P-au-P, 27 mars 2012 [AlterPresse] --- Le ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr) et le Watershed initiative for national natural environnemental resources (Winner, un projet de l’agence américaine pour le développement international / Usaid) ont conjointement lancé, le vendredi 23 mars 2012, la « campagne agricole de printemps 2012 » à Dumay, une localité dans la commune de la Croix-des-Bouquets (municipalité au nord-est de la capitale).
« Plante pi byen – rekolte pi plis- pou kore pwodiksyon nasyonal la (Cultivez mieux, récoltez davantage pour supporter la production nationale) » est le slogan de cette campagne, sur laquelle s’appuie le programme Aba Grangou initié dernièrement sous les auspices de la femme du président de la république, Sophia Saint-Rémy Martelly.
La campagne agricole de printemps 2012, qui devrait s’étendre sur 5 mois, « compte appuyer des activités susceptibles de promouvoir l’augmentation de la productivité agricole des filières prioritaires : riz, maïs, haricot pour le corridor du Cul de Sac [vaste plaine au nord de Port-au-Prince], et banane, haricot et maïs pour le corridor des Matheux [autre plaine agricole dans la zone de l’Arcahaie, à plus d’une trentaine de km au nord de la capitale] ».
C’est le maïs qui a la priorité dans cette campagne, suivant le choix du Marndr.
« 7,500 hectares de terres seront plantées en maïs et 700 hectares en riz », annonce le directeur d’Usaid/Winner, Jean-Robert Estimé.
Toutefois, le ministre de l’agriculture, l’ingénieur-agronome Herbert Docteur, semble davantage préoccupé par les zones non-irriguées et les aires cultivables en montagne.
« Seulement 5% des terres cultivables sont arrosées, alors que 60% de la production agricole proviennent des terres non-irriguées », regrette Herbert Docteur, qui promet de faire de son possible pour « sortir les agriculteurs de la dépendance par rapport aux pluies ».
Nous sommes passés de « 12 mille carreaux de terres irriguées en 1930 à 4 mille seulement en 2012 », signale Loralus Jean Lucas de l’association des irrigants de Rivière Grise (la rivière qui traverse toute la plaine du Cul de sac).
Pour sa part, se déclarant un « associé privilégié des paysans de la plaine »,
l’agro-industriel, Kenneth Michel, vante le partenariat public/privé/paysans du projet Usaid/Winner, dans lequel son investissement représente « 20% du financement de 300 mille dollars américains » [Us 4 1.00 = 42.00 gourdes ; 1 euro = 61.00 gourdes aujourd’hui].
« La saison dernière, nous avons pu vendre 1,000 sacs par mois » informe fièrement Michel, qui espère pouvoir réaliser, avec les agriculteurs, son rêve de produire un million deux cent mille (1,200,000) sacs de riz consommé par mois.
Herbert Docteur, ministre de l’agriculture du gouvernement démissionnaire, Jean-Robert Estimé, directeur de Winner, Carleen Dei directrice de l’agence américaine de développement international (Usaid) en Haïti, des agro-industriels, des membres d’associations d’irrigants, des paysans vulgarisateurs, des agriculteurs de la plaine du Cul-de-Sac ont pris part à la cérémonie du 23 mars.
Modernisation de l’agriculture = tracteurs+engrais+semences hybrides ?
La quasi-totalité des interventions à la cérémonie de lancement de la « campagne agricole printemps 2012 » ont posé la modernisation de l’agriculture haïtienne et l’encadrement des paysans comme conditions préalables d’augmentation de la productivité.
Avec « tracteurs et semences hybrides », le rendement pourra passer des « 3 tonnes et demie de l’année dernière aux 4 tonnes et demie prévues pour cette saison », croit Winner, louant le leadership « éclairé, compétent et sérieux » du Marndr et la possibilité de modernisation qu’offre le projet de l’Usaid.
A la cérémonie du 23 mars 2012, rien n’a été dit sur le niveau de dépendance vis-a-vis d’entreprises internationales, créé par l’incorporation de semences hybrides dans la production agricole qui ne favorisent point la reproduction de semences locales.
« 150 tonnes de semences hybrides seront importées dans le cadre de la campagne 2012 », affirme le directeur de Winner.
« Les semences hybrides proviennent du croisement de deux variétés de plantes et ne peuvent être plantées qu’une seule fois. L’année prochaine, il faut en acheter d’autres », confirme le ministre démissionnaire Docteur, en précisant qu’ « elles sont utilisées en Haïti depuis les années 1970 ».
En 2010, un don de semences hybrides a soulevé la colère d’un regroupement de planteurs dans le département du Centre.
La question de la dépendance de l’agriculture a, entre autres, été agitée lors du mouvement de protestation. Ces semences, offertes par la multinationale Monsanto, ont fait surgir le spectre inquiétant des organismes génétiquement modifiés (Ogm).
Estimé invite les paysans à utiliser les services du laboratoire de sols de Bas-Boen (dans les environs de Croix des Bouquets) aux fins d’analyse de la qualité des terres avant le labourage.
Le projet Winner a aidé des associations d’agriculteurs et deux centres ruraux de développement durable (Crdd) « dans l’acquisition de treize nouveaux tracteurs agricoles ».
« Environ cinq mille hectares seront labourés aux tracteurs avec l’appui de l’Usaid/Winner », d’après les responsables.
« L’agriculture n’est autre que de la technologie associée à l’encadrement » résume Ronald Champagne, responsable d’une association de paysans à Duvivier bénéficiant de l’accompagnement d’un paysan vulgarisateur (Pv), d’une opératrice de tracteur et d’un ingénieur-agronome responsable d’encadrement agricole (Rea).
Pour améliorer la vie des paysans durablement, Carleen Dei de l’Usaid estime qu’il faut « une plus grande modernisation des techniques, la formation des paysans et l’organisation des associations de producteurs ».
« Augmenter la production, encadrer les agriculteurs, développer le crédit agricole et le paquet technologique » : tels sont les axes de la politique du Marndr pour concrétiser la promesse de campagne du président Joseph Michel Martelly de « moderniser l’agriculture haïtienne », selon Herbert Docteur qui n’a pas oublié de porter son fameux bracelet rose en la circonstance. [efd kft rc apr 27/03/2012 8:35]