A partir d’un article de www.espacinsular.org, partenaire d’AlterPresse
Traduction Edwin Paraison pour AlterPresse
Le lundi 26 mars, le président haïtien Michel Martelly a été reçu par son homologue, Leonel Fernandez, dans le cadre d’une visite officielle à Santo Domingo, avec pour objectif principal, la relance de la Commission bilatérale haïtiano-dominicaine. Quels sont les enjeux et les défis de cette relance ?
Cette commission a été officiellement créée le 13 Mars 1996, par une déclaration conjointe signée dans la capitale dominicaine entre le feu président dominicain Joaquim Balaguer et l’ancien président haïtien René Préval. Ce mécanisme est, par essence, un espace de dialogue et de renforcement des relations entre les deux pays.
Durant cette période de 16 ans, un élément clé qui a facilité la communication bilatérale, sans parvenir à la concrétisation d’un nouveau paradigme dans la gestion des relations entre nos deux nations, c’est l’amitié entre deux acteurs qui ont dominé la scène politique insulaire. Il s’agit de l’actuel chef d’État dominicain, qui termine en août son troisième mandat avec à son actif 12 années au pouvoir, et de son homologue haïtien ayant duré plus longtemps au pouvoir, l’ancien chef d’État René Préval, le seul, jusqu’à présent, des présidents démocratiquement élus, qui a servi 2 termes ou 10 ans.
Toutefois, pour diverses raisons, principalement liées à l’évolution de la situation politique en Haïti, la Commission mixte bilatérale a été inopérante durant 10 ans. Une tentative de reprise, effectuée par les deux principaux personnages déjà mentionnés, a eu lieu le 31 juillet 2010, à Ouanaminthe (Nord-est d’Haiti), coïncidant avec la pause de la première pierre de l’ Université Henri Christophe de Limonade. Ce n’était pas une coïncidence. Dans le fond, il semble que le souci était de marquer la relance de la gestion institutionnelle des relations interétatiques sur de nouvelles bases caractérisées par l’ ampleur de la solidarité dominicaine lors du tremblement de terre de Janvier 2010 dans la partie occidentale de l’île. En ce sens, des questions se posent également sur l’ efficacité de la Commission.
Avec le changement de pouvoir en Haïti en mai 2011, la nouvelle administration, en dépit de graves difficultés politiques internes exacerbées par la démission du gouvernement en février dernier, a exprimé son intérêt à renforcer davantage les relations bilatérales en utilisant cet instrument, quoique que ses résultats soient jusqu’à présent faibles, particulièrement en ce qui a trait aux questions névralgiques de la migration et du commerce.
Dès le début, un changement significatif est enregistré, avec la prise en charge de la Commission par le chancelier, dans ce cas, Laurent Lamothe, et non le Premier ministre, tel que l’avait décidé le président Préval à l’arrivée de Michèle Pierre Louis à la Primature. Cette dernière avait également fait une tentative de relancer les travaux du côté haïtien le 21 mai 2009. Il n’ est pas superflu de rappeler les réactions, même des dirigeants en République dominicaine, face à son discours ce jour-là, se référant à une conjoncture fortement marquée par la violence entre Haïtiens et Dominicains, symptomatiques de l’hypersensibilité et la fragilité qui caractérisent jusqu’ à aujourd’hui la gestion des relations haitiano-dominicaines.
En outre, avec le soutien de l’Union européenne, il a été possible de monter dans les deux pays, le Secrétariat Exécutif, important pour le bon fonctionnement et le développement de la Commission. Mais, beaucoup d’analystes considèrent, d’ une part, l’ urgence d’ une restructuration et, d’autre part, l’inclusion de représentants de la société civile dans les divers échanges entre les deux peuples.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle tentative. Si nous nous appuyons sur les expériences passées de la Commission, la situation n’est pas très favorable pour un suivi efficace de tous les engagements qui pourraient être pris. Ceci, considérant qu’ en Haïti on est dans l’ attente de l’installation d’un nouveau gouvernement à tout moment, et à cause du processus électoral en République dominicaine, qui aboutira à l’installation d’un nouveau chef de l’État dans 5 mois. À cet égard, la polarisation entre le parti de la Libération Dominicaine (PLD) au pouvoir et le Parti révolutionnaire Dominicain (PRD) laisse présager que l’un de leurs candidats, respectivement Danilo Medina et Hipolito Mejia, gagnera. Dans le cas de ce dernier, durant son mandat (2000-2004), lors de la visite d’État du Président Jean-Bertrand Aristide le 16 Janvier 2002, tous deux se sont engagés a continuer de promouvoir le travail de la Commission. Ainsi, nous devons encourager les dirigeants des deux pays à persévérer dans la recherche de la meilleure formule pour optimiser le potentiel de la Commission.
Nous devons commencer par définir plus clairement ce qu’est la coopération entre les deux États, chaque partie assumant sa responsabilité en fonction de ses moyens ou de ses possibilités. Il faut une volonté politique pour faire avancer les questions de plus grande complexité. Une gestion transparente des affaires inter-états est nécessaire. Nous devons à tout prix éviter les ambiguïtés dans le discours officiel. Enfin, les dirigeants sont invités à utiliser leur leadership afin de projeter dans l’opinion publique la réalité insulaire de l’interdépendance, à bien des égards, entre nos deux pays souverains. Ceci ne fera que renforcer la fraternité entre nos deux peuples. Ce sont, entre autres, les grands défis de la Commission mixte bilatérale.