Par Roody Edmé
Spécial pour AlterPresse
A petits pas, la tortue (François) Hollande fraye son chemin vers l’Élysée.
Beaucoup autour de lui s’inquiétaient de son rythme, de son peu d’enthousiasme à balancer des bulles puantes sur Nicolas Sarkozy, le taureau, qui finirait par l’écrabouiller.
C’est vrai que Sarkozy est un habitué des foires d’empoigne, un adversaire qui ne fait pas de cadeaux et qui sous-estime un François Hollande, un peu trop doux, certains disent, non sans moquerie, mou.
Encore un peu, on lui reprocherait d’avoir moins… d’ambition que son ex-épouse, Ségolène Royal (candidate malheureuse à la présidentielle de 2007 face à Sarkozy).
La vérité est que le candidat socialiste est en train d’imprimer un nouveau style à la campagne. Un style grave, présidentiel, qui veut s’éloigner des « chicaneries de cour de récréation ».
L’homme a ses manières et une certaine vue de la politique, par temps de crise. D’ailleurs, quand on lui fait le reproche de ne pas soulever l’enthousiasme des foules, il répond non sans malice :
« Je ne vous demande pas de m’épouser, je ne suis pas dans une campagne, pour créer la joie…j’ai une responsabilité supérieure à cela ».
François Hollande ne veut pas que « singer » l’autre François, je veux parler de Mitterrand, le dernier des grands politiques du siècle dernier en France avant que, ère du temps, la politique ne sombre dans le bling blang ou la « peopolisation ». Il veut incarner le retour à une certaine manière de gouverner dans la sérénité, alors qu’il se répète, dans certains tabloïds, qu’il n’aurait pas l’étoffe d’un chef d’État.
La réalité troublante est que la crise, qui traverse l’Europe, a la force destructrice d’un cyclone qui se déplace lentement. Et les économies du Sud du continent sont transformées en épouvantail qui donne froid dans le dos aux habitants de l’Hexagone.
Nicolas Sarkozy se pose en grand capitaine qui veut garder précieusement le gouvernail d’une France, naviguant dangereusement sur les eaux houleuses de la crise. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la croisière ne s’amuse guère.
Et l’on est déjà à l’heure des renoncements.
Sarkozy, après avoir mené pendant quelque temps le bal européen avec Angela Merkel, son homologue allemande, prend ses distances avec une Europe « festive » et dépensière. Bref, question d’aller chasser dans les territoires brumeux du Front National de Marine Le Pen.
Une certaine France, épouvantée et indignée par les agissements du monstre glacé de la finance casino, crie sa colère avec Jean-Luc Mélanchon, le candidat le plus frondeur de la Gauche.
Mais, une majorité certaine semble choisir celui qui fait moins dans la posture et qui sait que le prochain gouvernement de la France sera loin d’être une partie de plaisir. Et que même quelques unes de ses promesses auront du mal à se réaliser.
François Hollande est donc à la croisée des chemins. Il est, cette semaine, le favori des sondages au premier (dimanche 22 avril 2012) comme au…second tour.
Mais, Sarkozy n’a pas dit son dernier mot, le président sortant français est un battant, qui adore les poussées d’adrénaline et les combats au finish.
L’avance, dans les sondages, est, certes, minime pour le candidat socialiste, mais la crise économique est à son maximum.
Et le lièvre de la fable a du mal à rattraper son retard sur la « tortue » Hollande.
* Éducateur, éditorialiste