P-au-P, 30 avril 2012 [AlterPresse] --- Il est « inconcevable qu’un conseiller politique du président soit aussi prompt à dégainer et à tuer des membres de la population ».
Telle est la position exprimée par le réseau national de défense des droits humains, au terme d’une investigation sur les circonstances de l’assassinat d’un commerçant haïtien, Octanol Dérissaint, le mercedi 18 avril 2012 à Fond Parisien (section communale de Ganthier, sur la frontière avec la République Dominicaine, à une cinquantaine de km à l’est de la capitale Port-au-Prince).
Des soupçons, d’implication dans l’assassinat du 18 avril 2012, pèsent sur un conseiller du président de la république, Mercidieu Valentin Calixte, en garde à vue depuis une semaine sur ordre de la justice de Croix-des Bouquets (municipalité à une trentaine de km au nord-est de P-au-P) et suspendu de sa fonction de conseiller par la présidence, depuis la révélation de l’affaire.
« Il revient aux autorités étatiques de veiller au respect des droits humains des personnes », rappelle le Rnddh, dans son rapport dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
L’organisme de droits humains se réfère à des cas d’assassinat, dans lesquels sont cités les noms de certaines autorités haïtiennes, à l’instar de Rodriguez Séjour, député de la 49e législature, soupçonné d’implication dans le meurtre du policer national Walky Calixte le 17 avril 2012.
« Il est donc clair que la situation de tension, qui règne dans le pays en général et dans les institutions étatiques en particulier, est la résultante du comportement des hauts placés de l’Etat et du peu d’intérêt, accordé par certains d’entre eux, au droit à la vie des citoyennes et citoyens haïtiens », déduit le Rnddh.
Dénonçant le manque de sagesse et de tolérance de certains des membres de l’entourage du président de la république, le Réseau national de défense des droits humains appelle les autorités judiciaires à tout mettre en œuvre en vue de juger les coupables de l’assassinat du commerçant Octanol Dérissaint.
Le droit à la vie des citoyennes et citoyens est inaliénable, consacré, garanti et protégé par l’article 3 de la déclaration universelle des droits humains de 1948 et l’article 19 de la Constitution de la république d’Haïti de 1987, rappelle l’organisme de défense des droits humains.
L’assassinat du commerçant de Fond Parisien, Octanol Dérissaint, âgé de trente-deux (32) ans, a soulevé la révolte des habitants de la localité et occasionné la paralysie quasi-totale des activités frontalières.
Des pneus usagés enflammés ont, entre autres, servi de barricades dressées sur la route internationale vers et en provenance de la République Dominicaine. Jusqu’au lundi 23 avril 2012, la situation était très tendue à Fond Parisien et à Malpasse, rapporte le Rnddh.
L’enquête du Rnndh sur l’assassinat du commerçant Dérissaint fait état de malversations, comme la perception de taxes illégales sur des marchandises, rançonnant de fait des commerçants, qui seraient commises par le conseiller du président de la république sur la frontière.
Le Réseau dit ne pas comprendre qu’un haut placé, investi de pleins pouvoirs par la présidence de la république, se livre à de telles pratiques.
Dénotant une absence de gestion ordonnée et réglée de la circulation des biens et des personnes dans les zones frontalières, l’organisme de promotion de droits humains préconise des dispositions institutionnelles en vue de régulariser la situation dans les services étatiques disponibles à Malpasse (point frontalier commun avec Malpaso, non loin de Fond Parisien).
Mener une enquête sérieuse sur l’assassinat d’Octanol Dérissaint, juger avec la dernière rigueur, Mercidieu Valentin Calixte et ses complices, ramener le calme tant à Fond Parisien qu’à Malpasse, sont les recommandations formulées par le réseau national de défense des droits humains (Rnddh).
Les circonstances du drame du 18 avril 2012
Le 18 avril 2012, les responsables de la douane et du service de l’Immigration à Malpasse ont décidé de fermer la frontière à cinq heures trente de l’après-midi (5:30 PM), soit, trente (30) minutes avant l’heure de fermeture habituell, indique la rapport d’enquête du Rnddh.
Cette décision a créé la panique sur la frontière et, plusieurs individus, dont des syndicalistes, ont essayé de parlementer avec Mercidieu Valentin CALIXTE pour le porter à revenir sur cette décision.
Face au refus catégorique qui leur a été opposé, une vive dispute s’en est suivie, au cours de laquelle des propos ronflants ont été prononcés de part et d’autre.
Plusieurs commerçants qui, en raison de leurs engagements devaient se rendre en République Dominicaine ont été obligés d’abandonner leur véhicule sur la cour de la douane. Il en a été de même pour ceux qui se trouvaient en République Dominicaine et qui devaient rentrer chez eux. Ils ont traversé la frontière, ont laissé leur véhicule sur la cour de la douane et sont passés par la passerelle des piétons pour renter chez eux par le moyen des transports publics.
Octanol DERISSAINT était au volant de son camion immatriculé ZA 04366 et revenait de la République Dominicaine.
A son arrivée, la barrière ayant déjà été fermée, il a stationné son camion et attendait une moto pour rentrer chez lui, lorsque plusieurs des individus, qui accompagnent généralement Mercidieu Valentin CALIXTE, l’ont abordé, continuant avec lui la discussion préalablement éclatée sur la cour de la douane et relative à la fermeture prématurée de la frontière’ précise le rapport d’enquête.
C’est à ce moment que Mercidieu Valentin CALIXTE s’est amené, lançant à l’encontre des habitants de Fond Parisien, des propos peu élogieux, arguant que ces derniers doivent être traités avec rigueur.
Parallèlement, un chauffeur de motocyclette, appelé par Jean Pétimé POLISSAINT et répondant au nom de Wisly PAUL, a demandé à Mercidieu Valentin CALIXTE la raison pour laquelle il s’en prenait aux membres de la population de Fond Parisien.
Offusqué de la hardiesse de ce chauffeur de motocyclette, ce dernier a dégainé son arme et a tiré en l’air, à trois (3) reprises. Les habitants de Fond Parisien, qui se trouvaient sur les lieux, ont menacé Mercidieu Valentin CALIXTE de l’empêcher de rentrer chez lui à Port-au-Prince.
Suite à cet incident, Octanol DERISSAINT et Jean Pétimé POLISSAINT sont montés à bord de la moto de Wisly PAUL et sont rentrés chez eux. Ils ont pris leur bain et se sont donné rendez-vous à l’Ambassadeur du Christ Boutique, un dépôt de boissons gazeuses appartenant au père de Octanol DERISSAINT, en vue de discuter de ce qui venait de se passer.
Ils échangeaient à propos de l’événement avec quelques amis, lorsque Mercidieu Valentin CALIXTE , accompagné de trois (3) autres individus ont fait leur apparition, à bord d’une Nissan Patrol de couleur blanche. Ces individus répondent aux noms de : Jean Joseph Fred LAVAUD, un agent de la police nationale d’Haïti (Pnh), Guy ALEXANDRE et Reynold BOURDEAU….
Sans réfléchir, il a dégainé son arme pour la seconde fois et a tiré deux (2) balles, dont l’une a atteint Octanol DERISSAINT à la tête, au niveau de l’occipital, ressortant par l’avant du crâne.
Pour s’enfuir après leurs méfaits, Mercidieu Valentin CALIXTE et ses trois (3) acolytes - toujours à bord du même véhicule - ont tiré une rafale de balles d’armes automatiques et sont partis à toute vitesse.
L’inspecteur divisionnaire Jean Garry ROC, qui était sur les lieux, avec quatre (4) agents de la Pnh, ont dû se mettre à l’abri pour ne pas y laisser leur vie.
De plus, le véhicule appartenant à Jean Romain DERISSAINT (le cousin de Octanol Dérissaint) , un pick-up de marque Toyota de couleur noire immatriculée TP 14284, stationné sur le bas-côté de la rue, a essuyé deux (2) balles. La vitre avant est brisée.
Quelques antécédents, selon le rapport d’enquête du Rnddh
Depuis octobre 2011, Mercidieu Valentin CALIXTE se rend régulièrement à Malpasse, où il est présenté comme étant le conseiller politique du président (Joseph Michel Martelly), le représentant de la présidence sur la frontière et le délégué de la « première dame », fait savoir le rapport d’enquête du Rnddh..
C’est à Mercidieu Valentin CALIXTE qu’il incombe d’ouvrir la barrière de la frontière, le matin, et de la fermer, le soir, avant son départ. Lorsqu’il est empêché, il délègue un de ses collègues.
De son arrivée à nos jours, Mercidieu Valentin CALIXTE n’a établi aucun contact avec les autorités policières et judiciaires locales. Pour plus d’uns, il est un envoyé spécial du président ,dont la tâche réelle n’est pas connue. Pour d’autres, il est tout simplement un rançonneur.
Toutefois, lors de son entrevue avec le Rnddh, Mercidieu Valentin CALIXTE a affirmé être le conseiller politique du président, responsable de la supervision des travaux de réhabilitation de toutes les zones frontalières. Dans le cadre de son travail, il a sous ses ordres dix (10) individus qui, selon lui, sont embauchés à titre de portefaix.
Cependant, questionnés sur la présence de ces individus, les membres de la population affirment qu’ils sont plutôt au nombre de vingt-cinq (25) et que leur tâche n’est pas clairement définie. Ils sont tantôt considérés comme des agents de sécurité, tantôt comme des agents de la douane. Ils ont pour devoir notamment de fouiller les valises des passants. Ils travaillent sans identification et sans uniforme. Lorsqu’ils retrouvent dans les valises des voyageurs, une forte somme d’argent, ils doivent faire appel à leur chef qui donne ou non un laissez-passer à la personne détentrice de cette somme, signale le rapport d’enquête du Rnddh. [emb kft rc apr 30/04/2012 9:21]