serviteur haïtien qu’ils appellent « my Haitian ».
Les domestiques haïtiens, de leur côté, appellent leur employeur « bòs mwen » ou « patwon m » qui signifient « mon patron ».
Il est intéressant de noter que le mot « patron » n’est pas employé par l’Haïtien au sens restreint de simple chef d’entreprise ou de supérieur hiérarchique.
Dans le contexte relationnel entre le Bahamien et l’Haïtien, le mot « patron » est utilisé dans toutes les acceptions du terme, c’est-à-dire non seulement comme chef et modèle, mais aussi et surtout comme « saint patron », un demi-dieu sur terre, ou un seigneur féodal ayant l’autorité suprême et de qui dépendent la sécurité et le bien-être de l’Haïtienne ou de l’Haïtien, que celle-ci ou celui-ci soit en situation irrégulière ou régulière aux Bahamas.
Rappelons que les Haïtiennes et Haïtiens, que Duvalier et ses acolytes envoyaient aux Bahamas, étaient pour la plupart des créolophones unilingues, ignorant, donc au départ, l’Anglais et le Créole bahamiens.
La question de la langue nous intéresse particulièrement, car elle intervient nécessairement dans la relation problématique qui existe entre le patron bahamien et son travailleur haïtien.
La langue, dans ses différents usages, peut servir à dominer et à opprimer, mais aussi à se libérer.
Comme dit Fanon, « il y a dans la possession du langage une extraordinaire puissance » (Fanon, 1952, p. 14).
Comme il existe un fossé linguistique - entre le patron, qui parle le Créole bahamien et l’Anglais, et son serviteur haïtien, qui parle le Créole haïtien, l’un d’eux doit faire l’effort d’apprendre la langue de l’autre.
Jusqu’à récemment, c’était la travailleuse ou le travailleur haïtien qui avait toujours fait l’effort d’apprendre, sur le tas, la langue de son patron.
« Un homme, qui possède le langage, possède, par contrecoup, le monde exprimé et impliqué par ce langage », signale Fanon (Fanon, 1952, p. 14).
L’Haïtienne ou l’Haïtien, qui finit par comprendre le parler bahamien par la force des choses, appréhende, par la même occasion, la réalité des choses de la vie dans la société bahamienne.
Après plusieurs années aux Bahamas, le domestique haïtien, qui parvient à maîtriser le parler bahamien, a acquis le pouvoir de discuter, de négocier, de dire non aux abus et à l’exploitation.
L’employeuse ou l’employeur bahamien, qui n’a pas l’habitude de négocier (d’être humain à être humain) avec sa travailleuse ou son travailleur haïtien, est prêt à tout pour rester en position de pouvoir absolu. Il est même prêt à apprendre le Créole pour pouvoir communiquer avec les Haïtiennes et Haïtiens nouvellement arrivés.
Au lieu de négocier avec les Haïtiennes et Haïtiens déjà sur place, qui maitrisent le parler bahamien, la patronne ou le patron bahamien préfère engager celles et ceux qui sont fraîchement arrivés illégalement, donc plus faciles à être exploités.
C’est cette utilisation, avide d’une main d’œuvre bon marché, qui est à la base des réseaux de trafic d’Haïtiennes et d’Haïtiens, dans lesquels sont impliqués des individus en Haïti, des hommes d’affaires bahamiens ainsi que des agents de la police et de l’immigration bahamienne.
Malgré sa force démographique, la communauté haïtienne établie aux Bahamas est victime d’exclusion et de toutes les formes de discriminations possibles et imaginables.
Accusés d’avoir enfreint les lois sur l’immigration, les migrantes et migrants haïtiens sont constamment soumis à des brutalités policières et sont victimes de violations de leurs droits humains.
Les Haïtiennes et Haïtiens ne sont pas épargnés, même lorsqu’elles / lorsqu’ils sont nés sur le sol bahamien.
Les enfants d’origine haïtienne, nés aux Bahamas, font face à l’intolérance, aux préjugés, au sein même des écoles primaires et secondaires.
Les institutions scolaires, qui sont censées être des lieux d’intégration, ne favorisent pas la cohésion sociale au sein de la société bahamienne. Les droits humains et linguistiques des enfants, appartenant à la minorité haïtienne, y sont bafoués de manière flagrante.
Devant ces graves violations des droits fondamentaux de la plus importante minorité éthique du pays, les Bahamas, en tant que signataire du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 23 mars 1976, se trouvent dans l’obligation de créer un climat de justice, de démocratie et de tolérance au sein de leur société.
Conclusion
La question haïtienne aux Bahamas a toujours été utilisée à des fins politiques. C’est pendant les périodes de campagne électorale que les mesures les plus drastiques sont prises et les rapatriements les plus brutaux tiennent lieu.
L’immigration haïtienne aux Bahamas est perçue par la majorité comme une forme d’invasion pacifique. Cette impression entretient des appréhensions et un anti-haïtianisme, qui rendent très difficile une démarche objective de recherche de solutions aux problèmes issus de cette migration.
« Il y a deux manières d’ignorer les choses : la première, c’est de les ignorer ; la seconde, c’est de les ignorer et de croire qu’on les sait », Victor Hugo (2002, p. 3).
Cette pensée de Victor Hugo résume bien l’attitude de la majorité des Bahamiennes et Bahamiens vis-à-vis des Haïtiennes et Haïtiens.
Étant donné qu’il y a beaucoup d’immigrantes et d’immigrants haïtiens aux Bahamas, les Bahamiennes et Bahamiens ont la ferme conviction de tout savoir au sujet du peuple haïtien. Ne comprenant pas que les Haïtiennes et Haïtiens, immigrés aux Bahamas, ne constituent pas un échantillon représentatif du peuple haïtien, les Bahamiennes et Bahamiens ont tendance à considérer toutes les Haïtiennes et tous les Haïtiens, de la même manière que ceux qui sont clandestinement entrés chez eux.
En dépit du nombre élevé d’Haïtiennes et d’Haïtiens vivant aux Bahamas, il existe - dans pratiquement toutes les couches sociales de ce pays (à 95% de race noire et composé d’anciens esclaves) un manque flagrant d’informations précises sur presque tous les aspects de l’histoire et de la culture haïtienne.
L’ignorance, dont fait preuve la plupart des Bahamiennes et Bahamiens, en tout ce qui touche Haïti, est telle qu’elle engendre toute une série de préjugés et de comportements discriminatoires, jusqu’à l’intolérance et la peur des Haïtiennes et Haïtiens.
Composée en majeure partie de paysans illettrés et de prolétaires des villes côtières du Nord d’Haïti, la diaspora haïtienne aux Bahamas n’est pas bien organisée. Elle est incapable de se mobiliser pour faire pression sur le gouvernement bahamien afin de faire respecter ses droits.
Cette diaspora ne compte aucune figure politique influente pour défendre sa cause.
Le gouvernement haïtien, qui est censé, par le biais de son ambassadeur, protéger les intérêts des Haïtiennes et Haïtiens établis aux Bahamas, ne semble avoir ni la volonté, ni les moyens de le faire.
Livrée à elle-même, cette minorité risque d’être victime d’abus et de mauvais traitements pendant encore très longtemps.
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[1] Ndlr : Frenand Léger, PhD cand.
University of Toronto
frenand.leger@utoronto.ca
L’auteur a vécu aux Bahamas pendant des années, avant d’immigrer au Canada, où il effectue actuellement des études de doctorat.