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Haïti-Cholera/2011 : Peu d’espoir quant à l’éradication de l’épidémie

P-au-P, 26 déc. 2011 [AlterPresse] --- L’année 2011, qui a suivi l’apparition du cholera en Haïti, n’aura pas apporté plus d’espoir quant à l’éradication de l’épidémie, oscillant entre pics inquiétants et déni persistant de l’Organisation des Nations Unies, impliquée dans l’introduction de la bactérie, selon plusieurs études.

Dès le 5 janvier, dans le sillage des organisations de défense des droits humains qui accusent et réclament justice, un groupe de syndicalistes décrète 2011 « année de révolte ». Ce groupe prend l’engagement de lutter pour que l’ONU accorde un dédommagement aux victimes de la maladie. Dès lors, les manifestations s’enchainent à l’initiative du groupe baptisé Collectif pour un dédommagement en faveur des victimes du cholera.

En face, le panel d’experts mis en place par Ban Ki-moon rend son verdict le 4 mai. Une « confluence de plusieurs circonstances » est à l’ origine de l’épidémie meurtrière , et ce n’est la faute de personne, tente de nuancer son rapport, vite décrié. Tout au long de l’année, la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTAH) sert ce discours de déni.

Alors que plusieurs autres études scientifiques confirment l’origine onusienne de la maladie, et les autorités publiques haïtiennes, et les Nations Unies jouent les sourds. Sans convaincre. A deux reprises la mission est pointée pour être allée déverser ses déchets dans des rivières. Elle se défend énergiquement. Pourtant ce n’est qu’en novembre, soit plus d’un an après l’apparition des premiers cas la force onusienne se félicitera de l’installation de centres de traitement de déchets au sein de ses différentes structures.

Et puis vers novembre 2011, une plainte officielle est déposée à New York contre l’ONU par 5 mille victimes, réclamant des compensations de 50 mille à 100 mille dollars. La MINUSTAH indique que les avocats de l’ONU examinent cette plainte . Le Collectif pour sa part prévient qu’il n’est pas question de reculer.

Le cholera ou le couteau dans la plaie

En 2011, Haïti est devenu le pays ayant enregistré le plus grand nombre de cas de cholera dans le monde. Dès le début de l’année, les autorités haïtiennes signalent une augmentation des reconductions de migrants haïtiens à la frontière par la République Dominicaine, sous couvert de lutte contre le cholera. Les chiffres officiels dominicains le confirment : plus de 3 mille ressortissants haïtiens reconduits en moins d’un mois. La stigmatisation des Haïtiens en territoire dominicain s’accentue. Toutefois les responsables sanitaires des deux pays s’entendent et mettent en place un groupe bilatéral pour gérer l’aide à la réponse au choléra. Nous sommes au 30 avril.

En 2011 la cascade de défis et de contraintes apportée par l’apparition du cholera n’a pas permis de souffler après le séisme. Les autorités humanitaires et locales comprennent au moins assez vite qu’il faut normaliser la distribution de l’eau potable et la gestion des déchets humains.

Le second point est le plus délicat. Le puits des excrétas à Truittier déborde et il convient de choisir un autre espace. Le choix se porte sur Duvivier, une localité de Cité Soleil. La population de la zone terrorisée par d’éventuelles répercutions sur l’environnement proteste et bilan : un mort. Plus tard les propriétaires du terrain bloquent la construction du site, mais l’Etat finit par trancher contre eux en octobre. Sauf qu’entre temps, Truittier est fermé aux excrétas et un véritable site de traitement de ces déchets est ouvert au Morne-Cabrit. Mais un seul est loin d’être suffisant, reconnaissent les autorités humanitaires.

Dans l’intervalle, il devient difficile d’avoir du répit avec les nouvelles infections, surtout quand la pluie s’en mêle. La pluie restera d’ailleurs la plus grande alliée du cholera. Les tempêtes Emily et Irène en août, et le carnaval tenu en février ont également fait craindre le pire.

Au 8 janvier 2011, la maladie a déjà tué 3 mille 400 Haïtiens et infecté plus d’une centaine de milliers d’autres. Une étude américaine prédit 800 mille cas d’infection et 11 mille décès entre mars et novembre 2011. Ces prévisions terrifiantes ne se réaliseront pas. En revanche, un cycle de pics et de baisse s’étendra tout au long de l’année.

Vers la fin avril, l’épidémie rebondit à Baradères dans les Nippes, soit un mois après que Médecins Sans Frontières ait annoncé son retrait progressif.

En juin, même cas de figure, le cholera profite de la saison pluvieuse, de la saison des mangues et de la fermeture de plusieurs Centres de Traitement de Choléra (CTCs) pour faire des ravages. En octobre, des flambées de choléra éclatent un peu partout dans le pays, après une période assez intense d’humidité. Le Sud, le Nord-Ouest, le Nord-Est, la Grand Anse et les Nippes sont frappés.

On compte près de 514 mille cas d’infection et un peu plus de 6 900 morts, selon les chiffres publiés par le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) au 6 décembre 2011. Le taux de mortalité s’est toutefois réduit passant de 2,4% fin 2010, à 1,3% fin 2011.

Et ce n’est pas fini…

En dépit de la stabilisation des cas enregistrés au cours de ces derniers mois, des nouveaux pics ne sont pas à écarter.

« Il y a encore 550 000 personnes déplacées vivant dans 802 camps, où les conditions sanitaires et d’hygiène se détériorent en raison du retrait des acteurs humanitaires. Le manque de services de drainage, de réparation et d’entretien des latrines fournit un environnement propice à la propagation du choléra », indique OCHA .

Les financements à long terme ne sont pas encore disponibles, et les financements à court terme, épuisés, poursuit OCHA. Un appel humanitaire de 231 millions de dollars est lancé pour 2012.

Alors que la majorité des acteurs humanitaires se retirent, l’Etat haïtien peine encore à prendre la main en assurant les services d’eau potable dans les espaces vulnérables tels les camps, ou le fonctionnement des Centre de Traitement de Cholera, littéralement en voie de disparition.

Le coût de fonctionnement d’un CTCs de 200 lits durant les 3 premiers mois est de 1 million de dollars, selon les organisations humanitaires. Actuellement, il n’y en a que 29 en fonction pour tout le territoire, et 160 Unités de Traitement de Choléra (UTCs) . En novembre 2010 par exemple on comptait 87 CTCs.

En janvier 2012, le ministère haïtien de la santé s’apprête à lancer une expérience test de vaccination. L’idée n’a jamais séduit les responsables de santé, qui finalement se plient à cet exercice visant 100 mille personnes. Déjà ils l’affirment : un vaccin est couteux et n’est pas la méthode la plus efficace pour combattre le cholera. [kft apr 26/12/2011 11:00]