Par Roody Edmé *
Spécial pour AlterPresse
Qu’est-ce qui peut bien faire la différence entre la déclaration de politique générale du Premier ministre ratifié Laurent Lamothe et celle de Gary Conille ? Ou de celle de n’importe quel Premier ministre précédent ?
A chaque fois, il nous est présenté tout un programme paré de tous les attributs de la séduction ; lorsque brusquement se glissent, dans cette mécanique apparemment bien huilée, les vieilleries de la politique à l’haïtienne et patatras, on repart dans le cercle vicieux des crises de gouvernance.
La politique ici est pareille au mât de cocagne. Les prétendants au sommet finissent toujours par glisser au ras du poteau.
La déclaration de politique générale, en dehors de la noblesse d’être une exigence constitutionnelle, apparaît trop souvent comme un long discours sur un quelconque arbre à palabre.
C’est un document lourd. Un pavé que l’on présente, à tour de rôle, aux deux chambres dans une sorte de rituel « sacré », parce que constitutionnel, mais vide de sens par rapport aux réalités d’un terrain politique et social miné.
Les « bonnes intentions » de Gary Conille ont été flinguées dès le départ par les méfiances et les luttes claniques.
Les déclarations d’intention ne vaudront rien si on ne se donne pas les moyens de faire atterrir les projets les plus lunatiques qui, au grand dam de nos espérances sociétales, finissent toujours par des « crash » plus ou moins spectaculaires, laissant le peuple haïtien ruminer misère et impuissance.
Or, chaque fois que l’on échoue aussi lamentablement, en raison de nos parties de poker menteur, on creuse, un peu plus, l’abîme entre le peuple et ses dirigeants, entre les bonnes intentions et l’enfer du quotidien.
On banalise un peu plus la politique et on encourage le marronnage populaire et la débrouillardise comme moyen de survie. Déjà au 19e siècle, les paysans avaient fui, dans les mornes, le projet anti-national des élites, vivant désormais en « dehors » de tout.
Depuis 1986, ils ont voulu reconquérir l’espace politique et ont mené une lutte sans répit pour des droits fondamentaux qu’on leur accorde au rabais.
Le Premier ministre Laurent Lamothe annonce qu’il va procéder autrement et que sa déclaration de politique générale ne sera pas un nouveau mirage politique.
Il parle de mettre en place un chronogramme d’activités avec un échéancier clair. Des Conseils des ministres retransmis en direct et décentralisés. Si ce n’est pas encore une opération de « com », cela peut faire une différence dans la manière habituelle de procéder de nos femmes et hommes d’ État.
Mais, il faudra aussi résoudre les lenteurs dans l’absorption des projets par un État aux lourdeurs bureaucratiques avérées, capables de mettre sous éteignoir les initiatives les plus enthousiastes. Il faudra contourner les pare-feu, censés empêchés les pratiques de corruption, mais qui, en fait, ne les rendent que plus sophistiquées.
Il faudra bref réussir l’impossible, y compris contre les forces d’inertie propre au nouveau pouvoir.
Mais, la fatalité n’est pas fille de l’Histoire et le moment de vérité a sonné pour cet ancien sportif qui prétend vouloir jouer la balle au… fond de court.
* Éducateur, éditorialiste