P-au-P, 11 mars 2012 [AlterPresse]--- L’opinion publique reste attentive à l’évolution de l’enquête sur la nationalité du chef de l’État, Michel Martelly, à l’issue d’une folle semaine marquée par une importante opération de communication du président, qui a présenté publiquement le 8 mars des documents de voyages réclamés par la commission sénatoriale d’enquête.
Plus d’un se demande si la nation a tout vu et quelle sera le prochain acte dans ce qui semble pour plusieurs une vaste pièce de théâtre. Mais la situation réelle du pays n’a rien à voir avec une fiction et suscite de l’inquiétude au sein de diverses couches de la société. Alors que la situation socio-économique paraît stagnante, des cas d’insécurité se multiplient.
8 passeports haïtiens
Cinéma, mise en scène ou mascarade sont les termes utilisés par divers acteurs politiques pour qualifier la présentation de passeports faite par le chef de l’État au palais national.
Cette présentation publique entre autres de 8 passeports haïtiens a eu lieu en présence de la presse, de diplomates, des membres du gouvernement et de Religions pour la Paix, une plateforme qui rassemble les diverses tendances religieuses du pays et qui joue le rôle d’intermédiaire entre le parlement et l’exécutif.
« J’ai accepté de présenter tous mes documents de voyage aux autorités religieuses (…) dans la transparence, en présence du peuple haïtien, mon unique chef », a déclaré Martelly au moment de sortir ses dossiers. « Je suis un Haïtien authentique », s’est exclamé Martelly.
Invité par Martelly à faire part d’une quelconque information sur une éventuelle nationalité américaine du président, l’ambassadeur américain Kenneth Merten a déclaré que le chef d’État « n’est pas Américain », mais « Haïtien ». « Il a remis sa carte de résidence (le 21 mai) et a obtenu un visa », a ajouté le diplomate.
La présentation des passeports par Martelly en vue de justifier sa nationalité haïtienne est une « mascarade », a affirmé le sénateur Moise Jean-Charles, celui par qui le scandale est arrivé.
Jean-Charles, qui co-préside la commission d’enquête sénatoriale (amputée de 3 membres sur 9), annonce que l’investigation se poursuit et met en avant l’hypothèse que Martelly posséderait un passeport américain sous le nom de « Mikael Martelly », le nom qui figurerait sur sa carte de résidence américaine.
Pour sa part, le principal dirigeant de la Confédération Unité Démocratique (KID), Evans Paul, pense que cette présentation qu’il qualifie de mise en scène va continuer à « engendrer des doutes dans l’esprit de la population ».
De son coté, le dirigeant du grand rassemblement pour l’évolution d’Haïti (Greh), Himmler Rébu, estime que cette présentation vient renforcer les contradictions apparues dans le dossier. Allusion à un voyage qu’aurait effectué Martelly le 21 novembre 2007 à bord d’un avion de la American Airlines, alors que son nom ne figurerait pas sur les manifestes de la compagnie aérienne relatifs à ce vol.
Pour Rébu, la déclaration précédant la présentation des passeports du chef de l’État faite par le sénateur, Joseph Lambert évoquant des remous politiques imminents (un kouri) d’ici 48 heures, participait à un scénario glogal en vue de discréditer la commission d’enquête sénatoriale.
Panique et confusion
La journée du 8 mars a été également marquée par un mouvement de panique occasionnée par des déclarations d’abord du sénateur Joseph Lambert, puis de son collègue Steeven Benoit, avertissant d’une rapide détérioration de la situation politique et de troubles imminents.
Des entreprises et bureaux publics et privés ont rapidement fermé leurs portes et les habitants de la capitale se sont dépêchés de rentrer chez eux.
Le parquet de Port-au-Prince a entrepris des démarches afin de demander que les deux sénateurs soient mis à la disposition de la justice.
L’ancien gouverneur de la Banque Centrale, Venel Joseph, assassiné
L’ancien gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide (2001-2004), Venel Joseph, a été assassiné le mardi 6 mars 2012 à Port-au-Prince.
Octogénaire, Venel Joseph est le père de Patrick Joseph, inculpé de corruption par la justice américaine dans le cadre d’une enquête sur l’exploitation illégale du système d’appels internationaux des Télécommunications d’Haïti (TELECO) par des sociétés-écrans basées aux Etats-Unis.
Selon le Miami Herald, Patrick Joseph, ex directeur de la Téléco, aurait fait d’importantes révélations sur l’attribution présumée de pots-de-vin à l’ancien Président Aristide dans cette affaire.
Assassinat de "Samba Boukman", ancien fonctionnaire de l’administration Préval
Jean-PhilippeJean-Baptiste , plus connu sous le nom de « Samba Boukman » a été tué par balles, le vendredi 9 mars 2012, à Delmas 95, zone Jacquet Toto (banlieue est de Port-au-Prince).
Sous l’administration de René Préval, « Samba Boukman » était le représentant de l’Exécutif dans la commission nationale de démantèlement, démobilisation et réinsertion (Cnddr).
Très influent dans les milieux de base de Lavalas, Jean-Philippe avait travaillé activement avec l’administration de René Préval (2006) en vue de mettre fi aux mouvements armés dans plusieurs quartiers de la capitale.
Face à l’insécurité grandissante
La Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj) entend lancer une opération baptisée "Dragon 2" pour contenir la remontée des cas d’assassinats dans la capitale haïtienne, informe le porte parole adjoint de la police Garry Desrosiers. La date de la mise en œuvre de cette opération policière n’est pas communiquée à la presse.
La mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti (Minustah) a affirmé qu’une « petite hausse de la criminalité » est observée dans le pays, ce qui reste selon la mission un reflet de la situation sécuritaire dans la région des Caraïbes et de l’Amérique latine.
Haïti et la journée mondiale des femmes
Des centaines de personnes ont répondu le 8 mars à l’appel des organisations "Solidarite fanm ayisyèn" (Solidarité des femmes haïtiennes, Sofa) et Batay Ouvriye (Lutte Ouvrière) pour manifester en vue de réclamer justice pour les femmes victimes du régime dictatorial de Jean Claude Duvalier (1971-1986) et d’exiger le départ de la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah).
Cette manifestation, qui a coïncidé avec la journée mondiale des femmes a rassemblé plusieurs organisations du mouvement social haïtien dont celles des femmes, des syndicats, des organismes de droits humains, le Collectif de Mobilisation pour le Dédommagement des Victimes du Choléra (Komodevik) et le collectif contre l’impunité.
De son coté, le gouvernement a organisé durant la semaine un forum de trois jours autour du thème : « La femme haïtienne à l’heure de la reconstruction nationale ».
Ouvert officiellement par l’épouse du chef de l’État, Sophia Saint-Rémy Martelly, le forum national sur la problématique des femmes haïtiennes a réuni plusieurs milliers de femmes et de jeunes filles haïtiennes, dont six cent (600) déléguées départementales du Ministère à la condition féminine.
Les responsables ont fait savoir qu’il s’agissait d’inviter les femmes haïtiennes à réfléchir sur un ensemble de problèmes auxquels elles font face et qui handicapent leur évolution.
Subvention aux victimes de l’incendie du marché de Tabarre
5 millions de dollars américains et 44 millions de gourdes seront alloués à la subvention des commerçants et commerçantes victimes de l’incendie du 24 février au marché de Tabarre, annonce la ministre à la condition féminine, Marie Yanick Mezile, lors d’une rencontre le 5 mars 2012.
Ce programme est supporté par la Banque de la République d’Haïti (Brh) le Ministère des Finances et la Mairie de Tabarre. [emb gp apr 11/03/2012 19 : 00]