P-au-P., 22 mars. 04 [AlterPresse] --- La Coalition Nationale pour les Droits des Haitiens (NCHR) a critiqué ce 22 mars la Force Internationale présente en Haiti suite à un incident impliquant des marines américains, au cours duquel 2 personnes ont été blessées par balle dans la soirée du 21 mars au centre de la capitale.
Les victimes, l’entrepreneur Louis René Balmir et le militant politique Marcel
Lucmane, ont recu plusieurs balles lorsqu’un contingent de militaires américains a ouvert le feu contre leur vehicule.
Les versions données par les deux parties sont contradictoires. Les responsables militaires américains ont fait savoir que le chauffeur, Louis René Balmir, qui était armé, n’avait pas obtempéré à un ordre d’arrêt.
Balmir a fait savoir qu’il n’avait entendu aucun ordre, si non que des coups de feu. Il a admis qu’il portait légalement un pistolet qui était bien rangé dans son étui.
« C’est une action délibérée », a déclaré le Directeur de la NCHR, Pierre Esperance, qui a visité les victimes à l’hopital du Canapé Vert. La NCHR a réclamé une enquete pour déterminer les responsabilités dans cette affaire.
Le responsable de la NCHR a estimé que la force internationale doit opérer avec l’assistance de la police pour éviter de faire des victimes innocentes au sein de la population. Les militaires étrangers « ne connaissent pas la culture du pays, ne parlent pas la langue nationale et le n’est pas en guerre », a déclaré Esperance.
Le 9 mars, un chauffeur de taxi a été tué et un passager blessé dans des conditions semblables pendant une opération de la Force Internationale dans la zone industrielle du nord de Port-au-Prince.
D’autre part, un soldat français de la force internationale composée de plus de 3000 soldats a été tué accidentellement par une balle le 20 mars aux Gonaives (Nord), selon le commandement américain de cette force.
Des secteurs de la vie nationale ont commencé à questionner la présence des forces étrangères sur le territoire haïtien. Des réflexions ont été émises en ce sens lors d’un forum populaire sur la sécurité, la répression et la construction nationale qui a été organisé le samedi 20 mars au local de la Faculté des Sciences Humaines à Port-au-Prince, à l’initiative des étudiants de cette faculté, la Plate-forme Haitienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) et le Regroupement Démocratique Populaire (RDP).
Ce forum, organisé à l’occasion de la journée de mobilisation contre la guerre en Irak et la remilitarisation des systèmes politiques a été l’occasion pour différents secteurs de la vie nationale de dire « non à l’occupation » et plaider en faveur d’une « Haiti juste et souveraine ».
Des représentants des secteurs syndical, paysan, des droits humains et des organisations de femmes ont pris part à ce forum, qui visait, entre autre, à « lancer un débat sérieux et responsable sur les questions nationales qui préoccupent aujourd’hui les citoyens et les citoyennes, (...) et remobiliser les divers secteurs populaires ».
Les participants ont réfléchi en atelier sur des thèmes liés à la question de sécurité et la construction nationale, les structures de répression et la mobilisation contre l’occupation étrangère en Haïti.
Dans sa position de principe, le Regroupement Démocratique Populaire (RDP) a souligné que la communauté internationale a imposé à Haiti un président de doublure, un Groupe Tripartite contrôlé qui a été responsable du choix des membres du Conseil des Sages qui a son tour a désigné le premier ministre et participé à la formation du cabinet ministériel.
Selon le RDP la communauté internationale a remplacé la dictature lavalasienne, établie par Jean Bertrand Aristide, par l’occupation étrangère. Les impérialistes Américains et Français, sous la couverture de la communauté internationale, contrôlent l’appareil politique du pays de manière à appliquer la politique néolibérale, a signalé le RDP. Cette situation est le résultat de la mauvaise gestion des dirigeants haïtiens et la domination des pays impérialistes, a ajouté le Regroupement.
Le RDP croit que la lutte en faveur de la désoccupation va de paire avec celle contre l’impunité. Il exige en ce sens que les hauts dignitaires lavalas coupables de violations des droits humains soient arrêtés et jugés appelle les secteurs populaires à rester mobilisés contre l’occupation étrangère.
Des étudiants de la Faculté des Sciences Humaines ont pour leur part plaidé en faveur d’un système d’Etat qui garantit la justice sociale, l’emploi, la santé, l’éducation et la sécurité pour tous.
Les étudiants ont souhaité la nationalisation des biens meubles du président déchu, Jean Bertrand Aristide, qui, selon eux, ont été réalisés avec les fonds publics.
Une exposition de photos réalisée à l’occasion du forum populaire sur la sécurité, la répression et la construction nationale a retracé les moments de répression contre la population civile depuis le règne des Duvalier jusqu’à celui de Jean Bertrand Aristide.
A propos du gouvernement, la semaine dernière, des acteurs sociaux haïtiens contactés par AlterPresse se disaient prêts à collaborer avec les nouveaux dirigeants du pays, moyennant la prise en compte de leurs principales revendications.
Le Premier Ministre Gérard Latortue est un technocrate chevronné qui a été au service de la communauté internationale depuis plus de 40 ans, avait souligné Rosemond Jean, Coordonnateur de la Coordination Nationale des Sociétaires Victimes des Coopératives (CONASOVIC).
Rosemond Jean doutait cependant de la capacité du nouveau Premier Ministre à mettre ses compétences au service d’Haïti. Le Premier Ministre, avait-il dit, ne connaît pas assez la réalité du pays. « Nous avons besoin d’hommes honnêtes, compétents connaissant la réalité haïtienne », avait-il ajouté.
Le nouveau gouvernement doit s’atteler, selon le responsable de la CONASOVIC, à combattre la corruption, la misère, l’insécurité et à relancer l’économie haïtienne, notamment par le remboursement aux sociétaires des dizaines de milliers de dollars disparus dans la faillite des coopératives sous le régime lavalas.
Des étudiants de l’Université d’Etat d’Haïti, interviewés par AlterPresse, avaient estimé qu’il revient désormais aux hommes politiques d’assurer la transition vers une société démocratique. « Nous jouerons toujours notre rôle critique, avaient-ils dit, pour faire respecter les principes et dénoncer les éventuelles dérives totalitaires du pouvoir. [rv gp apr 22/03/2004 19:00]