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Haïti–Police/grève : Des mesures disciplinaires contre les grévistes

Un terrible précédent

P-au-P, 24 avril 2012 [AlterPresse] --- Le ministre de la justice et de la sécurité publique (Mjsp), Michel Brunache, et le directeur général de la Police nationale d’Haïti (Pnh), Mario Andrésol, ont évoqué la possibilité de sanctionner les policiers grévistes du 23 avril 2012, en vertu des principes déontologiques policiers et de la loi sur le fonctionnement de l’institution, apprend AlterPresse.

Michel Brunache a déclaré aux journalistes que « s’il y a des policiers qui sont impliqués dans les troubles sur la route de Martissant, je le déplore et je serai obligé de prendre des sanctions disciplinaires à leur encontre ».

Le ministère de la justice « assure le Haut Commandement de la Police Nationale d’Haïti de son soutien pour toutes les dispositions légales et règlementaires prises en vue d’un retour au calme », dans une note datée du 23 avril.

De son côté, Mario Andresol, en rappelant à ses poulains qu’il existe des formes tracées par la loi pour présenter leurs doléances, précise que « le haut-commandement ne tolèrera aucun policier affichant un mauvais comportement en violant les règlements de la police nationale ».

Plus loin, le directeur général avance la thèse d’une manipulation des policiers par des secteurs obscurs en vue d’affaiblir l’institution policière. Il n’y va pas par quatre chemins pour condamner la grève qui, selon lui, est illégale et contraire aux règlements internes de la Pnh.

Un analyste politique, consulté par AlterPresse, y voit « une manœuvre habile qui viserait à discréditer la police et faire place aux hommes en armes qui font la loi dans plusieurs coins du pays ces derniers temps ».

Un groupe de policiers ont observé un arrêt de travail durant toute la journée du 23 avril en signe de protestation contre l’assassinat de leur confrère Walky Calixte, agent II tué au volant de sa voiture sur la route de Martissant le 17 avril 2012.

La situation était plus corsée à Carrefour, commune natale du policier. Barricades de pneus enflammés, carcasses de voiture forment le décor. La fumée et l’odeur des pneus en feu ont servi à canaliser les revendications des protestataires.

Des frères d’armes et des proches de la victime soupçonnent le député de la première circonscription de Port-au-Prince, Rodriguez Séjour, d’avoir commandité ce crime.

Dans une note de presse, le parlementaire a présenté ses sympathies aux parents du policier endeuillés et affirme n’être mêlé ni de près ni de loin à cette affaire.

Aucune confiance dans la justice haïtienne

Pour Antonal Mortimé de la Plateforme des organisations haïtiennes de défense des droits humains (Pohdh) et Jean Hanssens de Justice et Paix, cette situation est un témoignage éloquent de la non-confiance des policiers dans le système judiciaire national.

Mortimé pense que c’est « un mauvais précédent dans l’histoire de cette institution créée depuis 1994, car cette situation est contraire aux lois républicaines et aux principes de déontologie policière. »

La constitution de 1987 autorise les réunions sur la voie publique « sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou à toutes autres fins pacifiques ».

Le secrétaire exécutif de la Pohdh estime que cette grève « met à nue la faiblesse de l’institution policière » qu’il qualifie de « boite de frustrés » en référence aux mauvaises conditions de travail, manque de matériels, salaires de misères et l’absence de plan de carrière au sein de la Pnh.

Conséquences et Recommandations

Si cette situation perdure, « des bandits peuvent en profiter et des gouvernements des pays étrangers vont demander à leurs ressortissants de ne pas venir dans le pays », selon la Pohdh qui appelle à l’intervention rapide des plus hautes autorités et au retour des policiers sur le chemin de la légalité.

Et de fait, depuis ce 23 avril, plusieurs organisations internationales intervenant en Haïti ont demandé à leurs employés étrangers de rentrer chez eux avant 18h et de ne pas sortir le soir.

La présidence est accusée de la création du « vide gouvernemental » qui a contribué à fragiliser le Conseil supérieur de la police nationale (Cspn) puisque le premier ministre est le président de cette structure, selon Mortimé.

Selon l’article 14 de la loi du 29 novembre 1994 portant « création, organisation et fonctionnement de la Pnh », le Cspn, présidé par le premier ministre est constitué hierarchiquement du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du directeur général de la Police nationale et de l’inspecteur général en chef de la Police nationale.

La plateforme invite les autorités « à prendre des mesures en vue d’améliorer les conditions de travail des policiers » pendant que la justice « appréhende les coupables qui doivent être jugés et punis selon la loi ».

Le parlement est aussi concerné dans les recommandations de la Pohdh. Il doit « veiller à ce que le pays ne sombre pas dans des dérives inacceptables. Si l’un de ses membres est accusé d’actes répréhensibles, une enquête doit être diligentée pour faire la lumière et si possible le mettre à la disposition de la justice ».

« La situation est inquiétante et on court le risque de conflits armés », s’alarme le Pohdh. [efd kft gp apr 24/04/2012 10:00]