P-au-P, 28 mai 2012 [AlterPresse]--- Les pratiques de corruption et d’impunité en Haïti n’ont pas changé sous l’actuel gouvernement du chef de l’État, Michel Joseph Martelly [depuis son investiture le 14 mai 2011] par rapport aux pouvoirs antérieurs, déplore le secrétaire exécutif de la plateforme des organisations haïtiennes de défense des droits humains (Pohdh), Antonal Mortimé, qui intervenait à une émission de débats politiques "Ranmase" (samedi 26 mai 2012) sur la station de radio privée (Caraïbes FM) de la capitale.
« Il y a même des aspects qui deviennent plus critiques en matière de droits humains », souligne Mortimé à cette émission, où a été abordée le dernier rapport (publié le jeudi 24 mai 2012) du département d’État étasunien sur la situation des droits humains dans les pays qui reçoivent de l’assistance internationale.
Selon ce rapport 2011, les abus des pouvoirs exécutif et judiciaire, y compris les exécutions extrajudiciaires par les fonctionnaires de police et le gouvernement, les exploitations sexuelles par des membres de la Mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah) sur de jeunes Haïtiennes et de jeunes Haïtiens, la corruption chronique (grave dans toutes les branches du gouvernement), sont les principaux écarts observés dans les pratiques de droits humains en Haïti.
« La torture et le recours excessif à la force contre des suspects et des détenus, la surpopulation carcérale, le manque d’assainissement des prisons, la détention préventive prolongée, une magistrature inefficace, peu fiable (…), viol, violence et discrimination sociale contre les femmes , violence envers les enfants, la traite des êtres humains », sont, entre autres, des problèmes signalés.
« Je pense que, pendant les douze (12) mois de Martelly 914 mai 2011 - 14 mai 2012) à la tête du pays, beaucoup auraient pu être réalisés. Mais, pour y arriver, il devrait y avoir une volonté politique réelle tendant vers la route du changement et du respect des droits humains », indique le secrétaire exécutif de la Pohdh, Antonal Motimé, reconnaissant que la violation de la justice et des droits humains ont empiré.
L’État devrait prendre des mesures favorisant la bonne marche de la justice et la lutte contre les inégalités sociales, déplore t-il.
Pendant les douze (12) premiers mois de Martelly, très peu a été effectué, critique la Pohdh, citant en exemple la réalité dramatique dans les quartiers populaires et les sections communales, les conditions des familles déplacées dans les camps, l’absence d’infrastructures adéquates de santé.
« Le rapport du département d’État américain est accablant », signale, pour sa part, le politologue Jean Baptiste Remarais qui participait, le dimanche 27 mai 2012, à l’émission Pi lwen, Pi fon (Plus loin, plus profond), diffusée sur la radio privée Vision 2000.
Remarais voit Haïti comme un pays ayant perdu toutes ses forces et toute sa vitalité institutionnelle.
« Le plus accablant, c’est qu’on ne sent pas qu’il y aura prise en charge institutionnelle » suite à ce rapport, estime le politologue.
« Les étrangers ne nous ont jamais bien vus. Ce n’est pas aujourd’hui, quand les choses vont mal, qu’ils vont nous voir autrement », pense Remarais, qui entend analyser ce rapport sous un angle néocolonialiste.
« Nous sommes arrivés à un moment où nous devons mieux nous regarder pour offrir une autre image du pays : une image d’institutionnalisation des pratiques à l’interne », recommande t-il, déclarant qu’un État responsable repose sur des piliers, comme l’édification des institutions, la moralité, l’empathie.
Un autre intervenant à cette émission sur Vision 2000, l’avocat Stanley Gaston, avance, de son côté, que le rapport dit vrai en ce qui concerne les pratiques de violation des droits humains en Haïti, reconnaissant que le pays a une tradition autoritaire, de violation des droits humains et de corruption.
« Ce rapport nous a mis à nu, en montrant nos laideurs », soutient l’avocat, prenant l’exemple de la situation de détention préventive prolongée dans les prisons en Haïti, où les détenus sont empilés les uns sur les autres comme des harengs en caque, des personnes dans des boites de sardines.
Le comportement des parlementaires qui se laissent acheter, l’effritement des valeurs au niveau du gouvernement, de la justice, aggravent la situation de l’année 2012, d’après Stanley Gaston qui dit constater que le pays évolue dans une situation d’impunité à nulle autre pareille.
Un ensemble de questionnements doit être posé, avant toute analyse de ce rapport relatif à la situation des droits humains en vue d’en éviter une étude erronée, comme : « Pourquoi ce rapport ?, quels types de personnes ont préparé ce rapport ? », préconise l’avocat Osner Févry, qui intervenait à l’émission "Ranmase", ce weekend, aux cotés, du secrétaire exécutif de la Pohdh, Antonal Motimé.
« Il faut analyser ce [rapport] comme un document qui reflète la perception de l’école américaine. C’est de cette façon que le gouvernement de Barack Obama [le président américain] et Mme Clinton [la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton] voient la question des droits humains dans le monde et la gouvernance politique dans les pays étrangers par rapport à leurs intérêts », fait savoir Févry, qui croit que cette logique s’inscrit dans la vision des États-Unis d’Amérique (vis-à-vis du reste du monde) de diriger et de contrôler le monde.
« La question des droits humains est une invention de la politique américaine pour récompenser des amis et, en même temps, indiquer ses ennemis », fait-il remarquer.
« Vous ne verrez jamais, en grande manchette, que les droits humains sont violés en Allemagne, Grande Bretagne, au Canada, parce que ce sont des amis, alliés [des États-Unis] », avance l’avocat.
Toutefois, Févry affirme reconnaitre, en partie, l’importance du rapport comme un document à consulter pour comprendre la situation de son pays en ce qui concerne les questions des droits humains. [emb kft rc apr 28/05/2012 9:49]
Consulter +
