Extrait du rapport de la commission d’enquête présenté le 22 novembre 2011 à l’assemblée du Sénat
Obtenu par AlterPresse
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I. Il s’agit en tout premier lieu du commissaire du gouvernement, Monsieur Félix Léger, celui par qui le scandale est arrivé. Il est le maitre de l’action publique. Il décide de poursuivre ou non. Mais a-t-il agi seul ? Bon nombre de personnes qui ont déposé par devant la commission le prétendent. Mais on y reviendra plus tard. Pour l’instant, il ne s’agit que de présenter les personnes impliquées dans l’affaire.
II. Ensuite vient le ministre de la justice, Monsieur Josué Pierre-Louis qui exerce une tutelle sur le commissaire du gouvernement. Il est garant du bon fonctionnement du système judiciaire. Les performances positives ou peu recommandables d’un commissaire de gouvernement le concernent au premier chef. Il a été informé de la démarche du commissaire du gouvernement dès le 20 Octobre 2011 (correspondance au président de la chambre des députés) et a suivi l’affaire jusqu’à son dénouement le 27 Octobre 2011.
III. Le premier ministre, Monsieur Gary Conille qui a la responsabilité de veiller à la bonne marche du gouvernement. Il a la responsabilité de l’exécution des lois de la république et veille au respect de ces mêmes lois. Il déclare avoir été tenu à l’écart de toutes les démarches et du ministre et du commissaire. D’ailleurs, il ne pourrait aucunement s’immiscer dans une action de justice entreprise par un commissaire d’autant qu’il a été menacé d’obstruction à la justice, par le ministre de la justice, le jour de l’arrestation.
IV. Le ministre de l’intérieur, Monsieur Thierry Mayard-Paul qui a été impliqué au plus haut point dans l’affaire. M. Paul a des amis à la chambre des députés . Ceux-ci l’avaient contacté pour obtenir de lui qu’il intervienne pour empêcher au gouvernement de plonger tête baissée dans l’illégalité. M. Paul a même tenté de parler au député alors que celui-ci était en France pour le dissuader de revenir au pays. Il a même consenti un déboursement personnel afin de permettre au député de rester quelque temps encore en dehors du pays et prévenir l’arrestation. De plus, c’est en sa présence qu’a eu lieu la scène où le président et le député se sont rivalisés dans la profération d’obscénités. Il était également témoin de la rencontre ou des sénateurs et des députés ont rencontré le président de la république afin de trouver une entente sur un possible abandon du projet d’arrestation du député.
V. Le directeur de la DCPJ, Monsieur Godson Aurélus, qui a posé mille questions au commissaire du gouvernement à la réception de la requête sur la faisabilité de l’arrestation. Alors comment expliquer son entêtement à exécuter cette requête le jour du jeudi 27 octobre 2011 et aussi sur la piste de l’aéroport malgré les tentatives de dissuasion du directeur général de l’AAN et du directeur de la sûreté de l’aéroport ? N’est-il pas tenu de discerner la faisabilité d’une action ? Le lieu et la date de l’exécution d’un ordre de justice ? Au pire comment interprète-t-il le texte de l’article 8 du manuel de la police qui l’interdit d’obéir à un ordre manifestement illégal ? S’il ne lui est pas donné d’interpréter un ordre de justice, il est tenu par contre de chercher à comprendre si et quand un ordre est illégal ou manifestement illégal ?
VI. Le directeur général de la police, Monsieur Mario Andrésol, qui a été immédiatement consulté sur un ordre reçu par son subalterne de la DCPJ. Le directeur de la DCPJ n’est pas obligé de consulter le directeur général sur un ordre reçu d’un officier du ministère public. Généralement, il exécute les ordres reçus et ne fait appel au directeur général que s’il a besoin de ressources dont il ne dispose pas comme par exemple argent et unités spécialisées. Si le directeur de la DCPJ avait cru bon de consulter immédiatement le directeur général, c’est justement parce que celui-là avait compris qu’il s’agissait d’un dossier sensible et délicat qui méritait la sagesse de l’analyse. De plus, le déploiement extraordinaire des forces de police le jour du 27 octobre 2011 témoigne de l’appréhension par les responsables de la police du caractère hautement explosif de l’ambiance créée par une telle décision.
VII. Le secrétaire d’état à la sécurité publique, Monsieur Réginald Delva, qui avant d’accéder à ce poste était conseiller du président. Il est chargé d’évaluer les conditions qui peuvent être considérées comme génératrices de sécurité ou comme menaces à la sécurité. Même s’il ne pouvait agir en sa qualité de secrétaire d’état, il était tenu en sa qualité de conseiller du président d’intervenir sur la question pour empêcher à la nation de se trouver dans cet immense embarras. Mais il n’a rien fait sous le fallacieux prétexte qu’il n’avait pas encore été installé comme secrétaire d’état et qu’il n’avait pas encore vraiment pris les commandes.
VIII. Le directeur de l’Autorité Aéroportuaire Nationale, Monsieur Pierre-André Laguerre qui après avoir essuyé un échec dans sa tentative de dissuader le directeur de la DCPJ d’exécuter son ordre au lieu et à la date convenus, n’a pas cru bon d’informer son ministre de tutelle (TPTCE). Qui pis est, même après l’incident impliquant des agents de sûreté sous sa responsabilité, battus par les agents de sécurité du ministre de l’intérieur, il n’a fait un rapport que parce que le ministre des TPTCE le lui a formellement demandé. Mais notons que ce rapport n’a été fait que sur l’incident entre le ministre de l’intérieur et les agents de sécurité sur la piste de l’aéroport (une parenthèse significative) et pas sur l’arrestation sur la piste elle-même (l’événement fondamental)qu’il juge ne pas être un fait digne de mention parce que selon lui « tout s’est bien passé. »
En outre, il tolère dans les locaux de son administration un certain Samuel Moreau sans grade ni titre, qui aux dires de certains, fait le lien entre l’aéroport et la DCPJ et serait vraisemblablement un agent lié a une agence de justice des Etats Unis d’Amérique, la DEA. Si cela se confirmait, sa présence à l’aéroport pourrait être considérée comme une forme d’espionnage de l’Etat haïtien sur des citoyens haïtiens au profit d’un Etat étranger. Ce qui s’apparenterait étrangement à un crime de haute trahison.
IX. Finalement, il y a le président de la république, Monsieur Michel Joseph Martelly qui est en fait l’initiateur du scandale. Il n’a pas su faire montre de retenue et se garder de verser dans la provocation. Il est celui qui, après l’incident du 12 Octobre 2011, n’a raté aucune occasion de se montrer menaçant envers tout le monde et plus précisément envers ceux qu’il qualifie de repris de justice (fugitifs et évadés de prison) en mal d’immunité réfugiés au parlement. C’est en fait lui qui a donné le ton en déclarant publiquement à l’aéroport de Port-au-Prince alors qu’il allait prendre l’avion à destination de la république voisine, le vendredi14 Octobre 2011, qu’il a demandé à la justice de garder les yeux ouverts sur les fugitifs et autres évadés de prison qui se permettent de parler très fort.
De plus, le président a organisé plusieurs réunions au palais national au cours desquelles la question de l’arrestation du député a été abordé. Même la veille de l’arrestation, au cours d’une réunion avec les principaux responsables de la sécurité dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, la question a été soulevée ; et le ministre des Affaires étrangères qui n’avait pas participé à la réunion mais qui est arrivé au palais juste à la fin de la réunion a été interrogé sur la faisabilité de l’arrestation. Cela va sans dire qu’il s’agissait d’un projet bien pesé et mûrement réfléchi.
De plus, il y a ceux dont les noms ont été cités dans l’affaire, mais les informations recueillies ne permettent nullement d’établir leur responsabilité. Le cas du Secrétaire d Etat aux Affaires Etrangėres, M. Michel Brunache, en est un exemple. Il figure sur la liste d’interpellation émise par le Sénat de la République, mais après avoir entendu près d une trentaine de témoins, aucune information n’est venue corroborer les informations initiales disant qu’il était présent à l’aéroport pour superviser l’arrestation et qu’il avait donné ordre à M. Gérard Dorsainvil de fermer le Salon Diplomatique afin d’empëcher les parlementaires d’y avoir accės. D’ailleurs, M. Brunache lors de son audition a rappelé à la Commission qu’au moment de l événement, il n’était pas encore en fonction et pendant l’absence du Ministre des Affaires Étrangères, M. Laurent Lamothe, la charge de ce ministère a été confiée à Mme Balmir, Ministre du Tourisme.
De son côté, M. Gérard Dorsainvil, Directeur du Salon Diplomatique, a catégoriquement nié le fait qu’il ait reçu de l’ordre d’un supérieur hiérarchique qui l’aurait demandé de fermer l’espace. Il a pris seul la décision en analysant la situation qui prévalait dans son périmètre. Quand il a pris cette décision, il n y avait aucun VIP au salon diplomatique.