P-au-P, 01er mars 2012 [AlterPresse] --- « les spécialistes en crises du pouvoir central viennent tout troubler en annonçant dans un communiqué de presse bidon qu’ils viennent de commettre un coup d’État contre le gouvernement municipal de Port-au-Prince avec l’assentiment d’un élu, en l’occurrence le président de la République d’Haïti » : telle est la lecture de Muscadin Jean-Yves Jason de la destitution de son cartel de la mairie de la capitale.
Le 29 février 2012, le bureau de communication de la présidence a informé que « le président de la république, Michel Joseph Martelly, a nommé, par arrêté en date du 23 Février 2012, une commission municipale de trois membres pour administrer la Commune de Port-au-Prince jusqu’aux prochaines élections ».
« Madame Gabrielle Hyacinthe, messieurs Jean Marie Descorbett et Junior Gérald Estimé » sont les personnalités choisies par le président pour former le nouveau cartel.
Depuis la décision du président Martelly de déplacer unilatéralement le carnaval national aux Cayes (200km de la capitale) du 19 au 21 février dernier, sans aucune considération pour des festivités à Port-au-Prince, la tension a monté d’un cran entre la mairie de la capitale et le ministère de l’intérieur, des collectivités territoriales et de la défense nationale.
Ce ministère est dirigé par le ministre démissionnaire Thierry-Mayard Paul, homme de confiance de Martelly.
Jason appelle à la résistance
Évoquant l’arrêté municipal du 23 décembre 2010 et le décret du 1er février 2006, notamment en son article 116 du chapitre XI traitant de la sécurité publique, Jason compte dès ce 1er mars 2012 « activer le conseil de sécurité municipale » en vue d’« évaluer la situation et prendre les mesures que de droit contre tous ceux qui tentent de violer la loi ».
Le conseil de sécurité municipale est composé, entre autres, du commissaire de police municipale de Port-au-Prince ; du directeur départemental de l’Ouest de la police nationale d’Haïti / Pnh (le plus haut gradé de la Pnh dans la commune), du commissaire du gouvernement, du vice-délégué et d’un représentant de la société.
Le maire destitué Jean Yves Jason invite aussi les élus de l’Ouest en général et de la commune de Port-au-Prince en particulier à le « rejoindre pour faire face au coup d’Etat ».
Citant l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature 2010, Jason croit que le pays est à l’heure des fanatismes et de la « dictature » et, par conséquent, « il faut leur couper la route, les affronter et les vaincre ».
Solidarité municipale
« Le pouvoir central veut intimider les Maires en disant les révoquer », estime le maire révoqué de Port-au-Prince, en référence à la nomination par arrêté présidentiel en date du 18 janvier 2012 de 13 commissions communales.
Aussi, en sa qualité de conseiller spécial de la fédération nationale des maires haïtiens (Fenamh), Jason demande-t-il « aux conseils municipaux soit disant révoqués de rester ou de retourner a leurs postes jusqu’aux élections de 2012 », car « les dispositions de la 48 e législature (…) à travers l’amendement de la loi électorale, réclament que des élus remplacent des élus ».
Le 28 février 2012, le regroupement des élus locaux de Port-au-Prince (Relpap) a lancé le même mot d’ordre aux cartels révoqués.
« Les élus locaux et territoriaux et les anonymes conscients s’indignent mais la dictature s’installe et le mépris du pouvoir municipal suit son cours », regrette Muscadin Jean-Yves Jason.
Dans une entrevue téléphonique accordée la semaine dernière à AlterPresse, le porte-parole de la présidence, Lucien Jura, a rappelé l’attachement de Martelly au principe selon lequel « un élu remplace un autre élu ».
Il a expliqué que les conseils municipaux, élus en 2006, auraient été renvoyés pour « anomalies, malversations, signaux caractéristiques de dysfonctionnement », entre autres.
Pas de « chrysanthèmes roses »
« Des chrysanthèmes roses pour Haïti, nous n’en voulons pas ! » s’insurge le maire révoqué.
« La propagande rose [la couleur de campagne du président Martelly] dans les médias est indigeste. Il faut se battre contre cet état de la honte et cette dictature qui s’installe », poursuit Jason.
Se disant conscient de ce qu’il risque, « ainsi que [sa] famille, les militants d’une Autre Haïti Possible », Jean Yves Muscadin Jason dit vouloir « alerter sur cette dérive totalitaire » car « Il (…) reste peu de temps pour réagir, car tous les moyens de contrôle nécessaires à une future dictature sont désormais en place ». [efd apr 01/03/2012 14:50]