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21 mai 2000 - 29 février 2004, 1350 jours de crise

La démission d’Aristide s’applique à tous les organes issus du 21 mai 2000

Soumis à AlterPresse le 25 mars 2004

Par Hérold Jean-François [1]

La démission et le départ du pays le 29 février dernier de l’ex-Président Jean-Bertrand Aristide a mis fin à la crise politique ouverte avec les élections du 21 mai 2000 génitrices directes des élections atypiques du 26 novembre 2000.

Il va sans dire que la démission et le départ du pouvoir de Jean-Bertrand Aristide s’étend à tous les organes issus des élections contestées du 21 mai 2000 qui ont empoisonné la vie nationale pendant 1350 jours.

Aussi, quand l’ancien Président signa sa démission et s’envola vers une destination inconnue au moment du décollage de son avion, Haïti venait d’obtenir ce que les lavalassiens lui avaient refusé pendant ce long laps de temps, c’est-à -dire, la fin de l’aventure du 21 mai 2000 et de son cortège de malheurs.

En remplaçant Aristide, le même jour, à la tête de l’Etat, selon les dispositions de l’article 149 de la Constitution, le Juge Boniface Alexandre arrivait au pouvoir dans un pays libéré des organes contestés qui nous ont causé tous les torts que l’on sait, qui ont avili l’Etat, donné l’absolution au pouvoir pour toutes ses dérives, complices actifs de tant de vies fauchées, associés à la corruption rampante, au gaspillage et détournement des deniers publics et cautionnant toutes les dérives totalitaires du Président Jean-Bertrand Aristide plongé sans aucun frein dans la mégalomanie.

Le passé au présent ?

Le régime politique né des élections contestés du 21 mai 2000 appartient à notre passé. Vivre le passé au présent, relève de la fiction. Jean-Bertrand Aristide, parce qu’il n’a pas compris que rien ne peut arrêter la marche ascendante de l’histoire, parce qu’il nageait à contre-courant de l’histoire en voulant instaurer une dictature anachronique, l’ancien Président a dû laisser, bon gré mal gré, la scène politique haïtienne. Ses émules qui semblent n’avoir rien compris et qui sans honte aucune continuent à se réclamer du Sénat contesté, doivent regarder dans la direction de leur chef, pour se réveiller et comprendre la nouvelle réalité haïtienne dans laquelle ils ne sont que des thuriféraires de l’ancien régime honni.

Le Parlement, objet de la crise

Le Parlement contesté a été l’objet de la crise, parce que fruit illégal des magouilles du 21 mai 2000 pour prendre d’assaut le pouvoir et instaurer un régime de non droit et de terreur. Lavalas disait à l’issue du 21 mai 2000 et des contestations de la part de l’opposition et de la communauté internationale " les élections du 21 mai 2000 ne sont pas négociables" "nou pran’l nou pran’l nèt".

Qu’y pouvions-nous ? Subir ces organes contestés et dénoncer la fraude, mobiliser la nation pour réclamer l’annulation des élections contestées du 21 mai 2000. Malgré l’implication de la communauté internationale, plus d’une vingtaine de missions de l’OEA, trois résolutions dudit organisme, des missions de "haut niveau’’, Aristide et les lavalassiens s’accrochaient mordicus à leurs biens mal acquis, le Sénat et la Chambre des Députés.

Les événements qui allaient perturber la nation pendant près de quatre années seront remplis d’échos de multiples laideurs impliquant certains de ces indignes représentants de la nation au parlement lavalassien contesté. Crimes, assassinats, enlèvements, vols, spoliation, dépossessions illégales, kidnappings, associations de malfaiteurs, trafic d’influence, trafics illicites, abus de biens sociaux, la liste est longue et pas un jour que l’une ou l’autre de ces autorités contestées ne soit liée à un scandale ou à un comportement indigne de leur fonction usurpée.

Sans aucune pudeur, sans rechigner et des fois de façon consentante, les chambres législatives contestées assistaient sans mot dire à tous les excès du régime. Ils cautionnaient tout, mesdames, messieurs les sénateurs et députés contestés. Mieux, ils ne se gênaient pas des fois de justifier l’injustifiable. 28 juillet 2001, 17 décembre 2001, 2 août 2002 (prise d’assaut de la prison des Gonaïves pour libérer Amiot Métayer), 14 novembre 2003 (attaque de la manifestation des 184 au Champ de Mars), 5 décembre 2003 (carnage à la Faculté des Sciences Humaines et à l’INAGHEI), aucune réaction et du Sénat et de la Chambre des Députés contestés en tant que corps constitués de l’Etat. Pire, dans certains de ces faits on a impliqué directement des parlementaires contestés. Les autres applaudirent ces actes, dans des déclarations à la presse. Le pays, face à ces violations graves contre ses citoyens et ses institutions n’a pas entendu la voix outrée des Chambres législatives. C’est comme si elles n’existaient pas. Pourquoi alors elles devraient l’être aujourd’hui qu’elles font partie de notre passé, de nos mauvais souvenirs ?

Lavalas ne voulant pas lâcher prise, la crise a tellement duré, sans que l’on s’en soit rendu compte, le mandat volé des députés contestés est arrivé à terme. Ils ont pleinement mangé le fruit défendu.

"Singulier petit pays"

Haïti mériterait à juste titre son épithète de "singulier petit pays", si à la fin d’une crise qui lui a causé tant de déboires et tant de retards sur la voie de la consolidation du processus démocratique, il devait, contre toute logique, conserver comme trophée, l’objet de la crise. Depi kilè koukou te renmen frize konsa pou li rele pitit li frizelia ?

Le régime lavalas, au lieu d’annuler les élections du 21 mai 2000 et d’en convoquer de nouvelles, conformes aux attentes du pays et de la communauté internationale, a préféré entrer nous plonger dans une crise sans précédent, quitte à payer le prix fort, la perte de "son pouvoir". En quoi consistait alors le pouvoir de Jean-Bertrand Aristide ? Le contrôle du Parlement et de toutes les instances de pouvoir, la Justice, la Police etc. La démission de l’ex-Président a ouvert la voie à une nouvelle réalité politique, une situation nouvelle qui a expurgé le pays de toutes les composantes de la crise, à savoir, la présidence de Jean-Bertrand Aristide, le Parlement contesté, la direction indigne de la Police Nationale, les organes officiels et de fait alimentant la violence institutionnalisée et tous les ingrédients lavalassiens de la crise.

Le pays a payé le prix fort pendant toutes ces années pour entretenir un Parlement mal élu. L’existence de cette entité contestée nous a fait perdre comme nation, toutes les opportunités quant au progrès économique et social. L’avènement de ce parlement dans les conditions que l’on sait a divisé la Nation et a détruit ses faibles bases. Bref, le parlement contesté, c’était la crise, l’objet principal de la crise qui du fait du refus du pouvoir de refaire les législatives contestées a bloqué la marche normale du pays mis au ban de la communauté internationale.

Une centaine de parlementaires contestes contre huit millions

Pour une centaine de parlementaires contestés imposés à la nation contre son gré, pendant environ quatre années, huit millions de citoyens ont dû accepter de mal vivre en s’imposant toutes sortes de souffrances et de sacrifices. Haïti, entre temps, accumulait des retards par rapport à ses voisins et au reste du monde qui s’immisçait avec plaisir dans ses déboires. Avalas, dans son aveuglement et sa soif de pouvoir nous a imposé la loi de nos petits frères de la Caraïbe, les errements de l’OEA, le blocage de l’aide internationale si indispensable au pays et surtout aux besoins des plus démunis, le tout agrémenté d’une violence et d’une terreur d’Etat dans un environnement d’enfer. Le pouvoir de Jean-Bertrand Aristide a coûté à notre pays, sur moins de dix ans, la confiscation à deux reprises, de sa souveraineté. Livrant Haïti à ses hordes déchaînés qui pillent, rançonnent, tuent et assassinent, provoquant à la nation des pertes dont nous ne relèverons pas sur les dix prochaines années, lavalas a voulu que ce soit, une fois de plus, une fois de trop, l’étranger qui s’interpose entre nous, n’ayant laissé aucune chance à un compromis national.

C’est du passé

Depuis le 29 février 2004 à 6:31 AM, Haïti a tiré un trait sur le pouvoir lavalas dans son ensemble. Dans ses malles, l’ancien Président a emporté la crise. Et les Haïtiens, à peine crédules, après une nuit d’insomnie remplie de rumeurs véhiculées par le téléphone, venaient, une fois de plus, de se libérer de la dernière tyrannie, à date, de son histoire. Fasse le ciel que ce soit la dernière !

De même que le CNG du Général Namphy, le 7 février 1986 n’avait pas prêté serment devant la Chambre législative j’approuve du pouvoir duvalierien, parce que caduque, de même, le Président provisoire Boniface Alexandre n’a pas prêté serment devant le sénat lavalassien, pour les mêmes raisons. Le Premier Ministre Gérard Latortue, non plus, n’a pas fait de déclaration de politique générale devant le sénat lavalas contesté.

Un régime d’exception

Mieux, le processus ouvert avec la démission de l’ex-président haïtien, outre le fait que l’article 149 de la Constitution a été appliquée quant à la succession d’Aristide, est tout à fait exceptionnel. Le Premier Ministre Latortue a été désigné par un Conseil des Sages lui-même désigné par un Comité Tripartite organes issus des derniers accords politiques précédant la démission de Jean-Bertrand Aristide. Ce dernier, lui-même, en adhérant à ces accords, n’avait-il pas déjà consacré la caducité de ce qui restait du Sénat contesté ?

Audace sans vergogne

Les derniers spasmes sans vergogne des sénateurs contestés relèvent de l’audace qui caractérise les tenants de l’ancien régime. Ils veulent imposer à la Nation un appendice de la crise alors que la crise du 21 mai 2000 est bel et bien finie. Ladite crise est née avec le 21 mai 2000.Quel était son objet ? Le parlement dont on a exclu les autres courants politiques par une fraude électorale massive. Toutes les institutions contestées issues des élections frauduleuses sont épuisées avec la démission de Jean-Bertrand Aristide qui s’étend à elles.

Le 30 septembre 1991, l’Armée, au vu de la toute légitimité de la 45ème. Législature a dû tenir compte du Parlement. Les militaires n’avaient pas le choix, car le Parlement servait en plus de caution à leur thèse de "correction démocratique". Les élections du 21 mai 2000 n’ayant pas été l’expression de la volonté populaire librement exprimée, n’ayant pas été refaites comme il convenait de le faire, ayant été imposées à la nation par la force, le parlement contesté n’a jamais eu de légitimité.

N’est-ce pas cela qu’a compris Dany Toussaint pour tirer sa révérence avant que la nation outrée ait eu besoin de montrer la porte à ceux-là qui lui ont imposé toutes ces souffrances pendant environ quatre années ?

Le régime né des élections contestées de mai 2000 et de leur corollaire du 26 novembre 2000 a vécu. Les historiens se chargeront de consigner les pages du 21 mai 2000 pour enseigner aux futures générations tout le mal qu’un groupe de citoyens a fait à la Nation à l’aube du nouveau millénaire quand ils pensaient que la dictature était le meilleur choix pour Haïti.

En attendant, les sénateurs contestés ne peuvent pas prétendre, après avoir prêté leur visage au cauchemar de ces dernières années, faire également partie de notre nouveau rêve. Le cauchemar qu’ils représentaient a pris fin le 29 février 2004. Et le pays, traumatisé à cause de leurs multiples forfaits, revendique aujourd’hui le droit de rêver pour de bon, de rêver de belles choses, pas de poursuivre le cauchemar.

Incapacité du Sénat à moins de deux-tiers (18 sénateurs) [2]

Sans entrer dans les analyses de l’incapacité du Sénat à moins de deux tiers, c’est-à -dire dix-huit (18), parce qu’inutile d’argumenter sur un élément du passé, nous disons pour conclure : Le Parlement contesté objet de la crise ouverte le 21 mai 2000 ne peut pas continuer d’exister quand la crise elle-même a pris fin avec la lettre de démission et le départ du pays de l’ancien Président.

Par ailleurs, si c’était nécessaire de le rappeler, considérant que depuis ces deux dernières années il n’y a pas eu d’élections pour renouveler le tiers du Sénat, du corps proprement dit, si la crise n’était pas déjà résolue, il ne resterait en tout et pour tout aujourd’hui, que les sénateurs contestés "élus" pour six ans et qui n’avaient pas démissionné. Nous parlerions alors d’environ neuf personnes et non de quinze comme on le prétend. Les choses étant ce qu’elles sont, les carottes étant cuites c’est perdre notre temps que de ressasser le passé, un passé d’ailleurs de si mauvais souvenirsÂ…


[1Journaliste, Directeur de Radio Ibo à Port-au-Prince

[2Selon l’article 95-3 de la Constitution de 1987, le Sénat se renouvelle par tiers tous les deux ans. Les deux tiers restant ayant pleine capacité pour faire fonctionner le grand corps. Le quorum étant de 15 au Sénat de la République, en attendant la campagne électorale et l’entrée en fonction du nouveau tiers, les dix-huit membres restant, ont toute la légitimité requise quant aux actes de cette chambre. Dans tous les cas ordinaires prévus par la Constitution, le vote se fait à la majorité des membres présents, le quorum régulier une fois obtenu. Même dans les autres cas exceptionnels comme la mise en accusation du Président de la République par la Haute Cour de Justice, ou le processus d’amendement de la Constitution où la majorité des deux tiers est requise, le Sénat ne serait pas handicapé quand seulement deux tiers de ses membres ont un mandat valide Dans pareille situation, ce serait cependant très risqué, car toute absence ou désistement de l’un des Sénateurs rendrait le vote impossible.

Dans le cas contraire, étant donné que tout artifice pour réduire le quorum à moins de quinze est inconstitutionnel (voir article 116 et 117), le Sénat à moins de deux tiers n’entre pas dans les cas de figure prévues par la Constitution. Les Sénateurs contestés ont déjà montré à la nation toute la mesure de leur indécence, quant à la production de forfaiture. Lorsqu’ il s’agissait de voter une résolution préconisant l’amendement de la Constitution à la dernière séance de la 47ème, législature, on a eu droit à leurs pirouettes inconstitutionnelles. Devant l’impossibilité d’obtenir le quorum, vu le désistement de plusieurs de leurs collègues contestés, sous la houlette de Yvon Feuillé le président du Sénat contesté, référant à une jurisprudence du très grand maître Déjean Bélizaire pendant la période du coup d’Etat, le quorum a été réduit tout bonnementÂ…