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Pas de trêve dans la crise haïtienne durant le carnaval

P-au-P., 20 févr. 04 [AlterPresse] --- La période de carnaval ne constitue pas une trêve dans la crise haïtienne. Une vingtaine de personnes ont été blessées ce 20 février, lorsque des partisans du pouvoir ont ouvert le feu sur des milliers de manifestants pacifiques dans le quartier de Canapé Vert, à l’est de la capitale. Les agresseurs ont également fait usage d’arme blanche et de pierres.

Ce n’est là qu’un bilan provisoire. Parmi les victimes figurent un journaliste haitien, Claude Bellevue de la station privée Radio Ibo et plusieurs journalistes étrangers.

Une situation de tension régnait encore en fin d’après midi à Canapé Vert où les partisans armés du gouvernement ont érigé des barricades enflammées.

Les syndicats d’enseignants et les étudiants manifestaient sans protection de la police pour exiger la démission du président Jean Bertrand Aristide, pour dire non à à toute invasion du territoire et pour la libération de 11 syndicalistes arrêtés le 24 janvier dernier.

Auparavant, les étudiants avaient effectué à la faculté de sciences humaines des activités culturelles antigouvernementales avec la participation de centaines de personnes, sous le thème « abanaval », une manière de continuer à dire « a bas Aristide » dans une ambiance carnavalesque.

Autant dire qu’en cette période traditionnellement de réjouissance, la crise ne s’estompe pas. A Saint-Marc (nord), malgré le contrôle de la police, de nouveaux actes de violence ont été enregistrés. 7 résidences de sympathisants de l’opposition ont été incendiées ce 20 février, selon des informations rapportées par des journalistes locaux.

La veille, 2 personnes sont mortes dans l’incendie d’un magasin appartenant à Francky Paultre, représentant de la Chambre de commerce de Saint-Marc dans le Groupe 184 (opposition). Les 2 victimes, dont les noms n’ont pas été révélés, sont étaient des employés du magasin.

Après la reprise de Saint-Marc le 9 février passé par la police et les partisans armés du gouvernement, plus de 10 personnes ont été tuées dans des actes de représailles et plus de 12 résidences incendiées.

Du coté de la rébellion, de nouvelles conquêtes ont été enregistrées durant les dernières 48 heures. Des insurgés du Front de Résistance Nationale pour la Libération d’Haïti ont pris sans affrontement ce 20 février le contrôle de Savanette, petite ville de l’est. Les policiers ont abandonné le commissariat avant l’arrivée des rebelles, ont rapporté des correspondants.

Dans la région du Plateau Central (département de l’est) seule la ville de Mirebalais est gardée par des policiers, ont indiqué des correspondants locaux.

Des policiers ont été dépêchés ce 19 février à Mirebalais, plus de 48 heures après que cette ville a été abandonnée par la police. Dans l’ensemble du département les policiers ont fui les commissariats, suite à l’attaque le 16 février, de Hinche, principale ville régionale, avec un bilan de 3 morts, dont le directeur départemental de la police, Jonas Maxime.

Dans la région du nord-est, à Ouanaminthe, près de la frontière avec la République Dominicaine, la population a pris le commissariat qui a été incendié et des prisonniers libérés.

Selon les informations disponibles, le mouvement a été conduit par un groupe de jeunes qui ont dénoncé des abus de la police et appelé les rebelles à prendre le control de la ville.

Dans la ville voisine de Fort-Liberté, aucune présence de la police n’a été observée. Toutefois, selon des informations disponibles ce 20 février, la ville a est contrôlée depuis plus de 24 heures par des civils armés partisans du régime en place. Des incendies et des pillages ont été rapportés.

La situation demeure donc tendue dans plusieurs points du pays sans perspective immédiate d’un dénouement. Les tractations se poursuivent au niveau international et le président Jean Bertrand Aristide a réaffirmé ce 19 février qu’il irait jusqu’au bout de son mandat.

Les secteurs de l’opposition continuent d’observer l’attitude de la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis. L’ex maire de Port-au-Prince, Evans Paul, responsable de la Confédération Unité Démocratique, a estimé que l’action politique en Haïti ne peut être tributaire des avis émis aux Etats-Unis.

« Nous ne pouvons pas entreprendre nos actions politiques sur base de ce que disent les
Américains », a déclaré à la presse Evans Paul. Il a ajouté que l’élément fondamental est l’engagement vis-à -vis de l’avenir du pays. Toutefois, Paul a estimé qu’il ne faut pas négliger « la collaboration » avec la Communauté internationale.

Plusieurs hypothèses de résolution de la crise sont évoquées par des personnalités américaines qui parlent autant de négociation entre les protagonistes, d’élections anticipées et même de démission et d’exile d’Aristide, a souligné Evans Paul.

Ce 19 février, le Secrétaire d’Etat américain Colin Powell a laissé entendre que les Etats-Unis et plusieurs autres pays travaillent sur un « plan politique » qui sera présenté au chef de l’Etat haïtien et à l’opposition en vue d’une sortie de crise.

Pour Evans Paul, Aristide doit faire « un geste », bien qu’il soit « trop tard ». « Il doit se retirer du pouvoir pour permettre la recherche de l’unité nationale nécessaire » en Haïti, a affirmé le responsable politique.

Le 2 janvier dernier, la Plate-forme Démocratique, vaste coalition socio-politique, a présenté une proposition d’ « alternative de transition » après une démission éventuelle du président Aristide.

Selon la proposition, un président de transition devrait être choisi parmi les juges de la Cour de Cassation et assisté par un Conseil de Sages de 9 membres sur le modèle du Conseil Electoral Provisoire.

Dans une nouvelle résolution, l’Organisation des Etats Américains (OEA), qui a effectué plus de 20 missions infructueuses en Haïti, a demandé ce 19 février à Aristide d’appliquer des réformes contenues dans une proposition de la Communauté Economique de la Caraïbe (CARICOM).

à€ la fin de janvier, suite à des démarches de la CARICOM, Aristide s’était engagé à entreprendre diverses réformes, notamment gouvernementales avec la nomination d’un nouveau premier ministre en concertation avec l’opposition.

Mais, début février, la crise a pris une autre tournure avec une rébellion armée, qui occupe une bonne partie du nord et de l’est du pays. Des affrontements et la répression ont déjà fait près de 60 morts. [gp apr 20/02/2004 19:30]