Par François-Frantz CADET [1]
Soumis à AlterPresse le 3 mars 2004
Toute la diaspora, l’opposition haïtienne et les miséreux d’Haïti sont satisfaits du départ d’Aristide, mais pas de la manière. Pour une fois la société civile et les partis déclarés d’opposition s’affirmaient en coordination. La diplomatie engagée conjointement par les USA, la France et le Canada, a passé outre leurs opinions et n’a retenu que celles qui prévalent à leurs yeux sur la scène internationale. N’oublions pas qu’elle avait en son temps opté pour le retour d’Aristide. Aujourd’hui, bien que débarrassés de leur oppresseur, les haïtiens vivent une situation qui demeure compliquée et complexe.
Restaurer le calme en Haïti ce n’est pas instaurer un processus démocratique à la manière américaine ou française. Des hommes armés pour des causes différentes sont à désarmer. Qui peut le faire ? Quel système de gouvernement installer ? Qui peut être candidat et à quelle élection ? Pour quel projet ? Dans quel laps de temps ? Quel intérim proposé ? Quelle guérison souhaitée à un malade qui ne sait que dire : que mon mal vient du passé et qu’il n’a pas d’avenir sans quémander sa maigre pitance aux autres ? (l’aide alimentaire distribuée ou plutôt vendue par les hommes de main des pouvoirs successifs, a anéanti l’économie agricole et rurale d’HAà TI) . Par quel tour de magie émergera cette classe d’entrepreneurs haïtiens qui fait défaut à Haïti depuis très longtemps ? Peut-on espérer qu’un groupe d’intellectuels haïtiens (leur isolement est désespérant et improductif) soit enfin disposer à combler les lacunes profondes qui se sont faites jour dans la société civile ? Qui sera ce nécessaire messie, attendu, capable, dans le désintéressement, de proposer à ses compatriotes un véritable projet de reconstruction de ce qui est utile, pacificateur, valorisant, nourricier et porteur d’espoir, je veux dire le SOL HAà TIEN.
Forestation, agriculture et artisanat rural sont les seules chances de renouveau. Prés de 50% des surfaces érodées, - un besoin alimentaire possible à satisfaire par la production intérieure - un art de vivre et de faire valoir à élever au niveau de la connaissance (école primaire et école professionnelle à développer) - un cadre de vie et des ressources maritimes à restaurer avant de les valoriser en produits nationaux, semblent être les axes sur lesquels il faudra porter les actions à venir.
Les groupes de réflexion en Haïti sont pauvres, pas tant d’incapacité et d’incompétence mais davantage par une aliénation rampante et récurrente qui interdisent aux idées nombreuses émises de franchir les paliers qui permettraient de les transformer en projets. La notion d’investissement n’existe pas en Haïti. D’ailleurs elle n’est perçue que chez les « Dam’sara » qui à elles seules par leur activité de négoce entretiennent l’économie agricole et valorisent l’artisanat rural)
200 ans d’indépendance n’ont pas permis aux haïtiens de renaître dans leur dignité d’hommes. Les haïtiens sont attachants et ceux qui les approchent et les découvrent reviennent subjuguer par leur candeur, leur simplicité et leur joie de vivre. Le cas haïtien relève de la socio-psychiatrie, où l’infantilisme primaire, le syndrome du déraciné, la sensation d’éternelle victime et la négation par l’élite de son assise culturelle, constituent les premiers éléments d’un diagnostic à approfondir.
Le changement à aménager et le nécessaire développement endogène à concevoir dans l’originalité et à construire dans la simplicité, ne se feront pas si l’étendue de la destruction sociale de ce pays n’est pas prise en compte par ceux qui auront à mener à bien les destinées de la nation haïtienne.
[1] Exilé haïtien / Enseignant Agricole en France / Maîtrise en science du développement
Francois-Frantz Cadet "Le Sérieyssol" 81600 MONTANS France
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