Par Josué SIGUE et
Louibenson LOUIS *
Soumis à AlterPresse le 13 décembre 2011
L’Ecole Normale Supérieure atteint le sommet de ses anomalies. Les étudiants, futurs professeurs, sortent de leur cocon noir et revendiquent désormais de nouvelles conditions de travail et exigent une valorisation de la profession enseignante.
Le séisme du 12 janvier 2010 a mis à nu la majorité des institutions du pays dont l’École Normale Supérieure (ENS), l’une des onze(11) entités de l’université d’ETAT d’Haïti ayant pour mission de former des enseignants pour le secondaire et d’initier les étudiants à la recherche, grâce notamment aux programmes de second cycle (Master). Depuis, l’ENS se trouve dans une situation difficile et embêtante. Elle manque de tout. Il n’y a plus de bibliothèque qui jadis était l’une des mieux garnies de l’université d’Etat d’Haïti, de laboratoire, de cafeteria. Les étudiants n’ont accès à aucune assurance médicale. De plus, l’ENS ne dispose plus d’un espace propice capable d’accueillir le nombre normal d’étudiant soit de 500 environ repartis en sept (7) départements à savoir : les langues vivantes, les lettres modernes, la philosophie, les sciences sociales, les mathématiques, la science physique et les sciences naturelles-chimie. Ce qui correspond au nombre de vingt quatre (24) salles de cours augmentées de six (6) autres relatives aux programmes de maitrise en Histoire, en géographie et philo/lettres. Outres ses problèmes fondamentaux, l’ENS est confrontée à une crise beaucoup plus profonde. Elle fonctionne avec un nombre insuffisant de professeurs qui, malgré leur bon vouloir, évoluent dans des conditions minables ; on dirait que l’article 32-10 de la constitution qui stipule que "l’Enseignant a droit à un salaire équitable " tombe en désuétude.
Le poids social de l’ENS dans la société haïtienne
L’éducation est l’une des préoccupations de l’heure. Partout ou l’on passe, elle fait l’objet de grands débats. Mais, peut-on vraiment aborder la question de la réforme du système éducatif sans tenir compte du poids réel de l’ENS dans ce processus combien noble ?
La réponse est sans nul doute négative. Fondée en 1947 sous le gouvernement de D. Estimé, l’ENS jouait et joue encore un rôle considérable dans le système éducatif haïtien. Elle assure, entre autres, la formation des maitres qui eux-mêmes auront à former les fils et les filles du pays.
Disposant de trois (3) programmes de maitrise (en Histoire, en Géographie et en philo/lettres), et trois(3) programmes de licence (en Mathématique CAEM, en Physique CAEP et en langue étrangère CAEF), l’ENS participe grandement à la formation de l’élite intellectuelle du pays. Elle participe a la formation de vrais citoyens et de vrais patriotes, car à l’instar de Louis Joseph JANVIER, on peut dire que plus on est éduqué, plus on est patriote.
Outres ces détails, l’ENS est, parmi les onze (11) entités de l’UEH, l’une de celles qui offrent la plus grande variété de formation. En 2010, plus d’une centaine d’étudiants et de professeurs sont partis pour des études spécialisées dans des pays comme la France, La Pologne, Porto-Rico et le Brésil. L’Ecole a développé des partenariats avec la France qui accorde des bourses d’études aux étudiants en Master et en Doctorat dans presque toutes les disciplines qui y sont enseignées. Ainsi à Poitiers (France) on compte 14 en Master 1 et 2 en Biologie, Anglais, Lettres modernes, Chimie, Physique et Histoire. A Evry (France) deux (2) sont en Master 2 chimie ; à PAU (France) un (1) en Master 2 Biologie ; en Guadeloupe dix-huit (18) étudiants sont en Master 2 Physique, vingt (20) sont en Master 2 Mathématique, un (1) en Master 2 Droit , quatre (4) en économie, dix (10) en Master 2 Français langue étrangère ; En Pologne , dix (10) sont en licence Français langue étrangère ; à Taiwan , deux (2) sont en Doctorat, dix (10) sont en doctorat en lettres ou en philo en France pour ne citer que ceux-là.
Si l’éducation est réellement la priorité de l’heure, l’ENS, par ses sept (7) départements recouvrant presque tous les champs du savoir, par ses programmes de formation avancée, ne peut ne pas être prise en considération.
L’ENS et ses rapports avec le MENFP
Apres avoir montré l’importance considérable de l’ENS tant dans la formation continue de l’élite que dans la formation des élèves, il faut, ici, signaler qu’il n’existe depuis des lustres aucun lien entre celle-là et le Ministre de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) qui lui-même est chargé d’assurer la formation tant intellectuelle, morale que professionnelle de la population en vue de répondre aux besoins de développement national. Cette rupture est-elle sans conséquence sur l’éducation haïtienne ?
Les conséquences sont manifestes. L’éducation haïtienne, au cours de ces dernières années perd progressivement de sa valeur. L’une des raisons fondamentales de cette baisse est que le MENFP qui selon l’article 32-1 de la loi mère doit veiller au niveau de formation des enseignements des secteurs publics et privés, se laisse emporter par le clientélisme politique, autrement dit, par le mounpanisme. Le rapport de la JICA peut en témoigner. De 2005 a 2010, le nombre d’étudiants finissant de l’ENS non nommé par le MENFP est de 297, soit 50.5 % et le nombre nommé par le MENFP est de 19, ce qui ne représente rien par rapport au nombre d’étudiants finissants.
Fort de tout cela on peut estimer que ce travail peut aider à une bonne compréhension de ce que représente l’ENS dans le système éducatif haïtien, cela permet, entre autres avantages, d’avoir une idée de l’organisation de l’école, la formation qu’elle offre, le nombre d’étudiants qui la fréquente et le parcours de ces derniers. Nous espérons qu’il aidera à prendre des décisions judicieuses dans le cadre des discutions qui sont en cours en vue de permettre à cette Ecole de répondre efficacement à sa mission de formation et de recherche.
* Etudiants finissants au département de philosophie à l’ENS