P-au-P, 02 févr. 2012 [AlterPresse] --- A la veille des élections pour le renouvellement de la structure exécutive de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh) - élue en décembre 2007 et dont le mandat a pris fin le 9 janvier 2012 -, les avis sont très partagés sur le sens de ces consultations, suivant les informations recueillies par l’agence en ligne AlterPresse.
Certains parlent de « mascarade électorale ».
D’autres, ne jugeant pas prioritaires ces élections, proposent un nouveau report de scrutin, vu pourtant comme incontournable dans la santé démocratique à l’université d’Etat.
Initialement programmées pour le 6 janvier 2012, les élections du recteur et des vice-recteurs à l’Ueh ont été reportées au 3 février 2012 par décision du conseil de l’université en date du 14 décembre 2011.
« Tout est fin prêt. Le scrutin se déroulera comme prévu, le 3 février prochain, à Pacot au local de l’école de maitrise à 11 :00 am précises », rassure à AlterPresse Mme Itazienne Eugène, membre de la commission centrale électorale (Cce).
« Les élections doivent se tenir et elles vont se tenir. Car, c’est une nécessité démocratique », affirme Woodjiny Etienne, délégué des étudiants de la faculté de droit et des sciences économiques (Fdse) et membre de la Cce.
Jean Vernet Henry, recteur sortant ; Fritz Rosemond de l’école normale supérieure (Ens) et le médecin Roger R. Jean-Charles (professeur de cardiologie, depuis 2011, à la faculté de médecine) concourent pour le poste de recteur.
Fritz Deshommes est candidat unique à sa réélection à la fonction de vice-recteur à la recherche.
Les professeurs Ronald Jean-Jacques (Faculté des sciences humaines / Fasch et Jean Poincy (Institut national d’administration, de gestion et des hautes études internationales / Inaghei) sont seuls en lice pour le vice-rectorat aux affaires académiques, après le retrait de candidature du professeur Price Cyprien (Inaghei et faculté de droit et des sciences économiques).
Mascarade électorale ?
Le sendika travayè anseyan inivèsite Ayiti (Staia) voit dans le scrutin du 3 février 2012 « l’échec du rectorat et les manœuvres pour garder la direction de l’Ueh », dans une note de presse en date du 25 janvier 2012.
L’Ueh aurait beaucoup régressé sous l’administration du rectorat sortant, estime Staia, très critique envers l’actuel conseil.
A côté des différentes crises qui ont éclaté dans plusieurs entités de l’Ueh, le syndicat évoque notamment l’intervention de la police nationale, en 2009, à la faculté de médecine et de pharmacie (Fmp) pour déloger des étudiantes et étudiants en grève, « au mépris de la Constitution de 1987 et des dispositions transitoires garantissant l’inviolabilité de l’espace universitaire ».
« Les problèmes structurels, tels la réforme de l’enseignement, la construction d’un campus, la nomination sans clientélisme des professeurs contractuels, n’ont jamais été abordés en profondeur », souligne Staia qui assimile à « une stratégie honteuse du conseil actuel » le non déroulement d’élections dans plusieurs entités de l’Ueh.
« Comme la majorité des dirigeants de décanats sont acquis à sa cause, le rectorat utilise cette stratégie pour garder son électorat et s’assurer de sa réélection », indique le professeur Renel Exentus, membre de Staia, interrogé par AlterPresse.
Entre 2010 et 2011, des élections ont eu lieu pour le renouvellement de décanats à la faculté d’agronomie et de médecine vétérinaire (Famv), la faculté des sciences (Fs), la faculté d’ethnologie (Fe), la faculté de droit et des sciences économiques (Fdse) et l’école normale supérieure (Ens).
Dénonçant ce qu’il qualifie de « mascarade électorale », Staia appelle « professeurs, étudiants et cadres de l’Ueh à se mobiliser pour contrecarrer ce plan macabre [visant à] garder l’université dans l’immobilisme et l’illégitimité généralisée ».
Plus urgent que des élections
Les professeurs à temps plein de la faculté des sciences humaines se prononcent pour un nouveau report des élections.
« Il faudrait d’abord engager des débats sur la condition enseignante. L’université est en péril, la relève ne peut pas être assurée dans des conditions d’indigence du personnel enseignant », lit-on dans le rapport de la rencontre du 25 janvier 2012 des professeurs de la Fasch.
Un professeur à temps plein gagne moins de 40,000.00 gourdes par mois [US $ 1.00 = 42.00 gourdes ; 1 euro = 61.00 gourdes aujourd’hui]. Il doit dispenser 3 cours au minimum, par session, et encadrer des travaux d’étudiantes et d’étudiants.
Un professeur nommé a un salaire mensuel net de 4,650.00 gourdes pour un cours. Le contractuel gagne environ 27,000.00 gourdes pour une session.
Dans certaines entités de l’Ueh, le salaire-horaire est de 450.00 gourdes, selon le recteur sortant Vernet Henry.
Toutefois, les professeurs de la Fasch estiment que « d’autres rencontres doivent être organisées autour de ce point avec une plus large participation » de leurs collègues.
Au début de décembre 2011, les professeurs de l’école normale supérieure (Ens) avaient observé un arrêt de travail, durant deux jours, pour exiger de meilleures conditions de fonctionnement.
Consignes de vote
Certains délégués des entités de l’Ueh attendent encore les directives de leurs mandants pour les élections du 3 février 2012. Pour d’autres, c’est déjà arrêté.
A la Fdse, le délégué des étudiants, Woodjiny Etienne, dit « attendre la rencontre des étudiants avec les candidats le 2 février », pour ensuite « rencontrer les comités de salles, puis le comité central pour savoir qui voter ».
James Beltis de la Fasch a déjà la consigne de ses mandants.
« J’ai pu former ma position en rencontrant les étudiantes et étudiants ainsi que des organisations estudiantines. », confie-t-il.
Pour Junior Cénanfils, délégué des étudiants de la Faculté d’ethnologie (Fe), ses pairs se sont déjà exprimés au cours de l’assemblée générale des étudiantes et étudiants, tenue le 28 janvier dernier.
« Les étudiants ne veulent plus de l’actuel conseil. Mais, ils sont aussi insatisfaits des programmes proposés par les autres candidats », informe–t-il.
Tout en plaidant pour un suffrage universel direct, Cénanfils suggère de « surseoir sur les élections et de former une commission de réforme pour assurer la transition ».
Pour le scrutin du 3 février 2012, l’électorat est composé de 33 membres : 11 représentants de décanats, 11 représentants des professeurs et 11 délégués d’étudiants.
Le délégué des professeurs de l’Ens, Lesly Déjean, n’a toujours pas de consignes de ses collègues.
Les professeurs Bérard Cénatus et Chantal Noël, respectivement responsables des entités Ens et faculté d’odontologie (Fo), sont dans la même situation (le 1er février), à la veille du scrutin.
Une fois les élections terminées, le nouveau rectorat devra trouver des réponses appropriées aux questions du budget, de la réforme de l’université, de la loi-cadre de l’Ueh et de la gestion du campus de Limonade (Nord) dont les bâtiments (construits avec un financement de la République Dominicaine) ont été symboliquement inaugurés le jeudi 12 janvier 2012 [deux années après le tremblement de terre du 12 janvier 2010]. [efd rc apr 02/02/2012 11:40]