Par Roody Edmé
Spécial pour AlterPresse
La France saigne douloureusement du sang de ses enfants. La terrible fusillade qui a fait quatre morts dont trois enfants juifs laisse le pays sous le choc. Tout se passe comme si, une fois de plus, l’absurde avait pris le pas sur la raison au pays du cartésianisme et des « lumières ». Voltaire doit se retourner dans sa tombe. Le père des « Lettres philosophiques » et le défenseur des Callas avait fait de la tolérance et du respect des différences un des thèmes fondateurs de sa vaste philosophie qui marqua les lettres françaises et européennes.
Mais voilà que depuis quelque temps des fusillades ciblées se succèdent dans une France abasourdie par tant de haine. A Montauban, il s’agissait de militaires, maintenant ce sont des enfants qui se font abattre par un assassin qui tire un peu partout dans la ville. S’agit-il de crimes planifiés ou de « loups solitaires », c’est-à-dire de tueurs isolés, comme il est advenu récemment en Norvège ? La police française a vite fait de retrouver les traces du tueur qui, aux dernières nouvelles est mort les armes à la main dans un assaut d’une rare intensité. Qu’est ce qui a poussé cet ancien jeune délinquant vers la lutte djihadiste ? Quel lavage de cerveau et autre intoxication l’a conduit a commettre des crimes aussi haineux ?
Il y a définitivement quelque chose de pourrie au pays des « Droits de l’Homme » et à un moment où la campagne électorale fait son nid sur des thèmes porteurs pour certains, comme la question raciale ; on s’interroge dans l’hexagone sur la nécessité de mettre un frein à un certain discours qui enflamme les esprits simples et à qui on fait croire que « l’enfer c’est les autres » : ceux de l’immigration, ceux, pour parler comme un humoriste connu, qui viennent manger le pain des français ; mais aussi que celui-là qui a une tête d’arabe est un terroriste en puissance ou tout simplement que tous les juifs doivent payer pour l’armée israélienne qui « assassine » des enfants palestiniens. Les clichés et les amalgames sont des explosifs « dormants » placés dans tous les recoins de nos sociétés ou le meurtre d’innocents devient une banalité.
La question du terrorisme dépasse la France. Elle pose, par exemple, le problème de cette douloureuse épine que constitue la problématique palestinienne. Elle renvoie à la peste émotionnelle qui ravage le Proche-Orient et aux injustices historiques qui gonflent les rangs des fanatiques.
Elle nous renvoie à la question aussi vieille que le monde de la paix et de la guerre, de ce « choc » des civilisations dont parlait Huttington, dont l’approche quelque peu réductionniste avait paru à plus d’un, de mauvais augure. Elle nous ramène au « grand bond en arrière » que constitue le retour d’un certain discours de suprématie blanche en Amérique comme au sein de la vieille Europe. Elle nous oblige au combat permanent contre une simplification outrancière des données historiques et pour reprendre Gil Mihaely de la presse française : « Bobigny n’est pas Gaza, Gaza n’est pas Auschwitz et Auschwitz n’est pas un mythe ».
Elle réclame enfin de la part des sociétés un réexamen des consciences et une gravité dans la prudence pour ne pas se fracasser droit dans le mur de l’indifférence face aux souffrances des autres, et ne pas revenir, surtout, aux temps de l’épouvante et de la détestation mutuelle qui ont fait du 20e siècle, le siècle le plus meurtrier.
* Éducateur, éditorialiste