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Reportage-photo

Haïti-Culture : « Vandredi Pawòl », Vendredi de feu !

P-au-P, 28 mai 2012 [AlterPresse] ---Le vendredi 25 mai 2012, la faculté des sciences humaines de l’Université d’Etat d’Haïti (Fasch/Ueh) a accueilli le spectacle enivrant « Vandredi Pawòl », initiative du Cercle d’études en littérature gramscienne (Sèk Gramsci en créole).

Danses, chansons, voix, tambours, couleurs, lumières, tout y était pour un vendredi de feu, a constaté AlterPresse.

Des étudiantes et étudiants artistes de la Fasch, tels Murielle Morné (sociologie), Hans-Berry Jacques (communication sociale), Ginitte Popotte, Gustave Karl-Henri (travail social), des artistes de renom comme Atchassou (tambour) et Boulot Valcourt (chant) accompagné de sa fille de 10 ans, Bobina Valcourt, ont chauffé à blanc la Fasch pendant environ deux heures.

Organisé tous les derniers vendredis du mois, à la faculté des sciences humaines, sous la houlette de la commission culturelle de Sèk Gramsci, le spectacle « Vandredi Pawòl »se veut « un espace critique où la culture populaire est mise en valeur », indique l’étudiant James Beltis.

Mis sur pied depuis février 2011, « Vandredi pawòl » est un rendez-vous incontournable, où professeures et professeurs, étudiantes et étudiants, personnel administratif de la faculté, et autres personnes se ressourcent dans la culture populaire haïtienne.

Premières étincelles

Les salles du bloc HA de la faculté se vident des derniers étudiants et étudiantes. Des centaines de chaises sont rapidement installées sur le terrain de basket ball.

Draps aux couleurs vives. Rouges, verts, noirs, chapeaux de pailles décorés, lumières, les préparatifs de la scène vont bon train, alors que le dj-psychologue tourne ‘’Lapèsonn’’, version chantée par Boulo Valcourt !

Brusquement, la musique s’interrompt : Atchassou et son tambour prennent place sur la scène.

Un roulement, deux roulements, trois roulements, c’est l’annonce que « Vandredi pawòl » va commencer.

Et le public « qui sait apprécier qui s’agrandit de jour en jour » applaudit !, selon Beltis.

Sans transition, Murielle Morné, étudiante en sociologie, offre la première chanson, une interprétation de « Dwa de lòm, Vye wo » de Joseph Emmanuel (Manno) Charlemangne.

Yeux fermés, elle transporte ses spectatrices et spectateurs au milieu du « batey » avec sa voix sublime. Silence absolu…on savoure, se délecte.

Le feu d’artifices des corps et du rythme

La troupe de danse folklorique Kataboula, dont fait partie l’étudiante en sociologie Ginitte Popotte, gratifie le public d’un spectacle enivrant sur fond de Petro, en passant par le yanvalou et la danse guédé.

Et les tours de reins, et les acrobaties, et les figures.. s’enchainent, en complicité avec le son des tambours et la voix de la « reine chanterelle ».

Andrei Sakharov Cheranzard, finissant en sociologie, se confondant en éloge, dit avoir « momentanément été dans un rêve, ou tout simplement dans un roman mythique, dont les mots n’existent point encore », devant ces « saccades on ne peut plus justes et mesurées » des danseuses et danseurs de Kataboula, « possédés par les dieux de la magie artistique ».

Et même Boulot Valcourt et sa femme Solide ne peuvent plus rester dans les loges. On les retrouve au milieu du public, appréciant ces chorégraphies qui ne peuvent que suggérer quelques pas à la spectatrice et au spectateur.

Applaudissements, refrains repris en chœur par le public ahuri sont les réponses de satisfaction.

Il fait chaud, les spectateurs-acteurs sont très excités. Il faut les calmer.

Et c’est Hans-Berry Jacques (communication sociale), premier gagnant du concours sur le drapeau organisé par la fondation Éric Jean-Baptiste avec « kanpe pou drapo w », qui s’en charge et rappelle que la jeunesse doit retrouver l’espoir.

Il est tard. On approche de 8:00 pm (1:00 am gmt].

La danse reprend avec Nathania Péricles, danseuse de la troupe culturelle de Sèk Gramsci.

Pourtant, Kataboula semble voler la place de choix, du moins, pour ce 25 mai 2012, de l’agile danseuse dans le cœur des étudiantes et étudiants.

Le public n’a pas trop réagi, impatient sans doute d’accueillir Boulot Valcourt, l’invité d’honneur de la soirée !

Une pépite dans la nuit…

8:25 pm. Boulot Valcourt, chemise jaune, pantalon marron, avec son calme habituel, monte en scène et accorde sa guitare.

Quelques accords…

Boulot ne chante pas, mais demande un accueil chaleureux pour une invitée spéciale : une fillette dans la dizaine, de jaune vêtue, cheveux aux vents.

« Latibonit O », les premières notes, sorties de cette jeune bouche, laissent le public en admiration et qui n’a qu’à se suspendre à ses lèvres.

Une voix juteuse, diraient certains.

Jusque-là assis, le public se rapproche de la scène et…téléphones, caméras, magnétophones sont brandis pour immortaliser la prestation de Bobina Valcourt !

Après la première interprétation, le public en redemande, comme dans une manifestation de rue, scandant : « Pi piti pi rèd ! »

Cheranzard reconnaitra en elle, une « mature adolescente [avec] une identité et une voix de diva, un mélange bizarre d’Emeline(Michel), de Netty et d’une fine goutte de Lara Fabian ».

L’apprenti-sociologue se laisse aller au lyrisme.

« Elle a réussi tous les coups ; ‘’lapèsonn’’, ‘’mwen vle viv nan peyi m’’, ‘’yoyo’’. Enfin.. tant de musique, de poésie, de finesse, de charme, d’espérance, de magie, d’attraction ; bref, de surnaturel, traduits ou rendus humains par la voix d’une enfant mature et terrible, espoir de la musique du monde », estime-il.

Et finalement, c’est la voix grave de Boulot, dans une chanson empreinte de jazz « fè van pou mwen », qui jettera un peu de fraicheur sur ce public enflammé, qui part, regrettant la fin du spectacle, mais se donnant rendez-vous pour le dernier vendredi du mois de juin 2012.

« Vandredi Pawòl » la cour des grandes et des grands !

« Comme premier pas dans la longue marche pour la mise en place d’un espace culturel alternatif », Vandredi Pawòl promeut les « jeunes talents » et tous les artistes en général « qui produisent dans le sens du respect des valeurs culturelles locales », explique James Bletis du Sèk Gramsci.

De grands noms des musiques populaires haïtiennes y ont déjà participé : Jean Coulanges, Erol Josué, Sanba Zao, Doc Filah, James Germain, Atelier Toto B, etc.

Le public, très attaché aux valeurs culturelles et à la culture populaire elle-même, se montre du reste très pointilleux sur certains sujets.

A l’issue du spectacle du 25 mai 2012, l’une des animatrices est critiquée pour sa tenue notamment, jugée non conforme.

La co-animatrice de la soirée doit s’efforcer à « parler un créole correct et s’habiller haitiennement » à la plus prochaine sortie de l’activité, recommande une étudiante en travail social qui se dit « fane convaincue du populaire ». [efd kft rc apr 28/05/2012 14:00]