P-au-P., 27 févr. 2004 [AlterPresse]--- Forte de plus d’un million d’habitants, répartis dans environ six communes, la population de la zone métropolitaine de Port-au-Prince se trouve prise en otage, depuis une semaine, par la milice armée lavalas qui a érigé des barricades sur différentes artères et à l’intérieur de divers quartiers, rançonné plusieurs personnes, pratiqué des exécutions sommaires, procédé à de multiples règlements de compte, pillé des magasins, dans l’attente d’une éventuelle attaque des insurgés anti-Aristide, ont constaté les journalistes au matin du 27 février 2004.
A l’exemple du climat de violence, installé par les partisans lavalas il y a quelques semaines au Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays à 248 kilomètres au nord de la capitale, des signes avant-coureurs de cette situation de désordre systématique - favorisé voire encouragé par le régime lavalas - paraissaient évidents, depuis quelques jours à Port-au-Prince, avec des appels à la violence et à la défense (par tous les moyens) du régime lavalas, lancés sur les antennes de stations pro gouvernementales, par des partisans du régime contre des journalistes, des opposants, des membres d’organismes de droits humains ainsi que d’autres citoyennes et citoyens.
La nuit du 26 au 27 février 2004, ponctuée par un festival de tirs nourris d’armes en beaucoup de quartiers, a été marquée par de nombreux actes de vandalisme, d’agression et de pillage, perpétrés par des partisans lavalas, cagoulés et lourdement armés, qui ont, par ailleurs, exercé des tracasseries sur un nombre indéterminé d’habitants, dont plusieurs ont été blessés par balles.
Semblant obéir à un mot d’ordre de non intervention et de laisser-faire, la Police Nationale d’Haïti reste passive, ou ferme carrément les yeux sur les actes de brigandage perpétrés, à visière levée, par la milice armée lavalas.
Aux premières heures de la matinée du 27 février, il n’était pas possible de chiffrer le nombre de victimes, ni l’ampleur des dégâts enregistrés dans la nuit.
Les corps inanimés d’un nombre indéterminé de personnes gisaient dans différentes rues du centre-ville, tandis que beaucoup de résidences, centres d’enseignement (dont l’université Quisqueya, un établissement privé), stations d’essence, maisons de commerce, de vente de véhicules, terminaux privés au port de la capitale et autres magasins ont été saccagés durant la nuit.
Le plus grand parc industriel de la capitale a été l’objet d’actes de vandalisme, ont rapporté des responsables d’entreprises victimes.
Un commando d’environ 30 hommes lourdement armés a mis à sac le magasin de l’ancien Premier Ministre Smarck Michel (1994-1995), qui avait récemment dénoncé la gestion catastrophique du gouvernement Aristide, suivant les informations diffusées dans la Presse locale.
La milice armée lavalas a aussi attaqué la résidence de feu l’architecte Albert Mangonès, qui avait réalisé la statue du nègre marron établie en face du Palais National depuis des dizaines d’années et qui avait effectué des démarches pour la réhabilitation de la Citadelle Laferrière, considérée par l’UNESCO comme un patrimoine mondial construit par le roi Henry Christophe après l’Indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804.
Les occupants de la maison Mangonès, située dans la banlieue sud de Port-au-Prince, ont eu le temps d’aller se réfugier ailleurs, au moment où les civils armés commençaient à pénétrer par effraction dans leur demeure, a appris AlterPresse.
L’une des caractéristiques de la situation de chaos, que vit la capitale haïtienne, est un ensemble d’exactions et d’opérations de racket, perpétrées par les partisans d’Aristide qui, à bord de véhicules officiels et même d’ambulances, dévalisent entièrement les passants et s’emparent de force d’autres véhicules, y compris de la Presse.
Dans l’après-midi du 26 février, vers 5 :00 locales (11 :00 GMT), la milice armée lavalas avait pris position dans plusieurs rues de la capitale, en posant des barricades fumantes, perquisitionnant les véhicules et en forçant les passants à répéter des slogans favorables au président du 26 novembre (2000) Jean-Bertrand Aristide.
Pendant la nuit, les partisans d’Aristide ont aussi créé une panique à Petit-Goâve, à 68 kilomètres au sud de Port-au-Prince, et à Jacmel (Sud-Est), où plusieurs maisons ont essuyé des tirs d’armes à feu.
Cependant, à 2 :40 locales (7 :40 GMT), les rebelles du Front de Résistance pour la Libération Nationale - qui avaient investi le 22 février le Cap-Haïtien - ont pris le contrôle de la ville de Mirebalais, ville de plus de 80 mille habitants à une soixantaine de kilomètres au nord-est de la capitale abandonnée par les policiers nationaux dans la soirée du 25 février.
Les rebelles, qui avaient tiré plusieurs rafales d’armes au moment de leur entrée dans la ville, n’ont eu à affronter aucune résistance.
Ils ont libéré plus de 60 détenus, laissés enfermés dans des cellules par les policiers nationaux.
La prise de cette dernière ville constitue une avancée importante pour les insurgés, vu que Mirebalais représente un lieu stratégique donnant accès au département de l’Artibonite (à l’ouest), au chef-lieu du département du Centre (au nord) et à la République Dominicaine par les villes frontalières de Belladère et Elias Pina (à l’est).
Dans le département du Sud-Est, plus d’une trentaine de civils armés, se déclarant en faveur de la démission de Jean-Bertrand Aristide, ont assauté le sous-commissariat de Cayes-Jacmel. Ces rebelles menacent d’incendier des édifices publics, au cas où le président du 26 novembre 2000 ne quitterait pas le pouvoir dans les prochaines heures.
Toujours au Sud-Est, les habitants de Anse-à -Pitres, ville frontalière avec Pedernales, ont saccagé pendant la nuit le commissariat de la localité où des barricades de pneus enflammés sont érigées dans la matinée du 27 février, a confirmé à AlterPresse un animateur d’une organisation non gouvernementale.
Les trois policiers de service au commissariat de Anse-à -Pitres ont dû se réfugier du côté de Pedernales, quadrillée par les militaires dominicains depuis quelques jours.
Entre-temps, une ambiance de confusion règne aux Cayes, la troisième ville du pays à environ 200 kilomètres au sud de Port-au-Prince, et à Jérémie, à environ 300 kilomètres au sud-ouest de la capitale.
En dernière heure, les policiers du poste frontalier de Malpasse, à une quarantaine de kilomètres au nord-est de la capitale, auraient abandonné le sous-commissariat, tandis que le bureau douanier aurait été saccagé par des individus non identifiés, a fait savoir un témoin à AlterPresse. [rc apr 27/02/2004 11:40]