P-au-P., 20 mars. 04 [AlterPresse] --- Les mouvements démocratiques et populaires haïtiens prévoient de réaliser ce 20 mars à la Faculté des Sciences Humaines à Port-au-Prince, un « Forum populaire sur la sécurité, la répression et la construction nationale ».
Cette activité, organisée par le Regroupement Démocratique Populaire (RDP, coalition de plus d’une trentaine d’organisations du mouvement social), la Plate-forme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) et le comité des étudiants de la Faculté des Sciences Humaines, doit marquer la « Journée de réflexion et de mobilisation contre l’occupation et pour une Haïti juste et souveraine ».
Internationalement, ce 20 mars est une « Journée de mobilisation contre la guerre en Irak, contre l’impérialisme américain et pour un autre monde possible ».
Le forum est patronné par le Groupe d’Appui aux Réfugiés et Rapatriés (GARR), l’ONG britannique Action-Aid et l’Institut Culturel Karl Levesque (l’ICKL).
Une Force Internationale de 2700 soldats, principalement des Etats-Unis, de la France, du Canda et du Chili se trouve depuis fin février sur le territoire haïtien. Les Américains étaient arrivés les premiers, avant même la démission et le départ pour l’exil, le 29 février, de l’ex président Jean Bertrand Aristide.
AlterPressse publie ici les documents relatifs au « Forum populaire sur la sécurité, la répression et la construction nationale ». [gp 20/03/2004 07:50]
FORUM POPULAIRE SUR
LA SECURITE, LA REPRESSION ET LA CONSTRUCTION NATIONALE
Aba Lokipasyon !!
I.- Antécédents
Notre pays vit un moment particulièrement important et difficile de son histoire. Le Peuple haïtien après avoir obtenu le départ de Jean Bertrand Aristide du Pouvoir doit s’atteler à la difficile et incontournable tâche de construction nationale. La situation actuelle est le résultat d’un long processus de lutte et d’une mobilisation courageuse et exemplaire au cours de laquelle de nombreux secteurs ont payé un lourd tribut face aux forces déchaînées de la répression étatique. Le pourrissement du système de domination a conduit à l’absurdité d’une situation caractérisée par une rapide régression économique, par l’effondrement des Institutions, et les conséquences brutales de la violence des politiques néolibérales. La situation actuelle annonce un processus de re-mobilisation des forces sociales et populaires de notre pays qui doivent se reconstituer comme acteurs et orienter le processus de transformation actuelle dans le sens des intérêts des couches majoritaires de la nation.
Nous vivons un moment difficile mais qui peut devenir prometteur grâce à notre courage et à notre lucidité. Le mouvement populaire haïtien traverse une étape difficile ; persécuté et déstructuré à la fois par la violence du coup d’Etat de septembre 1991, par la répétition des massacres perpétrés contre les organisations paysannes, atomisé par la corruption et les petits projets, dénaturé par la manipulation du pouvoir Lavalas qui a réussi à transformer une partie des organisations populaires de jadis en courroie de transmission de sa volonté despotique.
Dans le cadre du nouvel espace politique qui est en train de se constituer le mouvement populaire doit faire entendre sa voix en engageant des débats sérieux et responsables sur toutes les questions qui préoccupent nos concitoyens et concitoyennes et conditionnent le processus de transition. C’est en ce sens que la PAPDA, le RDP (Regwoupman Demokratik Popilè) et les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines s’associent à d’autres réseaux d’organisations pour proposer une journée d’informations, de réflexion et de débats sur la question de la sécurité publique et la construction nationale.
Les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines, victimes à maintes reprises des exactions des chimères Lavalas, ont joué un rôle de tout premier plan dans la re-mobilisation des forces sociales contre la dictature notamment dans la lutte héroïque, au sein du Fwon Rezistans pou refòm Inivèsite Leta a, contre la mise en veilleuse de l’autonomie universitaire que le régime Lavalas-Neptune a tenté d’imposer au cours de l’été 2002. Le 20 mars 2004 ramène aussi l’anniversaire d’une sauvage répression exercée contre les universitaires et les syndicats d’enseignants au cours d’une manifestation sur la voie publique. Les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines sont intéressés à participer à ces débats en fournissant leur contribution au processus de construction nationale.
Il est impératif que les divers secteurs de la nation puissent bénéficier d’un éclairage critique sur l’Etat haïtien, sa nature, ses appareils, son fonctionnement et ses rapports avec la population. En ce sens la réflexion sur les questions de sécurité implique une radiographie des dispositifs de répression mis en place en montrant la monstrueuse continuité entre les pratiques oppressives des FADH, des milices - macoutes, des groupes paramilitaires style FHRAP, des mercenaires et des chimères. Nous analyserons les diverses faces de l’oppression et de l’insécurité structurelles pour les citoyens liés à la violence permanente des structures d’exploitation et d’exclusion. L’insécurité est directement liée à la violence de l’extrême polarisation des richesses. L’accumulation des armes ou la multiplication de corps spécialisés au sein de la Force Publique, le retour des FADH ne sauraient garantir dans le long terme la sécurité des citoyens. Le discours dominant a tendance à sombrer souvent dans le délire sécuritaire propre aux tenants de l’establishment des USA. La sécurité sera avant tout la résultante de nouveaux rapports sociaux et d’un autre modèle de développement.
Le 20 Mars a été aussi choisi par les organisations et les réseaux de citoyens qui ont pris part au Forum Social Mondial de Bombay comme date mondiale de mobilisation contre la guerre en Irak et la remilitarisation des systèmes politiques amorcée depuis quelques années comme réponse à la crise du système capitaliste mondial. La perte de légitimité croissante des piliers du système actuel de domination, la financiarisation outrancière, la mort de l’idéologie du développement a conduit à la multiplication des conflits et le système capitaliste se replie sur la nudité de la violence et des crimes comme seule réponse à offrir à sa sénilité. Le 20 mars des dizaines de millions de citoyens défileront dans le monde entier pour réaffirmer leur refus de la guerre et de la violence. Ils manifesteront aussi contre les diverses formes de domination des puissances impérialistes et réaffirmeront leur ferme volonté de construire un autre monde. Plusieurs réseaux et organisations de notre pays - à travers notamment les efforts de coordination de la PAPDA - participent depuis de longues années à ces processus de convergence et ont décidé de lier les souffrances et la résistance de notre peuple à cette mobilisation citoyenne pour un autre monde.
Le Forum populaire du 20 mars sera aussi une occasion de dire non à la guerre en Irak, non à la domination de l’impérialisme, non à la militarisation, non aux politiques néolibérales appliquées par le régime lavalas, oui un autre monde est possible, une autre Haïti est possible. Non à l’occupation militaire de notre sol !! Oui à la construction nationale !! Une Haïti souveraine est possible !!
II.- Objectifs
Lancer un débat sérieux et responsable sur les questions nationales qui préoccupent aujourd’hui les citoyens et citoyennes
Fournir un éclairage sur la nature de l’Etat haïtien afin de mieux réfléchir sur sa transformation
Prendre de nouvelles initiatives visant à renforcer les acteurs nationaux dans leurs capacités d’analyse et de prise de décision
Remobiliser les divers secteurs du mouvement populaire
Connecter les luttes pour l’émancipation nationale et la construction démocratique avec les luttes menées par les réseaux mondiaux
III.- Instances de convocation
Cette journée de réflexion et de mobilisation est convoquée par les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines, la PAPDA et le RDP. Nous invitons tous ceux et toutes celles qui sont intéressés à s’engager dans un travail sérieux sur la construction nationale à se joindre à nous. Cette journée a bénéficié de l’appui d’un très large réseau de bénévoles réparti en 7 commissions de travail. Nous avons reçu également l’appui du GARR, de Action Aid et de l’ICKL et la collaboration technique de nombreuses institutions comme le NCHR et la POHDH.
IV.- Thèmes
Sécurité - Structures de répression - Nature de l’Etat dans les pays du Sud - Nature de l’Etat haïtien - Forces de la mort - Alternatives pour une sécurité citoyenne - Mobilisation contre l’occupation étrangère - Sécurité et construction nationale
V.- Déroulement du Forum
5.1 Une journée de préparation
Le 19 mars 2004 de 9h00 à 14h00 le RDP, la PAPDA, le GARR et les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines se réunissent pour préparer les détails de la journée de mobilisation et évaluer la situation au niveau local et régional avec une vingtaine de personnes représentant les 9 départements du pays.
5.2 La journée du 20 Mars 2004
5.2.1.- Introduction
Les organisations qui ont convoqué à la réalisation de cette journée expliquent le sens de l’activité et les objectifs visés (9h00 - 9h20)
5.2.2.- Les organisateurs invitent les participants à visiter l’exposition
De 9h00 à 5h00 dans les locaux de la Faculté des Sciences Humaines sera présentée au public une exposition de photos organisée autour de 3 périodes :
Les caractéristiques de l’oppression militaro macoute des Duvalier (1957 - 1986)
Les caractéristiques de l’oppression dirigée par des bandes paramilitaires style FHRAP (1991-1994)
Les caractéristiques de l’oppression sous le régime Lavalas mercenaires et Chimères (1997-2004)
Cette exposition de photos mettra l’accent sur la longue liste des assassinats politiques et des méthodes utilisées. Les participants pourront également consulté une documentation liée aux événements de ces 40 dernières années
5.2.3.- Témoignages
Au cours de l’espace de témoignage nous écouterons des victimes qui ont souffert directement des exactions de ces 3 périodes. 15 à 20 minutes pour chaque témoignage. Ces présentations seront suivies d’une période de questions et de débats d’une heure (9h30 - 11h00). Dans le cadre de ces témoignages sera présenté le dernier rapport de Amnistie International sur Haïti et nous écouterons le témoignage de la POHDH sur la répression de la période aristidienne.
Intermède culturel (11h00 - 11h30). La Troupe ’Nous’ spectacle sur le meurtre
Dans un deuxième temps nous écouterons des témoignages sectoriels qui tenteront de caractériser comment ces secteurs ont vécu ces 3 périodes de répression et quelles sont les stratégies de résistance mises en œuvre. Nous écouterons les secteurs suivants : Femmes / Paysans / Syndicats et ouvriers / Habitants des quartiers populaires / Petites commerçantes / étudiants / socio-professionnels. 5 minutes environ pour chaque témoignage suivi d’une période de questions et de débats de 45 minutes (11h30 - 12h30)
Conférence de Jhon Picard Byron sur la nature de l’Etat haïtien et les conditions socio-historiques, économiques, politiques et culturelles qui ont produit la dictature aristidienne. Le Professeur Byron se penchera également sur la nature des défis des secteurs progressistes aujourd’hui dans leur lutte pour une authentique transformation sociale. (12h30 - 13h15)
Intermède culturel (13h15 - 13h45)
5.2.4.- Conférence sur le sens de la mobilisation citoyenne au niveau mondial. L’impérialisme aujourd’hui. Economie politique de la guerre et de la militarisation dans le monde, dans les Caraïbes et en Haïti. L’occupation militaire comme menace à la sécurité des personnes. L’impérialisme américain, ennemi de la démocratie et du développement des Peuples. Professeur Camille Chalmers et Professeur Hancy Pierre (13h45 - 14h30)
Questions et débats (14h30 - 15h00)
Intermède culturel (15h30 - 16h00)
5.2.5.- Ateliers sur le problème de la sécurité (16h00 - 17h00)
Les problèmes d’insécurité aujourd’hui en Haïti / Examen des expériences alternatives en Haïti (exemple : notamment les Brigades de vigilance de la période 1986 - 1989) / Quelles options ?
5.2.6.- Lecture et adoption d’une déclaration finale qui représente un engagement des organisations présentes autour des principales conclusions du débat sur la sécurité et la construction nationale (17h00 -17h15)