P-au-P, 7 mars 2012 [AlterPresse] --- Laurent Lamothe, premier ministre désigné par Michel Martelly doit attendre le verdict de la commission d’enquête sur sa nationalité. Michel Martelly doit attendre.
La chambre des députés n’en démord pas au moment où l’on parle de négociations et que le président promet certains adoucissements comme la réalisation des élections sénatoriales et la publication de la Constitution amendée.
Fin de l’acte un
C’est un nouveau cycle qui démarre. Un joueur quitte le jeu et ça repart. Depuis la démission de Garry Conille le 24 février, le pays est politiquement revenu au point de départ. Il a fallu à Michel Martelly cinq mois pour avoir un premier ministre, Garry Conille. Et quatre mois pour le garder.
Beaucoup en écoutant la nouvelle ont évoqué une rupture annoncée. Irruption de Martelly à une réunion entre Conille et des parlementaires, où l’ancien chanteur n’a pas mâché ses mots... La goute d’eau ? Les événements se sont enchainés menant inexorablement vers l’issue de la démission.
Mais entre temps, le président n’attend pas patiemment et tranquillement. Fin février, il annonce la destitution de plusieurs cartels municipaux et leur remplacement. Parmi ces cartels, celui de Port-au-Prince dont le maire principal Jean Yves Jason refuse de partir sans avoir affronté un rival dans des élections.
Là aussi la situation frise la rupture. Des supporters de Jason demandent à Michel Martelly de se rappeler ce que le maire a fait lors du carnaval de 2011 pour soutenir sa candidature à la présidentielle.
Malgré ces ruptures et alors qu’il s’achemine vers une conjoncture où il devra éventuellement diriger sans gouvernement et sans sénat fonctionnel, Michel Martelly continue ses inaugurations, à l’image du projet 400 pour cent, et des dérives remarquables comme l’a été l’affaire de la Faculté d’ethnologie.
Pendant des semaines, des hommes en uniforme et armés paradent dans plusieurs zones du pays, investissent des bâtiments publics. La présidence fait mine de ne pas les voir.
Intermission
Dictateur. Le mot s’installe alors de plus en plus au cœur de la contestation anti-Martelly qui s’est amplifiée fin février. Une manifestation Lavalass rallie des milliers de personnes et des parlementaires pour critiquer la gestion du président dont l’ « énergie » ne laisse la place à aucune autre initiative que la sienne, même celles autorisées par la Constitution.
De l’« énergie », Martelly en possède pour en découdre avec des parlementaires jusque devant les cameras de la Télévision nationale d’Haïti (Tnh). Lors du carnaval de Jacmel, Martelly s’en prend au sénateur Bien Aimé Jean-Baptiste. Il profite pour annoncer que Joseph Lambert membre d’une commission chargée d’enquêter sur sa nationalité et celle de son équipe est « son candidat » aux prochaines sénatoriales dans le Sud-Est.
Le nouveau couple Martelly-Lambert vient jeter des doutes sur le travail de la commission sénatoriale d’enquête. Le couple déplait également au parti Inite qui remplace illico Lambert à la coordination générale du parti.
De son côté la commission sénatoriale clame avoir tous les indices. La recherche de preuve se fait, elle, interminable. D’autant que les Etats-Unis disent qu’ils ne sont pas autorisés « de dévoiler les données, dont celles d’un passeport, sans autorisation écrite du citoyen concerné ».
Tout semble dans ce cas dépendre de la coopération du « concerné » dans l’enquête. Mais lors du Carnaval des Cayes Martelly a encore donné du ton et de la voix pour rappeler que son passeport n’a rien à faire au parlement.
A plusieurs reprises, sur les chars, dans la foule et donnant du fil à retordre à ses agents de sécurité, Michel Martelly a chanté comme avant quand il était musicien. Michel Martelly s’est aussi déhanché comme avant…
Le Carnaval des Cayes devait être une consécration pour le président qui a décidé au cours de sa première année au Palais national de dévier le centre névralgique du carnaval de 194 kilomètres. Ce février 2012, pour la première fois Port-au-Prince s’est tu durant les 3 jours du carnaval.
Des dizaines de milliers de personnes, des moyens logistiques et financiers importants, des ténors de la musique, une ville enthousiaste : c’était ça le carnaval des Cayes. Ҫa, mais aussi 130 blessés et au moins 5 morts, plusieurs hors du parcours carnavalesque.
Il est vrai que la capitale jusqu’au dernier moment a caressé l’espoir de festoyer. Le comité du carnaval a fini par jeter l’éponge le 17 février. Mais au final, 11 bandes à pied seront autorisées à défiler dans les rues de Port-au-Prince. La ville meurtrie par un séisme il y a deux ans, encore remplie de gravats et de sinistrés, n’avait pas vendu chère sa peau.
Début de l’acte deux
Après la danse et les séparations, le mois de mars arrive avec de nouveaux bras de fer. Alors que le parlement conditionne la ratification du premier ministre désigné Laurent Lamothe par le résultat de l’enquête sur la nationalité, Michel Martelly fait miroiter des élections et la question de l’amendement constitutionnel pour que Lamothe siège à la primature.
Combien de temps le jeu durera t-il cette fois ? Jusqu’à quel point Michel Martelly pourrait-il résister aux demandes de soumission de ses documents de voyage ? Et jusqu’à quel point les « amis » d’Haïti feront-ils preuve de patience pour laisser les Haïtiens laver eux-mêmes leurs linges sales ?
Dans l’acte deux aussi, des poursuites contre l’ex président Jean Bertrand Aristide. Avant lui, Jean Claude Duvalier n’avait pas été inquiété longtemps par les poursuites lancées contre lui. [kft gp apr 07/03/2012 14:00]