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Haiti-Duvalier : Onze mois depuis que des organisations nationales et internationales réclament le jugement de l’ex-dixtateur

Communiqué du Collectif contre l’impunité [1]

Soumis à AlterPresse le 14 décembre 2011

Cela fait 11 mois depuis que l’ex dictateur Jean-Claude Duvalier est revenu en Haïti après s’être exilé pendant 25 ans en France. 11 mois depuis que des plaignants-es se sont présentés par-devant les tribunaux pour exiger le jugement de l’ex Président à vie pour des crimes contre l’humanité commis sous son gouvernement ; pour réclamer que justice soit rendue aux milliers de personnes de toutes conditions que le régime a emprisonnées, torturées, exécutées, fait disparaitre, déportées. 11 mois depuis que des organisations nationales et internationales exhortent l’État haïtien à se plier à ses obligations en matière de respect des droits humains.

Le Collectif contre l’impunité a symboliquement choisi la période de commémoration de la Déclaration universelle des droits humains (10 décembre) pour réaffirmer sa détermination à poursuivre les démarches visant au jugement de Jean-Claude Duvalier pour crimes contre l’humanité. En tant qu’Haïtiens et Haïtiennes, nous sommes au cœur même de l’humanité. En nous libérant de l’esclavage en 1804, nous avons proclamé notre humanité pleine et entière. En étant, en 1945, parmi les 19 pays signataire de la charte de Nuremberg établissant le tribunal pour juger les crimes du nazisme, nous avons à nouveau attesté de notre appartenance à l’humanité. En 1946, en étant membre fondateur des Nations Unies, nous avons contribué à codifier de manière irrévocable les droits humains. En 1986, en mettant fin à la féroce dictature des Duvalier, nous avons réitéré notre volonté de construire un État de droit démocratique, donc soucieux du respect de l’intégrité des personnes. Haïti a donc toute légitimité pour poser la question des crimes contre l’humanité.

Le Collectif a expliqué le sens de sa démarche, une quête de justice et donc de vérité pour contribuer à ce que la nation confronte son histoire plutôt que de la subir ou de feindre de l’ignorer. Réclamer que la justice se prononce sur des crimes qui ont si douloureusement marqués notre vie de peuple, inviter nos compatriotes à réfléchir sur les mécanismes de la dictature des Duvalier, cela ne s’apparente en rien à une stérile recherche de vengeance.

Depuis que le Collectif s’est lancé dans ce combat spécifique contre l’impunité et le révisionnisme, d’autres voix, d’ici et d’ailleurs, se sont solidairement mêlées à la nôtre. Ainsi, avec le concours de juristes internationaux [2] il a été élaboré un Amicus, c’est-à-dire un commentaire juridique destiné à aider les autorités judiciaires. Le document indique comment le cas de Jean-Claude Duvalier peut être traité et en quoi les allégations concernant le caractère soit disant illégal d’une inculpation de l’ex dictateur ne sont pas fondées, tant au regard de la législation haïtienne que du droit international obligeant Haïti. L’Amicus, démontre que :
- le droit international s’applique en Haïti ;
- il n’y a pas de prescription, ni d’amnistie pour les crimes contre l’humanité ;
- des crimes contre l’humanité ont été allégués sous le gouvernement de Jean-Claude Duvalier ;
- des crimes dans le droit haïtien en vigueur peuvent constituer des crimes contre l’humanité ;
- Jean-Claude Duvalier est responsable des actes délictueux commis par l’État haïtien ; et
- Jean-Claude Duvalier peut être poursuivi.

Le contexte national continue cependant à provoquer de graves inquiétudes et porte notamment à s’interroger sur la volonté politique de l’État à tout mettre en œuvre pour que la justice puisse effectivement suivre son cours. Réclamer que Jean-Claude Duvalier rende compte des actes de ses 15 ans de pouvoir sans partage est une exigence éthique.

Pour le Collectif
Danièle Magloire


[1Des plaignants-es, contre l’ex dictateur Jean-Claude Duvalier et consorts, et des organisations de défense des droits humains
Centre œcuménique des droits humains (CEDH) - Kay Fanm (Maison des femmes)
Mouvement des femmes haïtiennes pour l’éducation et le développement (MOUFHED) - Réseau national de défense des droits humains (RNDDH)

[2Patricia Sellers, ex cheffe adjointe de la Section des avis juridiques, Bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et conseillère juridique spéciale à la Division Genre et Droits de la Femme de Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, Open Society Justice Initiative et Avocats sans frontière Canada (ASFC).