P-au-P, 14 mai 2012 [AlterPresse] --- « Les choses peuvent être complexes mais non impossibles. Je vais continuer à me battre pour la reconstitution de l’armée. Il faut une force armée alternative à la Police nationale d’Haïti. Tout le monde voit la nécessité d’avoir une seconde force. L’idée est qu’elle doit être bien faite. »
C’est en ces termes que le président de la république, Michel Martelly est intervenu à l’émission moment vérité (En kreyol : Moman Verite) diffusée au cours du weekend écoulé sur la radio privée Signal f.m.
« L’occupation des espaces par les anciens militaires crée un doute chez les gens qui voulaient m’accompagner dans mon mouvement de mise en place d’une force armée », regrette le chef de l’État, signalant la complexité de la situation.
« L’armée doit défendre les intérêts économiques du pays », précise Martelly en rappelant avoir promis dans sa campagne une armée moderne ayant une nouvelle mission qui est d’aider à sauver des vies lors de séismes, protéger les cotes, les frontières et l’environnement d’Haïti.
Indiquant n’avoir jamais parlé de remobilisation des anciens militaires, le chef de l’État affirme reconnaitre qu’aucun pays ami d’Haïti n’encouragera la mise sur pied d’une armée semblable à celle qui existait dans le passé, en faisant référence aux anciennes forces armées d’Haïti qui faisaient de la politique et qui ne respectaient pas leur mission.
Toutefois, il précise qu’Haïti est un « pays indépendant, souverain », qui a le pouvoir de prendre les décisions voulues pour sa destinée, en ce qui concerne, notamment, la reconstitution des forces armées d’Haïti.
Depuis quelque temps, des groupes d’anciens militaires, revêtus d’uniformes spécifiques, ont investi d’anciens campements des défuntes forces armées d’Haïti en divers points du territoire, notamment dans la municipalité de Carrefour (au sud de la capitale, département de l’Ouest), aux Gonaïves (Artibonite / Nord) et au Plateau Central (Est/Nord-Est).
Plusieurs de ces anciens militaires ont été démobilisés en 1995 sous l’administration du président Jean-Bertrand Aristide.
Malgré l’appel lancé par le président Michel Martelly à ces hommes armés leur demandant de déposer les armes, le « commandant de la 46e compagnie des Forces armées d’Haïti (Fad’h) », installée dans l’ancien campement militaire de Lamentin (périphérie sud) affirme qu’ « aucun revirement ne sera fait. Ce sera l’armée ou la mort ».
Par contre, plusieurs des supposés anciens militaires de la Croix-des-Bouquets (nord de la capitale) ont décidé, le mardi 8 mai, de déposer les armes suite à l’appel du chef de l’État tout en souhaitant la publication de l’arrêté présidentiel consacrant officiellement le retour des anciennes Forces armées d’Haïti.
Intervenant sur ce dossier à l’émission « Plus loin, plus profond » (En kreyol : Pi lwen, Pi fon), diffusée sur la radio privée Vision 2000, le politologue Gracien Jean pense que les autorités de l’État n’assument pas leurs responsabilités dans cette affaire, en particulier le chef de l’État (qui en est le premier vrai responsable) ainsi que le ministère de l’intérieur.
Où ces militaires trouvent-ils leurs uniformes et leurs armes ?, se demande le politologue.
La simple injonction du chef de l’État, appelant les hommes en treillis militaires à déposer les armes, est une démarche incorrecte, selon lui.
Conseillant le dialogue, le consensus et le compromis comme solution à ce problème, Jean pense que cette situation chaotique n’est pas propice à l’investissement et ne donne aucune garantie aux étrangers.
« Les autorités établies doivent endosser les décisions prises », recommande t-il au président de la République.
« L’imposition par les militaires de leur volonté est incompatible à la démocratie que nous voulons construire », martèle, pour sa part, Alix Richard, avocat et membre de la Fusion des sociaux-démocrates haïtiens, indiquant que personne ne doit jouer avec l’autorité de l’État.
Richard avance que les personnes faisant partie des troupes armées qui occupent les espaces publics dans diverses régions du pays se sont disqualifiées automatiquement par leur comportement et ne sont pas aptes à faire partie d’une force armée.
« Il est fondamental de restaurer l’autorité de l’État », croit-il.
Cette désobéissance, affichée par ces supposés anciens militaires, résulte d’un manque de leadership, critique, de son coté, l’économiste Kesner Pharel, qui pense que le problème de la mise en place des forces armées d’Haïti a été mal posé, au départ, par le chef de l’État.
« Le manque de monopole de la violence répressive par l’État dérange, c’est une forme de faillite, c’est une mauvaise gouvernance », déplore Pharel, faisant remarquer que l’État a une série de monopoles, dont celui de la répression, qu’il ne doit pas partager.
« Il ne faut pas être émotionnel quand on est leader politique », conseille t-il.
Par ailleurs, évaluant les 12 mois de gouvernance de Martelly (mai 2011- mai 2012), l’économiste déclare que le président de la république a gaspillé son capital politique au cours de sa première année au pouvoir,
Ce gaspillage est dû à son ingérence dans des conflits inutiles, comme ceux liés à l’arrestation du député Arnel Bélizaire.
Il ne suffit pas d’envoyer les enfants à l’école, affirme Kesner Pharel, qui croit que l’éducation gratuite de Martelly doit s’étaler sur le long terme en prenant aussi en compte le taux de déperdition scolaire, la formation des maitres et la qualité de l’école. [emb kft gp apr 14/05/2012 12 : 10]