Débat
Par Jacques-Michel Gourgues *
Soumis à AlterPresse le 11 décembre 2011
12 janvier 2010 – 12 janvier 2012, dans moins d’un mois, ce sera la célébration d’un jour triste, très triste qui a marqué Haïti et frappé le monde entier ! Une visite au Champ de Mars montre encore les stigmates de ce malheur qui s’est abattu sur le pays ! Un malheur annoncé, crié sur tous les toits tant par des scientifiques, pour leurs prévisions que par de simples citoyens qui ont reçu des messages à travers leurs rêves, pour des prédictions ! C’était la catastrophe annoncée, c’était la prophétie du malheur !
Des scientifiques tels qu’Eric Calais, Claude Prépetit et autres ont crié dans le désert comme le prophète pour alerter tant la population que les autorités gouvernementales sur les risques certains de cette catastrophe qui se précisait à l’horizon.
Parallèlement des citoyennes et des citoyens par le biais de perceptions extra-sensorielles (PES ou ESP en anglais) ont clairement vu dans leurs rêves le séisme dévastateur du 12 janvier. En atteste, cette femme, Mme. Brutus qui est passée quelques mois avant sur les ondes de Radio Télé Ginen à l’émission Kalfou de l’animateur bien connu, Konpè Filo. D’autres personnes anonymes n’en ont pas fait autant mais elles existent et ont raconté leurs récits bien avant le 12 janvier 2010.
La cécité ou mieux la surdité des uns et des autres a donc causé des milliers de morts, d’estropiés, de handicapés, de sans-abris.
Dans son dernier message circulant sur le Net, le professeur Calais a, de nouveau, signalé que des séismes potentiels au niveau de la péninsule du Sud et la côte Nord d’Haïti pouvaient se produire. Du côté dominicain, de nombreuses mesures ont été prises pour parer au pire. Du côté haïtien, on est comme celui qui sait mais ne croit pas comme en 2009. Malgré les événements du 12 janvier, on reprend les vieilles habitudes qui font qu’on n’écoute pas ces prophètes de malheur, même s’ils sont des hommes ou des femmes de science reconnus. Difficile donc de croire si ce que nous savons c’est bien ce que nous savons.
Encore moins, prendre au sérieux des personnes qui ont la capacité grâce à des perceptions extra-sensorielles de connaître des événements futurs. Car les gens, si incrédules, souhaitent que cela devienne vraiment faux, comme le Noé de Gunther Anders, cité dans Dupuy (2005). Les premières sont des Noé annonçant sans cesse des malheurs qui prennent du temps pour venir et qui, lorsqu’arrivant enfin, auront été, laissant derrière eux leurs cortèges de corps sans vie, de maisons détruites, d’espaces dévastés…
La parabole de Noé d’Anders reprise par Dupuy (2005) illustre bien nos propos au sujet de Mme. Brutus, et de tant d’autres qui captent ces messages venus d’ailleurs et les racontent à leurs congénères. Pour se faire comprendre Mme. Brutus aurait dû faire comme le Noé d’Anders en se présentant à l’émission télévisée Kalfou avec de vieux vêtements en sac, badigeonnée de cendres sur sa tête, son visage : le caractère hideux de la mort annonciatrice ! Elle serait alors prise au sérieux par les téléspectateurs et, peut-être les autorités, car elle leur dirait ainsi que la catastrophe était proche. Et quand Konpè Filo lui demanderait quand ceci arriverait, elle aurait répondu : demain ! Eh oui, demain la catastrophe aura été et tout ce qui est n’aura jamais existé ! Et elle reprendrait à son compte ces phrases d’Anders (Dupuy, 2005) : « Si je suis venu devant vous, c’est pour inverser le temps, c’est pour pleurer aujourd’hui les morts de demain. Après-demain, il sera trop tard. »
Les paroles de Mme. Brutus ont apporté une information et un savoir relevant de la précognition et ceci heurte le système de croyances de son auditoire et la foi de certains. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Tant du côté des personnes reconnues comme des scientifiques que des autres pouvant capter à distance des événements futurs, l’avenir est plutôt sombre.
Pour le professeur Calais, il faut s’inquiéter du comportement des failles du Sud et il souligne que les répliques ayant lieu récemment à Petit Goave et Grand Goave ont eu lieu en pleine mer. D’où ses craintes d’un potentiel séisme majeur dans un temps non précisé ! Si le risque de tsunami est prévu pour la zone Nord, en particulier le Cap où l’on a installé, le 8 décembre 2011, un marégraphe en raison de la vulnérabilité de la région du Nord, principalement de la ville du Cap-Haïtien, aux aléas sismiques et aux risques de tsunamis, a précisé un responsable de la SEMANAH (Service Maritime et de Navigation d’Haïti) à AlterPresse.
Du côté des clairvoyants, les informations rejoignent les positions du professeur Calais et de ses collègues mais avec un risque majeur de tsunami sur Port-au-Prince et ses environs côtiers. Quand cela arrivera-t-il ? Comme Noé, on dira demain mais ce qui est certain ce sera dans un temps proche, et même très proche ! Car, après-demain, le déluge aura passé, pour reprendre Dupuy (2005).
Toute la question de la prophétie du malheur se pose à nouveau, savoir : comment motiver la population, les autorités pour prendre conscience et passer à l’action afin de prévenir ces milliers de morts, ces milliers de dollars de dégâts. Même si on ne saurait empêcher la catastrophe de se produire, on pourrait néanmoins endiguer cet impensable possible ! Que cette prophétie du malheur se transforme en une prophétie du bonheur par l’apparition soudaine d’un lendemain inattendu lorsque le déluge aura été !
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* Ph.D. en Éducation
Bibliographie
Dupuy, J-P (2005). Petite métaphysique des tsunamis. Editions du Seuil, Paris, France.
Dupuy, J-P (2002). Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain. Editions du Seuil, Paris, France.
Radin, D. (1997). La conscience invisible. Presses du Chatelet (2000). Editions J’ai lu (2006). France.
Sarthou-Lajus N. octobre 2008- tome 409/4 http://www.revue-etudes.com/Societe/Par_dela_les_propheties_de_malheur/45/10534
http://www.alterpresse.org/spip.php?article12026