Español English French Kwéyol

Rétrospective avril 2012

Haïti-Conjoncture : Après la pluie, le silence…

Par Karenine Francesca Théosmy

P-au-P, 7 mai 2012 [AlterPresse] --- C’est le silence après la mort de 16 personnes dans des inondations et des glissements de terrain, au terme d’un mois d’avril 2012 assez intense en activités de pluie, relève l’agence en ligne AlterPresse.

Silence des autorités et du pays entier, qui, malgré une dégradation évidente et inquiétante de l’environnement, continuent obstinément à compter leurs cadavres, sans broncher.

Seize morts, cela représente peut-être un chiffre négligeable à côté des décès enregistrés lors du séisme de 2010, ou des inondations en 2004 et 2008. Mais, avec aussi un millier de familles sinistrées et 3 400 familles sinistrées du séisme affectées, ce mois d’avril 2012 aura démontré l’existence d’une catastrophe qui, si elle n’a pas le caractère soudain d’un séisme, tue tout même férocement, à la petite semaine.

Pendant que le choléra tend à remonter, en divers points du territoire national (une des conséquences des pluies). la plupart des routes sont défoncées, emplies de boue, dans la zone métropolitaine de la capitale Port-au-Prince.

Différentes municipalités, divers quartiers sont complètement inondés.

Les médias se font l’écho de SOS des habitants, notamment de Pernier ou de Tabarre. Mais, à ces SOS, s’oppose un silence.

A l’aube d’une conférence internationale sur le climat (Rio +20, en juin 2012), Haïti a, plus que jamais, son mot à dire, mais aussi des actes à poser.

Le tout reste de savoir comment, puisque la volonté seule ne suffira pas pour relever un défi de la proportion des désastres environnementaux potentiels.

Depuis l’arrivée de Michel Martelly au pouvoir le 14 mai 2011, gouvernement rime avec soubresauts politiques.

Il y eu ce vide avant la tempête…

Ce n’est que le 3 mai 2012, après le vote de la chambre des députés, que le pays a pu enfin se doter d’un premier ministre, Laurent Salvador Lamothe.

Cependant, une bonne partie du mois d’avril a été dominée par le vide gouvernemental (qui reste d’ailleurs encore à combler), notamment avec la maladie soudaine du président Joseph Michel Martelly qui s’est absenté, durant deux semaines du pays (du 16 au 30 avril 2012) pour se faire soigner aux États-Unis d’Amérique.

Durant ces deux semaines, l’opinion, fébrile, tente de trouver explications et solutions au vide gouvernemental laissé par un président, affaibli officiellement à cause d’une embolie pulmonaire.

Cette maladie est, en fait, arrivée à un moment crucial : à la veille de la première année de mandat de Martelly, alors qu’un scandale de corruption le met en cause et que la grogne monte au sein de la Police nationale d’Haïti (Pnh).

Las d’être la cible des bandits, quand la justice se montre lente à faire son travail, des policiers nationaux lancent une grève le 23 avril.

A Carrefour (municipalité su sud de la capitale), la tension est énorme, le transport paralysé. Des tirs nourris réveillent certains quartiers, des tirs qui seront entendus durant toute cette fameuse journée du lundi 23 avril 2012.

Si le nombre de victimes d’armes à feu chute officiellement, comparativement au bouillant mois de mars 2012, la criminalité a, tout de même, été au cœur des préoccupations. Et les policiers au cœur des attaques. En avril, pas moins de 5 cinq policiers ont été assassinés, selon les autorités.

Le manuel du personnel de l’institution interdit la grève aux policières et policiers nationaux.

Rapidement, la hiérarchie de la Pnh rappelle aux agents l’obligation de toujours rester bien plantés dans leurs bottes. Elle en profite pour nommer le 24 avril, un nouvel inspecteur général, Abner Valmé, qui remplace Fritz Jean, démissionnaire depuis septembre 2011.

Martelly, le parlement et la presse : des noces rebelles

Dans un message audio, peu avant son retour, Michel Martelly lance des mises en garde, lesquelles laissent présager un durcissement et des sanctions.

A son retour le 30 avril, il prêche plutôt la bonne entente avec le parlement, l’union au sein de la nation. Lui, qui est souvent agressif envers des journalistes, a aussi des mots sympathiques envers la presse.

Trois jours après ce discours, soit le 3 mai 2012 (journée internationale de la liberté de la presse), il invite les patrons de médias, dans une rencontre au palais national.

A ce moment, le ton change imperceptiblement.

Michel Martelly évoque « des malentendus et des mésinterprétations » pour évoquer son attitude envers la presse.

Selon lui, les partons de médias sont « plus madrés » que lui en politique. Placée sous le signe de l’ouverture, la rencontre tourne vite au show, et le président se mue en un donneur de leçons.

Quant à ses relations avec le parlement, elles semblent, fin avril 2012, être devenues moins tendues. En témoignent la présence des présidents des deux chambres, à son arrivée à l’aéroport international le 30 avril, et même le vote favorable des députés à son premier ministre le 3 mai.

Après la chambre basse, le sénat vote le budget national, mettant fin aux hésitations, contredisant les dénonciations d’irrégularités de la commission sénatoriale sur les finances.

Au final, dans ce budget de 121 milliards de gourdes (US $ 1.00 = 42.00 gourdes ; 1 euro =61.00 gourdes aujourd’hui), 105 milliards iront à l’Exécutif. L’université d’État d’Haïti a obtenu 60% de plus sur l’enveloppe, précédemment allouée, soit 350 millions de gourdes.

Pourtant, au début du mois d’avril, le pays était bien parti pour une nouvelle crise entre Exécutif et Législatif.

Le 17 avril, un groupe d’hommes, armés et en treillis militaires, font une apparition surprise aux abords du parlement, alors que se déroule une séance sur le processus de ratification de Laurent Lamothe, à la chambre basse.

La séance est vite interrompue, et le président Levaillant Louis Jeune réclamant des explications, a fait savoir que la chambre des députés ne tiendra pas de séance avant « une réponse » de l’Exécutif.

Cette réponse apparait finalement comme la décision du ministre démissionnaire de l’intérieur, Thierry Mayard-Paul, d’appeler les « vrais » anciens militaires à venir toucher leur pension, le 25 avril.

Cent-cinq millions de gourdes ont été décaissées pour cette opération, d’après Mayard-Paul.

Les mesures, en ce qui concerne les « autres », basés dans des bâtiments publics aux quatre coins du pays, restent moins matérielles.

Les députés ont repris les séances.

Paternité responsable, la grande petite victoire

Un fait qui passe au cours de ce mois d’avril pour être vite oublié, en dépit de son importance, est la loi sur la paternité responsable, adoptée finalement par le sénat le 12 avril 2012, trois ans après la chambre des députés.

Si les organisations de défense des droits de la femme applaudissent, c’est bien parce qu’il s’agit d’un vote obtenu au bout d’un long chemin. La loi est élaborée depuis 2006. [kft rc apr 07/05/2012 9:35]