P-au-P, 20 févr. 2012 [AlterPresse] --- La mission des Nations Unies pour la stabilisation d’ Haïti (Minustah) en prend pour son compte durant cette période carnavalesque, pendant laquelle les refrains dénoncent des pratiques des casques bleus, mettent en avant la question de la souveraineté, tandis que d’autres encensent ou critiquent le pouvoir en place, selon les textes de chansons analysés par l’agence en ligne AlterPresse.
Cette année, du 19 au 21 février 2012, le carnaval a lieu dans la ville des Cayes (200 km au sud de la capitale, Port-au-Prince) sous le thème « Ayiti ap dekole, Okay pran devan » (Les Cayes font le premier pas dans le décollage d’Haïti).
Deux groupes musicaux prennent le devant de la scène dans la fustigation des actions de la Minustah en Haïti : Brothers Posse de Antonio Cheramy dit Don Kato, avec la chanson« Stayle (style en anglais) », et Vwadèzil (Voix des Iles) avec « M p ap ba w metafò w (tu ne me la mettras pas) ».
Pour Don Kato, en plus d’être à l’origine du choléra dans le pays, la Minustah est truffée de « tchi tchi » (homosexuels masculins), qui violent les jeunes garçons.
Allusion à peine voilée à des cas enregistrés à Port-Salut (Sud) et Gonaives (Artibonite / Nord).
Aussi, les « blodè (jeunes hommes des ghettos) » doivent-ils se protéger contre ces violeurs.
Même son de cloche du côté de Vwadèzil, qui rappelle le viol de Johnny Jean par les soldats uruguayens au cours de l’année dernière (2011) à Port-Salut.
En août 2011, un jeune de Port-Salut, Johnny Jean, a été violé par 5 soldats uruguayens.
D’autre part, une épidémie de choléra, qui s’est déclenchée en octobre 2010, près d’une base de la Minustah à Mirebalais (Nord-Est), a touché plus de 150,000 personnes à travers le pays, dont plus de 7,000 ont été tuées.
Tout en croyant que les « ghettos souffrent à cause de leurs conviction », Brothers Posse invite les jeunes des quartiers populaires à « enfiler leurs gilets pare-balles pour chasser la Minustah du pays ».
Encenser ou critiquer Martelly
La plupart des groupes compas relaient le discours du chef de l’État sur l’image à donner au pays.
Ils ont un champ lexical commun au président Martelly : victoire, décollage, changement, éducation gratuite, réconciliation et progrès...
Certains sont plus explicites, comme T-Vice qui chante clairement : « avec le président Micky, je prends mon envol. Haïti chérie va faire son décollage ».
L’ancien groupe du président, Sweet Micky, fredonne pour sa part : « on supporte le pouvoir du peuple. Ensemble pour tèt kale (crâne rasé, surnom de Martelly) ».
Le groupe Triomecs vante, dans un refrain, certains projets lancés par Martelly : « à bas la faim ! De l’électricité ! École et transport gratuits ! ».
Cette formation musicale va jusqu’à traiter l’opposition politique de « hors-la-loi voulant faire la loi ».
Top Adler man, ancien chanteur du groupe rap et ragga Original Rap Staff, très élogieux envers le président, énumère : « 903 mille enfants à l’école gratuitement, des motos-taxis pour aider les plus pauvres ».
Au contraire, Brothers Posse croit qu’on a « un président qui joue au comédien », au même titre que la Minustah qui ridiculise les victimes de ses exactions sexuelles.
Représailles ? Don Kato a déjà perdu des pare-brises de sa voiture et Fresh la de Vwadèzil a déjà reçu une bonne bastonnade sur le Champ de Mars (centre de la capitale) un dimanche durant des exercices pré-carnavalesques 2012.
Cependant, les deux artistes n’en démordent pas.
Le compte twitter de Vwadèzil annonce « fresh la+don kato = yon sèl kanaval, okay men nou !!!!!! (Freshla+Don kato= un seul carnaval ; Les Cayes, nous voilà ».
A Boukman Eksperyans, groupe racines (d’inspiration vaudou), de se demander : « où est la réponse des paysans ? (allusion au parti qui a servi de bannière à Martelly lors de la dernière présidentielle 2010 - 2011) Où sont les emplois promis par les entrepreneurs ? » [efd gp apr 20/02/2012 14:00]