Analyse après le 2e tour de la présidentielle le dimanche 6 mai 2012
Par Roody Edmé*
Spécial pour AlterPresse
On n’oublie pas, facilement, quelqu’un qui vous visite le lendemain d’une si grande catastrophe, que celle du 12 janvier 2010.
Par ce geste, Nicolas Sarkozy avait conquis quelques cœurs à Port-au-Prince.
Et son discours, empreint de dignité, a confirmé sa stature d’un chef d’État, peu banal, et même provoqué quelques larmes, vite dissimulées dans quelques salons de la capitale haïtienne.
C’est vrai que nous ne sommes pas habitués à un perdant aussi grand, qui n’appelle pas, après sa défaite, à la disparition de son pays. Un chef, qui maîtrise la douleur légitime de ses partisans et ne promet pas, après son départ, nuit et brouillard.
C’est vrai aussi que le processus n’était entaché d’aucun péché véniel, voire mortel.
Mais il faut reconnaître que celui, qui l’a vaincu, n’était nullement - comme on a longtemps voulu le faire croire - n’importe qui.
Déjà, pour le débat du mercredi 2 mai 2012, on avait prédit, dans les rangs de l’union pour un mouvement populaire (Ump), que Sarkozy, le bélier, allait pulvériser le trop gentil et réservé, François Hollande.
C’est tout juste, si l’on ne s’imaginait pas la cabine de France 2, pareille à une cage d’Ultimate Fighting rempli du « sang » du candidat socialiste.
François Hollande a su mener ses troupes au combat, en parfait ordre de bataille.
Face à une Europe de la rigueur et de l’austérité, il a osé l’espérance du retour de la croissance.
Il faut un sacré courage pour, face aux dégâts d’un certain fanatisme, appeler au vote des étrangers et assumer une France ouverte, malgré tout.
Ce n’est pas tomber dans la facilité et l’enfermement, que dénonçait déjà un certain Samuel Beckett, dans son théâtre de l’absurde, que de refuser d’appeler à la fermeture pure et simple des frontières.
Au cours de son premier mandat en 1981, François Mitterrand était venu avec des mesures radicales, en nommant des ministres communistes au gouvernement, en nationalisant certaines entreprises.
Sur le plan administratif, la loi Defferre (2 mars 1982) mettait en place la décentralisation, en transférant, aux régions, une partie des compétences de l’État.
Des lois sociales étaient votées, comme : l’abolition de la peine de mort, l’autorisation des radios libres, les cinq semaines de congés payés, la semaine de 39 heures, la retraite à 60 ans, l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) et des prestations sociales, sans oublier l’impôt sur la fortune.
Ce ne furent pas, pour autant, des lendemains qui chantent : il y a toujours un fossé entre l’espérance et la réalité triviale.
Mais, la femme ou l’homme doit quand même se révolter, pour reprendre un auteur français, d’origine algérienne, Albert Camus.
Et aujourd’hui, l’humeur est à l’indignation : face à la roulette russe d’une économie de la spéculation, face à une rigueur qui enjoint le plus grand nombre à ne pas dépenser pour compenser les frasques de la finance.
La tâche sera on ne peut plus difficile pour un président, qui pourrait inquiéter les marchés et provoquer « l’apocalypse ».
La France a l’épée dans les reins, et le nouveau président doit prouver que son élection ne signifie nullement le retour de Robespierre et même - comme le proclament, haut et fort, certains éditorialistes dans l’Hexagone - que son pays ne va pas s’assoupir dans un socialisme de naphtaline.
Le président, qui incarnait la France de la droite « coquerico », nous avons nommé Nicolas Sarkozy, a été remplacé par un candidat de gauche, incarnant la France tranquille, François Hollande.
Juste retour des choses ?
En tout cas, la politique française est bien bipolaire.
* Éducateur, éditorialiste