Par Roody Edmé *
Spécial pour AlterPresse
Les éditorialistes de la presse locale ont beaucoup parlé de ce que l’un d’ entre eux a fort justement désigné comme une manifestation de la puissance d’Etat dominicaine en Haïti. Vous avez compris qu’il s’agissait de l’inauguration à l’heure et à la date prévue, soit le 12 janvier 2012, du campus universitaire de Limonade. Une magnifique démonstration de rigueur et de discipline qui montre que si l’on veut devenir un pays émergé, il faut savoir délivrer à temps les promesses faites à une population.
Un cadeau « honteux » qui malmène un peu notre fierté, mais qu’il faut considérer et protéger. L’histoire de nos deux peuples étant souvent faite d’heureux « mécomptes », de maladresses lourdes comme la fermeture de l’Université de Santo-Domingo, sous le régime de Jean Pierre Boyer ; sans oublier, côté dominicain, la folie génocidaire du trujillisme cocardier contre nos compatriotes résidant dans les années 30 en terre voisine.
Mais il faut reconnaitre qu’il y a eu aussi quelques éclaircies lumineuses comme les interventions haïtiennes pour protéger la souveraineté dominicaine, une fois face à l’Espagne et une autre fois face aux Etats-Unis. Le support dominicain après le séisme et le campus de Limonade sont à mettre au crédit de ces rares moments de solidarité que nos deux nations gagneraient à renforcer.
On a vu un président Fernandez, lors de l’inauguration du campus, s’exprimer dans un français impeccable, mentionner avec intelligence et élégance, ce qu’Haïti avait de meilleur. Il a su donc éviter toute forme de condescendance en s’adressant à la nation haïtienne, en même temps qu’il semblait nous rappeler, entre les lignes, notre paresse coupable de ne pas arroser le terreau qui a produit tant d’intellectuels brillants : Jean Price Mars, Jacques Stephen Alexis, Lyonel Trouillot, etc.
Un bon point pour la diplomatie dominicaine qui a su si bien enrober la pilule, quand on se souvient de nos douloureux problèmes migratoires et des brutalités qui accablent les nôtres en terre voisine.
Quoiqu’ il en soit, il reste à Haïti de se montrer à la hauteur, de ne pas laisser par négligence se dégrader le campus de Limonade, comme on a laissé jadis se dégrader un magnifique marché offert par les vénézuéliens.
Il s’agit pour le gouvernement qui annonce des investissements massifs en infrastructures de réaliser ses promesses suivant un calendrier rigoureux et responsable. D’autant que la semaine dernière, le doyen de la presse haïtienne donnait l’exemple en rouvrant ses bureaux au centre ville dans un environnement qui rappelle encore le décor du film « the day after ».
Il s’agit de commencer à travailler et de délivrer à temps. Pour montrer que nous ne sommes pas prêts d’oublier la « leçon dominicaine ».
Acquérir enfin, la culture de résultats qui fait aujourd’hui que le Brésil devance la Grande Bretagne. En évitant soigneusement, dans notre cas, les combats futiles contre les moulins à vent.
Un peu le message que Michaelle Jean a voulu transmettre cette semaine à nos politiques.
* Éducateur, éditorialiste