Par Wooldy Edson Louidor
Bogota, 12 avril 2012 [AlterPresse] --- Suite au séisme ayant dévasté une grande partie d’Haïti le 12 janvier 2010, le Mexique s’est montré solidaire de la république caribéenne en détresse.
La visite en Haïti, ce 12 avril, du président mexicain Felipe Calderón, invité par son homologue haïtien Michel Martelly, vient couronner cette marque de solidarité et symbolise une volonté de renforcement de la coopération binationale.
Cependant, outre la contribution du Mexique à hauteur de plus de 23 millions de dollars d’aide en Haïti dans plusieurs domaines, il y a lieu de rappeler que la solidarité mexicaine avec les migrants haïtiens réfugiés dans le pays aztèque après la tragédie reste et demeure une tâche pendante.
La solidarité mexicaine sur le plan migratoire, après le 12 janvier 2010
Suite au séisme du 12 janvier 2010, l’État mexicain a expédié le bateau Usumacinta en Haïti en vue de chercher un groupe de 250 Haïtiens dont les parents résidaient en territoire aztèque.
Après un voyage de cinq jours, ces migrants haïtiens ont été chaleureusement accueillis le 25 avril 2010 au port mexicain de Veracruz par une délégation de l’administration de Felipe Calderón.
1.011 Haïtiens sont entrés au Mexique au cours des six mois postérieurs à la tragédie, selon un rapport de l’Institut National de la Migration (INM) publié en juin 2010. De ce total, 511 ont bénéficié des mesures temporaires d’entrée et de séjour au Mexique, alors que 500 autres sont arrivés au pays par leurs propres moyens, selon l’organisme officiel mexicain.
Tous ces Haïtiens ont reçu un « visa humanitaire », document leur permettant de résider légalement dans le pays, de travailler et d’étudier pour une période d’un an avec possibilité de prorogation.
Des difficultés accrues, en dépit de la régularisation migratoire
En dépit de leur régularisation migratoire, les Haïtiens ont été confrontés à pas mal de difficultés au Mexique, dont : la non-connaissance de l’espagnol et des conditions de travail dans le pays, le manque de ressources économiques pour subvenir à leurs besoins primaires et à ceux de leurs familles, des difficultés d’intégration, dont la discrimination en raison de la couleur de leur peau et leur origine, etc.
Depuis juillet 2010, l’organisation mexicaine de défense des droits des migrants, Sin Fronteras, a dénoncé la situation déplorable dans laquelle vivaient dans le pays les ressortissants haïtiens qui sont arrivés dans le cadre de ce programme de solidarité.
« Ils ont été abandonnés par l’État mexicain », a dénoncé l’organisme.
La majorité d’entre eux « n’ont pas de quoi manger, ni un endroit où vivre et encore moins les moyens de trouver un emploi, puisqu’ils ne parlent pas l’espagnol et souffrent de la discrimination », poursuit-il.
« Plusieurs d’entre eux qui sont arrivés [au Mexique] vivent dans des abris destinés à des personnes en situation de détresse et mangent dans des restaurants privés avec lesquels l’organisation a signé des contrats », explique-t-il.
Sin Fronteras a pointé du doigt le Gouvernement mexicain, qui a fait venir les Haïtiens suite au séisme et « n’a pas consacré des ressources pour aider cette population » en termes d’assistance économique, légale et psychologique et de l’accès à des programmes sociaux, dont les soins médicaux.
Ce sont des organisations de la société civile mexicaine qui ont joué ce rôle, en lieu et place du Gouvernement mexicain.
Des difficultés pour renouveler leurs visa
Deux ans après le tremblement de terre, les migrants haïtiens ayant reçu du Mexique des « visas humanitaires » font face à d’énormes difficultés pour renouveler ce document migratoire.
Dix pour cent d’entre eux n’ont pas pu trouver la somme d’argent et les documents exigés par l’Institut National de Migration pour renouveler ces visas, ce qui les accule à une situation encore plus vulnérable dans le pays, selon Sin Fronteras.
Ces documents exigés vont de l’homologation ou l’équivalence de leurs études à la vérification des liens familiaux avec leurs parents résidant au Mexique, en passant par d’autres documents et pièces d’identité que les migrants devraient obtenir d’Haïti.
Manque de protection
Les Haïtiens arrivés au Mexique après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haiti n’ont pas eu accès à une véritable « protection internationale » requise par leur situation humanitaire spéciale.
Arrivés au Mexique sans un sou et souffrant de traumatismes et de séquelles psychologiques suite à la tragédie, ils ont dû faire face à d’énormes difficultés d’intégration dans un pays qu’ils ne connaissent pas. La majorité d’entre eux ne parlent pas l’espagnol.
Ces Haitiens n’ont recu aucune aide de la part de l’État mexicain. « La société [mexicaine] s’est consacrée à envoyer des dons aux Haïtiens en Haïti, mais on n’a pas eu cette réponse pour les Haïtiens au Mexique », a déploré Sin Fronteras en avril 2010.
Selon le Comité Citoyen de Défense des Naturalisés et des Afro-mexicains, il y aurait 1.700 Haïtiens au Mexique, population majoritairement masculine et dont la tranche d’âge oscille entre 25 et 40 ans. Ils sont concentrés surtout à la Capitale Distrito Federal (DF) et dans d’autres régions telles que Hidalgo, Veracruz et Acapulco. Pour survivre, certains d’entre eux offrent des cours particuliers de français aux Mexicains, alors que d’autres travaillent dans des petites entreprises pour un salaire de misère. [wel gp apr 12/04/2012 11 :20]