P-au-P, 09 févr. 2012 [AlterPresse] --- Les deux principales associations de médias en Haïti mettent en garde le président Michel Joseph Martelly contre ses velléités de tentation autoritaires, par lesquelles il essaie, en maintes occasions, d’imposer ses propres orientations à la presse, au parlement et aux secteurs-clés de la vie nationale.
« La presse n’entend, en aucune façon, faire marche-arrière sur le libre exercice de ses prérogatives et sur les gains obtenus pendant les vingt-six ans [1986 - 2012] du difficile processus démocratique au service de la liberté d’expression », indiquent l’association des médias indépendants d’Haïti (Amih) et l’association nationale des médias haïtiens (Anmh).
Tout comme il ne saurait ignorer la Constitution du 29 mars 1987, sur laquelle il a prêté serment le 14 mai 2011, Martelly est également « tenu au respect des acquis démocratiques d’une transition maintenue sur les rails par les sacrifices de milliers de citoyennes et de citoyens et d’un ensemble de secteurs montant la garde autour des libertés démocratiques », rappellent l’Amih et l’Anmh.
Les deux principales associations de médias s’indignent de la tendance de la présidence à agir comme prédatrice de la liberté de la presse, avec le mépris et le dédain souvent affichés envers les journalistes et les médias.
« Les mauvais signaux, constatés dans les rapports du nouveau pouvoir avec le parlement, la presse, et d’autres secteurs clés de la vie nationale, semblent vouloir nous remettre sur les pistes anciennes du présidentialisme autoritaire, du pouvoir axé sur la seule personne du président de la république qui se prend pour l’État », s’inquiètent l’Amih et l’Anmh.
L’association des médias indépendants d’Haïti et l’association nationale des médias haïtiens s’interrogent sur le nouvel obstacle, mis sur la mission d’informer de la presse par les dernières sorties de Martelly “qui banalise et méprise le travail de la presse”.
Après avoir demandé à la presse de se taire en 2011, Michel Martelly recommence, en tout début de l’année 2012, par insulter les journalistes qui le questionnent sur des sujets d’intérêt public.
Le plus récent écart de comportement a eu lieu le vendredi 3 février dernier à la salle diplomatique de l’aéroport international Toussaint Louverture, quand Martelly a offensé, sur un ton acide et autoritaire, les journalistes qui le questionnaient sur les soupçons de double ou triple nationalité sur sa personne..
Martelly jouirait d’une triple nationalité (américaine, italienne et haïtienne), suivant des accusations portées par le sénateur du Nord Moïse Jean-Charles.
L’Amih et l’Anmh expriment également leurs préoccupations quant au développement anormal des rapports entre la présidence et le parlement haïtiens.
« L’attitude de Michel Martelly jusqu’ici est en porte-à-faux avec son serment et le rôle de gardien que la Constitution lui assigne. Le président donne l’impression de vouloir, par sa seule décision, se soustraire au pouvoir de contrôle du parlement. La Constitution de 1987 en vigueur, en ses articles 93-97-118 et autres, fait du parlement le contre-pouvoir qui contrôle les actes de l’Exécutif. A ce titre, il est impératif que le chef de l’État collabore avec le parlement qui, selon les dispositions de l’article 118 de la Constitution, a le droit d’enquêter sur les questions dont il est saisi ».
« Depuis le début du quinquennat du président Michel Martelly, plusieurs incidents graves, liés à des comportements regrettables, détournent le pays des dossiers essentiels et affectent le climat propice à la mise en place des stratégies de développement pour rattraper nos retards et générer le progrès capable de placer Haïti dans une dynamique de changement profitable à tous », signalent l’Amih et l’Anmh.
A plusieurs reprises, le président Martelly a injurié des parlementaires haïtiens lors d’une série de rencontres avec eux.
Sans avoir été invité, il s’est rendu au domicile privé du premier ministre Garry Conille, dans la soirée du mercredi 1er février 2012, et a perturbé une rencontre entre le chef du gouvernement et des élus du parlement.
Avec les parlementaires invités, Conille aurait exprimée ses inquiétudes sur l’absence contrôle de certains ministres de son gouvernement et des clauses de certains contrats engagés par l’État haïtien avec des firmes haïtiennes privées, lesquelles ne seraient pas claires, selon des participants à la rencontre.
Martelly les aurait accusés de machiner un coup d’État contre lui.
Après l’incident du 1er février, le président du sénat et de l’assemblée nationale, Simon Dieuseul Desras, a convié, dans une lettre ouverte, le président à présenter des excuses publiques au parlement.
« Le chef de l’État n’est pas au-dessus de la loi. [Il] est prisonnier de son statut et doit, en toutes circonstances, maintenir une posture qui impose le respect, pour éviter la réprobation et des remontrances publiques aptes à le disqualifier », soulignent l’Amih et l’Anmh dans leur prise de position publique en date du 8 février 2012.
Dans une note rendue publique le 3 février et intitulée « Trop, c’en est trop ! », l’association des journalistes haïtiens (Ajh) a également appelé Michel Martelly à faire preuve de retenue dans ses relations avec la presse haïtienne. [rh rc apr 09/2/2012 11:55]