P-au-P, 22 déc. 2011 [AlterPresse] --- Environ deux ans après le séisme du 12 janvier 2010, qui a poussé des millions de personnes à se déplacer vers des camps aux conditions difficiles d’existence, l’organisation Solidarité des femmes haïtiennes (en créole : Sofa) demande à l’ État d’établir des mécanismes pertinents pour une meilleure protection des femmes dans les abris provisoires.
Dans un rapport-bilan, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse, l’organisation de défense des droits des femmes fait état de 2,370 cas de femmes et filles violentées (dont 267 cas dans des abris provisoires, notamment à Port-au-Prince), en 2010 et 2011, dans 4 des 10 départements géographiques en Haïti.
Cette réalité montre « le degré de vulnérabilité de toute personne de sexe féminin à cette violence. Peu importe son âge, qu’elle soit bébée, enfant, adolescente, adulte, vieille, etc, elle n’est pas épargnée », souligne la Sofa.
Dans le décompte, l’organisation de défense des droits des femmes et filles a identifié quatre mille soixante trois (4,063) types d’agressions résultant de quatre formes de violence : d’ordre physique (34.41%), économique (30.96%), psychologique (28.53 %), sexuel (6.05%).
1,513 cas de violences faites sur les femmes ont été enregistrés, de janvier
à octobre 2011, par les centres d’accueil de la Sofa. Le département de l’Ouest (centre Douvanjou 21 / Martissant, périphérie sud de la capitale Port-au-Prince) compte à lui seul 818 victimes.
857 cas de violences, dont 552 dans l’Ouest (particulièrement à Martissant), ont été dénombrés dans les mêmes zones, de juillet à décembre 2010.
Ces cas de violences sur femmes et filles ont été signalés dans les 21 centres « Douvanjou » d’accueil de la Sofa, répartis dans 4 départements (Ouest, Grande Anse, Sud-Est, Artibonite/Nord) et englobant huit (8) communes, quinze (15), sections communales et quatre (4) bourgs.
Les femmes et filles, ayant visité les centres d’accueil de Sofa en 2010 et 2011, sont âgées entre 3 et 76 ans.
Violences sexuelles sur les mineures en 2010 et 2011
Sur 246 agressions subies par les femmes et filles, dans les 4 départements précités, 153 ont été perpétrées sur des mineures : bébées, petites filles et adolescentes de 3 à 17 ans.
Parmi les cas d’abus sexuels sur les mineures, dont 11 tentatives de viols, treize (13) ont été suivis de grossesse, huit (8) de viols répétés, trente cinq (35) de viols collectifs..
Sur quatre-vingt-dix-neuf (99) cas de viols, répertoriés par la Sofa dans le département de l’Ouest, cinquante et un (51) ont été commis sur des mineures.
Quarante (40) cas de viols, dont trente-quatre (34) sur des mineures, ont été recensés dans le Sud-Est.
Soixante quatre (64) cas de viols, dont trente six (36) sur des mineures, ont été dénombrées dans l’Artibonite.
Dans la Grande Anse, sur quarante trois (43) cas de viols, trente deux (32) ont été perpétrés sur des mineures.
Catégories de violences pour la période 2010-2011
Parmi les milliers de cas, recueillis pour la période 2010-2011, la Sofa indique quatre catégories de violences sur les femmes et filles : conjugale (85.94 %), civile (12..06%), familiale (1.89%), publique (0.80%).
Constats alarmants
Dans les abris provisoires, la solidarité des femmes haïtiennes relève une forte appréhension de représailles chez les victimes (femmes et filles) qui refusent de porter plainte à cause de leur proximité avec leurs agresseurs.
Les ressources d’accueil et d’accompagnement des femmes et victimes, ayant souffert de violence sexuelle, sont très limitées dans le pays, notamment l’accès à des certificats médicaux, signale la Sofa.
Il y a également une augmentation de cas d’irresponsabilité paternelle ainsi qu’une lenteur dans l’obtention d’une pension alimentaire par les femmes sous la menace et touchées par la violence conjugale.
Recommandations
L’État doit appuyer et considérer, « dans le budget public national, une enveloppe allouée à l’accompagnement des femmes victimes et aux actions de lutte pour éradiquer la violence faite aux femmes », préconise l’organisme de défense des droits des femmes et des filles.
La justice est conviée à mettre en application des « sanctions prévues par le décret du 6 juillet 2005 en matière d’agression sexuelle », pour que l’action publique soit mise en mouvement contre les agresseurs.
La Sofa recommande aux institutions nationales de sécuriser les femmes et les filles, notamment celles qui ont été déplacées dans les abris provisoires après le tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Différents articles de la déclaration universelle des droits de la personne exigent le respect du droit à la dignité de toutes personnes, vivant dans ces conditions de mouvements humains, en particulier la protection des femmes, des mineures et des enfants contre la violence sexuelle. [emb rc apr 22/12/11 11:20]